jeudi 9 mai 2024

Sous les étoiles de Chinguetti

De Atar nous prenons la piste vers Chinguetti en fin de matinée après s’être ravitaillé à l’épicerie du coin, réserve d‘eau et tous pleins faits.

Le paysage change radicalement. De vastes plaines où viennent mourir les grands ergs poussés par le vent d’ouest, le paysage se pare de massifs rocheux bruns foncés aux sommets parfaitement plats comme les « table mountains » du grand canyon.

Parallèlement à la piste, un cavalier au port altier, pieds croisés sur le coup de l’animal, chèche et tenue traditionnelle, caracole fièrement en menant à la baquette un dromadaire équipé d’une selle d’apparat. Derrière lui un éphémère nuage de poussière comme une fumée de cigarette. Où peut-il bien aller à ce train d’enfer ?

Puis la piste monte en lacet sur un plateau rocheux par un impressionnant défilé au sommet duquel nous sommes contrôlés au check-point.

Cap à l’Est, la piste rectiligne devient très vite désagréable. Littéralement pourrit en tôle ondulée par le passage des 4 x 4, elle devient très désagréable pour nos grosses machines. La technique est bien connue, rouler à plus de 70 km/h pour gommer les vibrations. Mais il faut avoir un gros cœur sur une surface très rocailleuse où la moindre faute est sanctionnée par une chute. Chargés comme nous le sommes les dégâts signeraient la fin de l’aventure au milieu de nulle part. Quelques chaleurs nous rappellent à l’ordre.

Soleil au zénith, sans une once d’ombre, la température atteint 52° sur nos machines. A l’horizon une ligne dorée barre le paysage. Les vague du grand-erg Oriental. Et la piste devient plus sableuse…

Nous ne sommes plus qu’à moins de 3 kilomètres de Chinguetti. Les conditions deviennent très difficiles et risquées avec nos machines pas du tout gréés pour le sable, malgré les pneus dégonflés.

Je roule devant avec l’avantage d’une moto un peu plus légère que mon camarade. Debout sur les cale-pieds, corps en arrière il faut jouer de l’accélérateur en regardant loin sans trembler. L’œil dans les rétros je vérifie que Didier suit toujours jusqu’au moment où je ne vois plus ses phares allumés. Arrêt immédiat, il est à terre. Sans faire demi-tour sur ce terrain meuble, je reviens à pied. Nous relevons la lourde machine, mais Didier est à l’agonie. Il s’allonge immédiatement à l’ombre de la moto. Il est au bout de vie et je ne vaux guère mieux. Je parts à la recherche d’une piste parallèle alternative de part et d’autre de notre position. Mais la tête commence à tourner.

Didier reprend ses esprits. Nous faisons un point réaliste de la situation. Nous n’atteindrons pas Chinguetti ce soir et sans doute pas demain à moto. Pas d’autre choix que de bivouaquer au débotté et probablement faire le chemin inverse demain matin. Si nous avons de l’eau pour ce soir, ce sera insuffisant pour la nuit et pour demain. Il faudra donc partir à l’aube pour économiser les organismes.

La nuit n’est pas agréable, ponctuée de crampes d’effort auxquelles s’ajoutent l’effet de la déshydratation. Et sans aucun doute aussi un peu stressés par ce qui nous attend. Il faudra refaire le chemin inverse sans tomber ni casser. Et vu le terrain rien d’évident. Préoccupé aussi sur les alternatives possibles, frustrés de ne pas avoir vu Chinguetti.

Les heures passent sous les étoiles et je n’arrive pas à en profiter. Le sommeil ne vient pas.

5 heures du matin. Le ciel pâli à l’Est. Nous nous apprêtons à reprendre nos montures vers Atar…

(Désolé pour les photos, faute de réseau)

 

 

2 commentaires:

Philippe a dit…

Récit palpitant, mais prenez garde à vous deux !

Anonyme a dit…

On croit y être et vivre l’aventure avec vous..