Retrouver les étoiles de Shanghai.
Ressentir de nouveau le magnétisme et l’énergie de la grande citée, poumon
économique de la Chine mais pas seulement.
Nous traversons les vieux quartiers
coloniaux, avenues bordées des platanes ombrageant les trottoirs devant les
maisons construites à l’Européenne. De celles que l’on voit aussi à Pondichéry
où à Saint Louis du Sénégal. Là-bas le plus souvent fermées ou abandonnées, ici
bien vivantes devant lesquelles les jeunes chinois viennent flâner en amoureux.
Parfum de romantisme un peu suranné mais tellement charmant. On s’y perd pour
une courte parenthèse un peu hors du temps, s’y arrête prendre un café dans un
vrai café, avant de reprendre notre déambulation vers le prochain rendez-vous
dans un très joli restaurant, maison coloniale avec jardin où un top chef et
son équipe propose une cuisine exceptionnelle, faite de saveurs inattendues,
multitude de petits plats concoctés avec une remarquable précision. A ce niveau
c’est du grand art, éphémères réalisations générant des émotions culinaires
inoubliables.
-
Alcool
ou vin me demande notre hôte ?
-
Plutôt
vin. (On n’est jamais trop prudent.)
On nous propose alors un vin rouge
local, ni bon ni mauvais, mais dont la dégustation détend l’atmosphère en toasts
successifs célébrant nos retrouvailles, et pour le meilleur à venir – amitié,
affaires, santé – jusqu’à ce que les esprits un peu échauffés nous entraînent
dans de chaleureuses effusions. Il faut au moins ça pour se reconnecter après
toutes les restrictions de l’extraordinaire période Covid où la peur a
totalement sclérosé la société, entretenue par un pouvoir aux intérêts bien
compris.
Un peu étourdis nous terminons dans le
jardin avec un thé au jasmin purificateur.
Comme souvent en Chine, selon nos
standards Européens le rendez-vous se termine en queue de poisson, chacun quittant
la table presque sans presque un au-revoir.
Je propose à Huang Shi, mon collègue et
ami Chinois de 30 ans, d’aller faire un tour sur les rives de la Rivière
Huangpu et profiter de l’extraordinaire vue sur la skyline.
Nous attrapons un taxi, dernier modèle
de voiture Chinoise électrique, par l’application Huber locale. Super efficace.
Super service. Et nous voilà en route vers les étoiles, feu d’artifice lumineux
sur les constructions ultra-moderne. Comme un voyage dans un vaisseau spatial entre
rayons lasers, explosion de leds multicolores sur les façades de verre comme
les effets spéciaux d’une super production hollywoodienne. Fenêtres grandes
ouvertes pour ne rien rater du spectacle et profiter de la fraîcheur relative
de la soirée, le « cab » nous dépose au grand carrefour de l’avenue Xinkaihe
et Zhongshan.
D’un côté les imposants bâtiments datant
de l’administration coloniale parfaitement entretenus. A cette époque Shanghai
était LE poumon économique de l’Asie du Sud Est, rivalisant à sa manière avec
New-York, autre eldorado des entrepreneurs-aventuriers de l’époque.
De l’autre, une large avenue piétonnière
en surplomb de la rivière donnant sur la skyline en majesté sur la rive opposée.
Il y dans cette spectaculaire perspective du Manhattan vue depuis Ellis Island,
mirage d’un eldorado où tout serait possible.
Le magnétisme de ce paysage urbain est d’une
rare puissance, aimantant le regard comme des papillons de nuit vers la
lumière. Et il faut bien reconnaitre que l’expérience sensorielle est unique,
de celle, dans un tout autre registre, de la contemplation d’une nature encore vierge.
Il est ici question du génie de l’espèce humaine capable de telles réalisations.
Et n’en déplaise au grincheux qui, de manière caricaturale, l’oppose aux enjeux
environnementaux par ailleurs bien compris.
Profiter du paysage, mais aussi regarder
les gens. Des milliers de jeunes Chinois venu ici s’enivrer de lumière,
profiter des sunlights électriques et, pour beaucoup, se mettre en scène dans des
selfies savamment mis en scène. Tous ces jeunes sont fiers, enthousiastes et
confiants dans l’avenir. Ils rêvent, des étoiles pleins les yeux, de briller
aussi. Devrait-on leur en vouloir ? Avons-nous le droit de juger à l’emporte-pièce
du « haut » de nos repères occidentaux ?
Bien sûr qu’ici rien n’est parfait, pas
plus que chez nous d’ailleurs. Mais dans les tous les cas il y bien deux façons
de regarder l’avenir : avec confiance et optimisme ou méfiance et
défiance.