mardi 31 août 2010

Vacances ou Voyage ?

L’autre jour, encore sous l’effet du décalage horaire, nous faisions avec Flo une petite marche nocturne sous les étoiles, retrouvant notre ciel de fin d’été, constellation du Cygne au zénith sous la grande arche de la voie lactée diffusant sa lueur subtile. Il faisait déjà frais. A l’ouest le ciel était encore très légèrement laiteux, plus exactement d’un bleu foncé métallique, effet magique de la lumière zodiacale en cette période de l’année, tandis qu’à l’Est pointait la pleine lune comme un gros point sur le I du clocher de notre village, image familière de retour à la maison après 2 semaines de villégiature Chinoise.

Nous marchions sans bruit, main dans la main, des images du Tibet encore plein les yeux lorsque Flo me dit tranquillement :
- Tu sais, il ne faut pas confondre vacances et voyage…
Nous marchions lentement, l’esprit quelque peu dans le vague. Faisant à peine attention je ne réponds pas tout de suite...
- Tu veux dire quoi ?
- Et bien que les vacances sont faites pour se reposer, tandis que les voyages c’est autre chose.
- Et alors ?
- Et alors, une nouvelle fois nous avons voyagé.
- Pas faux.
- Et voyager demande un effort, un vrai investissement personnel. Sans quoi c’est gâché.
- T’as raison.
- Et tu sais quoi ?
- Non.
- Et bien y’a des fois où j’aimerais bien faire un voyage de vacances. Juste pour se reposer. Aller dans un endroit relaxant, avec une plage, la mer tiède et c’est tout.
- Je vois…

Nous rentrons nous coucher. La tête sur l’oreiller, je réfléchis à la réflexion de ma femme en me disant qu’elle avait une nouvelle fois parfaitement raison. Voyager demande en effet un effort, un réel investissement, sinon la télé pourrait suffire. Appuyer sur le bouton pour regarder « Discovery Channel » est une formidable fenêtre sur le monde souvent montré de la plus belle manière qui soit : images de paysages extraordinaires sous tous les angles, de gens magnifiques dans leur environnement. C’est très beau, magique, instructif parfois. Mais où est l’investissement personnel ? Où sont les rencontres inoubliables ? Où sont les odeurs ? les saveurs ? Où sont les morsures du soleil du désert, la moiteur d’un climat tropical, la caresse d’une brise de bord de mer, l’ivresse des hauts sommets ? Où est l’oppressante ambiance du souk de Marrakech, l’énergie électrique des rues Manhattan, la folie de Copacabana ?

Alors c’est vrai, vivre tout cela est impossible sans effort ni un minimum de risques. Et même si les bénéfices de l’investissement ne sont pas chiffrables, ils n’en sont pas moins dénués de richesse, de celle dont la valeur immatérielle n’a d’égal que le plaisir de la partager.

C'est promis. A très vite sur de nouvelles destinations.

mardi 17 août 2010

Epilogue

Shanghai a été telle qu’imaginée : grouillante, trépidante, électrique, ouverte sur le monde avec notamment cette expo universelle qui restera sans aucun doute un grand cru, confirmant pour qui en douterait encore, l’importance grandissante de la Chine sur le scène mondiale.
En prenant l’avion tout à l’heure, j’ouvre le « China Daily », journal « officiel » Chinois en langue anglaise qui titrait fièrement : « La Chine rejoint le Japon ! ». Il s’agissait d’un indice de croissance économique. Et sous le titre un graphique montrant comment, depuis 5 ans, la Chine avait sur ce critère successivement dépassée la France, l’Angleterre et l’Allemagne. Ne nous y trompons pas, le leadership économique à changé de côté. Et tandis que les Chinois poussent, nous râlons…

Mais ce voyage restera aussi celui des contrastes.
Aller de Shanghai à Lhassa c’est passer d’un extrême à l’autre, tant du point de vu géographique, économique que culturel.
Nous avons effleuré le toit du monde, rencontré ses habitants et leur profondeur mystique, respirer le même air (rare) qu’eux ; avons aussi été éblouis par leur soleil intense sur fond de ciel bleu profond à l’horizon barré d’impressionnantes forteresses naturelles, l’esprit un peu flou à ces altitudes, le nez en l’air, regard rivé sur les hauts sommets.
Après le Kilimandjaro, fouler de nouveau « ces hautes solitudes » prend soudain une autre importance. Mera Peak au Népal (6478 m) raisonne maintenant en moi comme une petite musique entêtante. Plus aucun doute, ce sera pour octobre 2011.

En attendant merci de votre fidélité. Vous avez été 298 à suivre ce récit de voyage au jour le jour. Restez sur le blog. Au programme des prochains mois : de nouveau la Chine en septembre, le Brésil début octobre, puis deux semaines exceptionnelles de raid moto dans le grand sud Marocain avec mes complices Jo et Did, alias Africa’Djo et Africa’Did, suivi par les USA en Novembre, la Chine de nouveau et probablement l’Inde avant la fin de l’année... A très vite !

dimanche 15 août 2010

1.347.340.048 de Chinois et moi, et moi, et moi...

Voyager en Chine, c’est réellement se frotter aux Chinois, au sens le plus littérale du terme, comme si ce peuple avait en permanence besoin de sentir l’autre dans une sorte de rapport de force physique étonnant à nos yeux d’Européens.
Est-ce la peur de manquer ou de ne pas être reconnu qui les oblige à « challenger » continuellement le groupe en « poussant », que ce soit pour monter ou sortir d’un avion, d’un train, d’un métro ou d’un ascenseur, entrer dans un espace public, faire ses emplettes dans un grand magasin ou tout simplement marcher le long d’un grande avenue ? Mais toujours est-il qu’en permanence on est poussé et bousculé.

Vous pensez que j’exagère, que mon propos n’est pas très élégant ?
Toujours est-il que c’est un fait et qu’il doit bien trouver une explication quelque part.
D’aucun diront qu’il s’agit tout simplement d’un manque de courtoisie ou « d’éducation ». Facile, mais je n’y crois pas un instant.
De la même façon que les Français sont des « râleurs », qui pourrait croire qu’il s’agisse d’un quelconque manque de courtoisie ou d’éducation ?!. les Chinois sont des « pousseurs ». Et cela trouve certainement racines dans l’histoire de nos peuples.

Commençons par les Français : contester et râler est à priori est un sport national. Nous sommes mondialement reconnus comme les champions du monde de la grève, triste privilège avouons-le. D’après les spécialistes de la question, cela viendrait de notre très ancienne culture de villages Gaulois, à vrai dire des tribus pas bien dégrossies qui se disputaient continuellement pour étendre leur influence, attitude qui se transforma plus tard en querelles clochers. En son temps nous avions déjà su nous faire remarquer par Jules César qui en faisait déjà état dans « La guerre de Gaulles » ! Si, si, il l’a bien mentionné Jules, dans la page 721 de son ouvrage ; et d’ailleurs tout est parfaitement remis en perspective dans une œuvre majeure de notre culture nationale : « Astérix le Gaulois ».

Quant à nos amis Chinois qui eux n’ont pas eu à subir les foudres de Jules, car à l’époque l’avion n’existait pas encore et que toute façon il n’aurait pas été facile de déplacer des légions armées par pont aérien, je vois deux raisons rationnelles à leur comportement de pousseurs :
1ère raison tout à fait mécanique : ils poussent par ce qu’ils sont trop nombreux à vouloir aller au même endroit au même moment ! Remarquez bien la puissance du concept et le temps qu’il a fallu pour qu’il remonte jusqu’à l’os du cerveau avant de redescendre noir sur blanc dans mon blog. Faut dire qu’à 1.347.340.048, plus probablement 1.347.340.450 maintenant car, d’après mes calculs, il a bien du en naître environ 402 depuis le début de la rédaction de cette chronique, les passages sont parfois étroits et il faut donc faire sa place.
2ème raison plus consistante : ils poussent par ce qu’au long de leur histoire, à plusieurs reprises et jusqu’à un passé récent, ce peuple a subit la disette, et qu’à ces moments là il fallait bien passer devant les autres pour survivre. Depuis la disette a disparu, et ça n’a pas été la moindre des performances de ce pays, mais ce trait de comportement collectif perdure encore.

Cela vous paraît tiré par les cheveux ? Et bien venez en Chine et vous verrez si j’exagère.
Quant à nous, les Français, demandez-donc ce qu’en pensent nos amis étrangers ?

samedi 14 août 2010

7 ans au tibet ?

Petit déjeuner frugale : thé, pan cakes maison, miel. Lou, toujours curieux question culinaire tente le thé salé au beurre de Yack… et n’en boit qu’une gorgée.

Nous reprenons la voiture et entamons doucement le retour vers Lhassa. Alors qu’au début de la descente, les micros parcelles les céréales sont encore vertes, en rejoignant la vallée du Kyichu c’est la moisson. Sur les parcelles plus vastes de blé mur, des groupes d’hommes et de femmes fauchent les épis à l’aide de simples faucilles, constituant des gerbes regroupés par dizaines, disposés verticalement et recouverte par 3 autres gerbes posées à plat. Ici et là, des structures de toile légère assure l’ombre pour le moment de la pause casse-croute. Un peu plus loin, des sortes de motoculteurs monocylindre très rustiques attelés d’une remorque chargent les fagots pour les amener au village voisin pour les battages. Chaque gerbe est enfournée dans une batteuse entrainée par un moteur thermique générant par grosses bouffées une fumée noire digne d’une machine à vapeur, au rythme des tours moteurs tels des coups de masse. Le grain est alors directement ensaché tandis que la paille sort sous forme de petites bottes déjà liées et que les balles s’envolent aux quatre vents. A travers les vitres de la voiture défile un passionnant documentaire sur l’agriculture du temps de la jeunesse de mes grands-parents.

Avec la baisse d’altitude Flo revit et moi avec. Vraiment incroyable et imprévisible ce satané mal des montagnes. Elle est cette fois-ci définitivement vaccinée contre la très haute altitude après ce voyage et sa douloureuse expérience du Kilimandjaro il y 2 ans. Avis donc à ceux qui sont tentés par ce type d’aventure : sachez que ça ne touche pas tout le monde, ne dépend pas de la forme physique, est imprévisible, et totalement handicapant lorsque ça arrive.

Nous déjeunons tranquillement dans un délicieux restaurant typique du centre de Lhassa avant d’aller « nous perdre » dans le dédale des petites rues commerçantes.
Comme partout dans le monde on retrouve le quartier par spécialités : les épiciers aux délicieuses effluves poivrées et pimentées, celui des marchands de fruits légumes aux couleurs chatoyantes, rouge vif des piments frais et des pastèques fendues, le vert des poivrons et autres concombres, le jaune des melons et poivrons, le violet des aubergines, l’orange des carottes… Tout cela dans une joyeuse cohue où chacun vaque à ses activités quotidiennes et où l’on croise mille visages magnifiques portant une histoire. Seule ombre au tableau la présence militaire ostentatoire, patrouilles omniprésentes par petits groupes de 4 soldats armés marchant au pas cadencé, et vigies postées aux carrefours et autres points stratégiques sous d’improbables parasols publicitaires.
Puis nous traversons le quartier des bouchers, travaillant essentiellement la viande de yack en plein air dans des conditions sanitaires toujours aussi spectaculaires selon nos références européennes.
Le « sentier » de l’habillement offre aux chalands une vaste gamme de vêtements et chaussures pour tous les styles, ainsi que de lumineux tissus de confection.
Les quincaillers aux 1000 trésors proposent d’improbables produits essentiellement Chinois à des prix défiant toute concurrence.
Nous terminons notre déambulation par une petite rue où des artisans réalisent une multitude d’objets typiques de la culture locale : peintures sur toiles, broderies, mobiliers traditionnels décorés à la main. En furetant Flo y déniche LE joli mandala qui va bien, comme l’un des souvenirs de cette belle découverte du Tibet aux facettes multiples, subtil mélange fait de traditions à forte connotation religieuse, de tolérance, et de communion avec cette nature grandiose mais redoutable où ils ont su développer un style de vie modeste mais parfaitement adapté.
Quant à « la question Chinoise », comme dans tout, l’équilibre ne pourra venir que de compromis dont le contour semble bien difficile à apprécier sans avoir vécu « 7 ans au Tibet », en référence au magnifique film de Jean-Jacques Annaud que nous allons revoir dès notre retour.

Nous repartons demain sur Shanghai via Chengdu.

vendredi 13 août 2010

Des hautes vallées Himalayennes vers le Nirvana...

De Lhassa nous partons vers le Nord-Est remontant la vallée de la rivière Kyichu vers les hauteurs à la découverte du Tibet rural.
Sortant de la ville, la vallée encore large se couvre de verts pâturages parfois marécageux entre des villages dont les maisons de pierres joliment montées de gros blocs rectangulaires sont construites suivant le même modèle : une pièce principale devant laquelle s’étale une modeste terrasse couverte, puis deux petites ailes latérales, le tout entouré d’une enceinte de pierres rondes de rivière au dessus de laquelle est stocké le combustible pour l’hivers, des milliers de bouses de yacks bien agencées en position verticale légèrement inclinée, comme les livres d’une bibliothèque.
Très souvent, devant la maison, une bouilloire solaire, parabole réfléchissante concentrant les puissants rayons du soleil à cette altitude sur un récipient posée sur un support au centre du foyer. Autant de bouses de yack économisées pour l’hiver…
Au fur et à mesure de notre progression les villages sont plus clairsemés et la vallée se fait plus étroite laissant place à de petites parcelles de cultures de céréales en terrasses de forme plus ou moins ovales.
Nous franchissons la barre des 4000 m d’altitude et croisons maintenant aussi des tentes nomades noires faite de laine de yack, desquelles s’échappent parfois un filet de fumée bleutée, habitat traditionnel des éleveurs accompagnant leurs troupeaux au gré des saisons.
Nous montons toujours jusqu’au cul de sac conduisant au monastère de Dringuill-Till par une petite piste à flan de montagne. Mieux vaut ne pas regarder en bas. Mon altimètre indique alors 4360 mètres et Flo est prise de violents maux de tête. J’ai mal avec elle mais ne peux rien faire de significatif pour la soulager après qu’elle ait pris antalgiques et respiré l’oxygène que l’on trouve ici en aérosol.
Comme les enfants semblent plutôt très bien supporter le choc, nous partons faire la visite au pas de charge, laissant Flo à son triste sort dans le minibus. Je culpabilise en me disant qu’il ne s’agit que d’un monastère de plus et que nous ferions mieux de redescendre au plus vite.
Visite somme toute assez banal maintenant que nous en avons vu un certain nombre, sauf que celui-ci a la particularité d’être un des lieux de sépulture traditionnelle Tibétain. Et là je dois reconnaître que rite mortuaire ordinaire que l’on nous a expliqué ne nous a pas laissé indifférent. En effet, sauf exceptions, le défunt n’est pas ici mis en terre ou incinéré comme nous l’aurions naturellement imaginé si la question nous avait été posée, mais emmené sur un lieu sacré dans la montagne, puis découpé en petits morceaux laissés aux oiseaux. Il nous a bien fallu plusieurs minutes pour assimiler l’information. Une image me revient alors à l’esprit. En arrivant sur la place du monastère dominant une perspective spectaculaire sur la vallée, je m’approche de l’épais mur faisant office de garde fou et aperçoit un gros oiseau jouant avec ce qui m’avait semblé être un doigt. Rationalisant la situation je me suis dit qu’il s’agissait surement d’une hallucination due à l’altitude. Ce n’était peut-être finalement pas le cas…

Sous quelques goûtes d’eau nous retrouvons Flo nous attendant dans la voiture et « descendons » vers une chambre d’hôte pour y passer la nuit.
Le lieu est intéressant, au creux d’une étroite vallée à 4150 m d’altitude, construit sur des sources d’eau chaude.
En entrant dans « l’établissement » Alex croise un gars au sourire éclairé lui déclarant spontanément :
- Welcome here whoever you are! (Bienvenu ici qui que tu sois !)
Un peu en contrebas, au bord d’un bassin fumant d’eau chaude, une jeune femme rouquine plutôt jolie s’adonne à une démonstration de postures Yoga plus étranges les unes que les autres, tandis qu’une grosse femme fait trempette dans le bassin avant d’en ressortir rouge écrevisse.
Plus loin un homme d’âge déjà mur ressemblant étrangement au faquir des albums de Tintin fait quelques étirements sous le regard gourmand d’une femme habillée d’ample tissus légers acheté sans doute acheté localement et faisant sur elle quelque peu déguisement…
Vous l’avez deviné, se trouve ici tout un groupe de Californiens un peu baba probablement à la recherche du Nirvana.

Toujours aussi enthousiaste Nina veut aussi tenter l’expérience. Non, pas celle du Nirvana, pas déjà, mais de faire trempette dans le bassin alimenté par les sources chaude. N’ayant aucune notion sérieuse de géologie, je m’étonne d’ailleurs que l’eau chaude puisse remonter si haut dans la montagne, mais c’est un fait. Malgré plusieurs tentatives Nina ne parvient pas à se baigner. Trop chaud !

Nous allons dîner avec les enfants dans une salle réchauffée, plus exactement enfumée par une petite cheminée alimentés aux bouses de Yack séchée. Je vous laisse imaginer le parfum. Toujours au plus mal Flo est restée allongée dans la chambre. Le prochain « hôtel » sous les 4000 se trouvant à plus de 90 kilomètres sur une route défoncée, nous avons convenu que ce n’était pas une option raisonnable pour ce soir.
Repas frugale : poulet curry, riz, nouilles sautées et raviolis locales au fromage. Sans plus.

Petite nuit… Au réveil de 8 heures Flo semble émerger un peu des brumes qui n’avaient rien du Nirvana. Je sorts respirer « le bon air (rare) de la montagne » et, notre chambre donnant sur la source d’eau chaude, n’en croit pas mes yeux : une baleine (rappelez-vous la grosse dame « gourmande » qui regardait le fakir dont le je vous ai parlé tout à l’heure) se baigne toute nue dans le bassin, portant seulement ses lunettes fumées à bord dorée, façon Tom Cruise dans Top Gun. Evidemment ça réveille !

mercredi 11 août 2010

Pouvoir contre pouvoir

Souvent associé au Dalaï Lahma actuel, 14ème du nom, comme chacun sait en exil, le Potala Palace reste l’un des symboles emblématiques du peuple Tibétain, lieu où jusqu’au milieu du siècle dernier s’exerçait pouvoirs politique et religieux étroitement mêlés.
Ses photos en sont universellement connues. En les regardant on n’imagine pas qu’en réalité le Potala se situe dans la ville même de Lhassa sur un promontoire surplombant la vallée où la cité s’est développée. (Très loin de l’apriori que je m’en étais fait, naïvement, l’imaginant implanté dans un lieu propice à la méditation quelque part dans les montagnes Himalayennes…)
En arrivant sur le palais par une grande avenue, l’impression dégagée par l’énorme bâtiment est saisissante. Blanc et ocre, il est constitué de presque 1000 pièces sur 13 étages, blanches réservées aux affaires politiques et administratives, ocres aux activités religieuses. Au sommet, impossible de ne pas remarquer le drapeau Chinois flottant au vent.
Juste en face, de l’autre côté de l’avenue, une grande esplanade au milieu de laquelle est érigée un symbole à la gloire du peuple Chinois « libérateur » du Tibet.
Le tableau résumé des relations complexes entre la Chine et le Tibet est planté !

Parcourir le Potala est propice à la réflexion même si le tour est minuté, une heure et pas plus, afin de satisfaire la demande des nombreux visiteurs, essentiellement asiatiques, et pour éviter les embouteillages dans le dédale de pièces et couloirs.
L’ascension des quelques centaines de marches permettant d’accéder au palais nous rappelle que nous ne sommes pas d’ici. Même si petit à petit l’acclimatation se fait, que les brumes cérébrales se dissipent, au moindre effort le souffle reste encore court et le cœur s’emballe.

Nous démarrons par les pièces réservées aux activités politiques : curieusement vides et peu ou pas d’explication de la part de notre guide.
Me reviennent alors à l’esprit les propos d'amis Chinois, ouverts sur le monde, sur la question Tibétaine. En bref ils disent ceci : depuis le Moyen-âge le Tibet s’est mis à plusieurs reprises sous protections Chinoise pour répondre aux agressions de peuples voisins comme les Népalais ou encore les Mongols puis, à la fin du 19ème siècle, la colonisation Anglaise ; insistant ensuite sur la situation dans laquelle se trouvait encore le Tibet au début du 20ème, sous le joug d’un pouvoir théocratique et féodal exercé par des religieux et des propriétaires terriens asservissant un peuple crédule et ignorant, pour finalement être libéré par Chine… Et de rappeler les progrès dont bénéficie le Tibet : infrastructures, éducation, santé, sous statut particulier de provinces autonomes. La dernière affirmation étant un des grands classiques du discours officiel de tout pays colonisateur…

Puis nous entrons dans la partie réservés aux activités religieuses du bâtiment.
Très humblement je dois reconnaître n’avoir pas tout suivi tant les subtilités de la religion Bouddhiste sont complexes : entre le bouddha ancien, l’actuel et le futur bouddha ; toutes les déclinaisons du Bouddha, la succession des Dalaï Lama, les influences des autres grands Lamas. Mais une question particulière m’a particulièrement intéressée. Puisque dans la tradition Tibétaine le Dalaï Lama incarne à la fois le pouvoir religieux et politique, alors comment sont donc désignés les Dalaï Lama, et quel est leur champ de pouvoir ?
Voici ce que j’en ai compris :
Le Dalaï Lama est désigné après la mort du précédent par des moines et des maîtres spirituels, qui, à partir de différents textes et oracles vont rechercher sa réincarnation. Des enfants candidats vont alors être identifiés dans les villages, puis évalués selon les souvenirs qu’ils auraient de leur précédente incarnation. L’enfant finalement choisi sera ensuite formé dans un monastère…
J’avoue très franchement être resté un peu perplexe quant la véritable légitimité d’un tel mode de désignation, qui plus est, fait dès le plus jeune âge d’un enfant qui sera ensuite « formé » par ceux-là même qui l’on choisi… Quel ouverture et liberté d’esprit aura-t-il alors ? Bien sûr, si l’on en reste au niveau des croyances ou la foi, cela concerne l’intimité de chacun et il n’y a pas vraiment à débattre. Mais lorsqu’il s’agit de gouverner avec clairvoyance à la destiné d’un peuple, c’est à mon humble avis une toute autre affaire.

Sur ces considérations politico-religieuses, ressortant de palais nous retrouvons la puissante lumière du jour. Lunettes de soleil et chapeau obligatoires à ces altitudes.
La vue est impressionnante depuis la terrasse où nous embrassons d’un seul coup d’œil toute la vallée. D’ici l’esplanade édifiée par le pouvoir Chinois face au Potala semble bien modeste, illustration parfaite de l’évidente nécessité de séparation des deux pouvoirs.
Le spirituel transcende les contingences de la vie quotidienne s’adressant, dans une autre dimension, à l’âme.
La politique a pour mission de régler la vie de la cité, mais ne peut s’affranchir du droit fondamental de liberté du citoyen.
Confondre les deux mène aux excès que l’on connait.
Oublier le droit fondamental de liberté n’a pas de non plus de futur.

Retrouvant la rue nous redescendons une nouvelle fois sur terre et longeons une allée au long de laquelle sont alignés des dizaines de moulins à prières que des passant font machinalement tourner. Tout semble tranquille.

mardi 10 août 2010

Sur la terre comme au ciel

Très petite nuit. L’arrivée rapide à 3600 m d’altitude n’est pas propice au repos sans un temps d’acclimatation préalable de quelques jours. Déjà hier soir Flo fut prise de nausées et maux de têtes violents, et nous devons bien avouer que personne n’est vraiment dans son assiette au réveil. Petit dej frugale et départ à 8h30 vers le Monastère de Deprung situé sur les hauteurs non loin de Lhasa, sans vraiment savoir à quoi nous attendre en ce premier jour de la fête du yaourt.

Après quelques kilomètres nous rejoignons un flot humain marchant dans la même direction et devons rapidement laisser le minibus pour nous joindre à la foule. Mais où peuvent-ils bien aller ?
Bhudi nous montre alors un monastère à flan de montagne précisant qu’il s’agit de l’objectif de tous ces gens, et donc à l’évidence le nôtre également. Nos regards se croisent avec Flo. Il y a du dénivelé, sans acclimatation ça ne va pas être une simple promenade de santé…

Portés par la procession des pèlerins qui grossit à vu d’œil, nous attaquons donc doucement la pente, bousculés de toutes parts, dans une ambiance assez étrange pour nos repères d’occidentaux.
Le souffle court, nous sommes régulièrement enfumés par des brulots d’encens et autres herbes aromatiques.
De part et d’autre du chemin, des mendiants comptent sur la générosité des pèlerins venus honorer le Bouddha en ce jour exceptionnel, tandis que des moines submergés par des billets de 1 yuan (12 centimes d’Euros) égrainent musicalement des prières pour le compte de généreux donateurs en marche vers le monastère purifier leur âme, estimant sans doute que le résultat dépendra aussi des litanies de prières proférées, même si c’est par délégation contre menue monnaie.
Au long du parcours la présence de l’armée est ostentatoire. Nécessité indéniable de canaliser la foule maintenant immense tout en rappelant à chacun où est l’autorité suprême... Mais objectivement cela ne semble gêner personne, les valeurs du jour étant autrement plus spirituelles.
De part et d’autre, sur les pentes, telles d’immenses toiles d’araignées, sont tendues de très longues ficelles sur lesquelles flottes des milliers de fanions de prières multicolores selon qu’ils fassent référence à la terre, au ciel, au feu, aux nuages… J’en oublie probablement.

Au fur et à mesure que nous approchons du but, le chemin, je devrais plutôt maintenant dire les chemins tant il y a de ramifications, se font plus étroits, et je dois bien avouer ne pas être toujours totalement tranquille quand la foule s’agglutine à quelques goulots d’étranglement. Nous sommes alors poussés, tirés, presque portés parfois, tandis qu’alors certains déjà en transe se mettent à ronronner des chants religieux de plus en plus fort. Mais tout le monde finit par passer sans accident et la procession continue d’avancer… Surréaliste.

Nous dépassons maintenant le niveau du monastère (que nous croyions être notre objectif) pour découvrir un peu plus haut sur la pente, une immense tenture brodée du Bouddha, « Tanka » de 40 mètres sur 40, le fameux « display » dont Budhi nous parlait depuis le matin mais dont le sens exact nous avait échappé. Im-prés-sion-nant !
Chacun essaie alors de s’en approcher au plus près pour y lancer une écharpe de tissu blanc en faisant un vœux, mais c’est impossible tant la foule est immense. Combien peut-il y avoir de gens sur la pente ? Ils étaient parait-il plus de 100 000 l’an dernier pour assister à cet évènement unique. En effet, le « Tanka » n’est déployé qu’un jour dans l’année, et c’est aujourd’hui.
Autour du Tanka de nombreux moines s’affairent, essayant de canaliser la ferveur des pèlerins, tandis que d’autres chantent en cœur des mélopées, démarrant lentement dans les tonalités les plus graves pour terminer vers les plus aigües à un rythme un peu plus élevé. D’autres enfin soufflent dans d’énormes cornes métalliques émettant des vibrations graves tout à fait uniques.
Sans pouvoir s’approcher d’avantage, comme beaucoup d’autres nous faisons donc nos vœux en accrochant nos écharpes de tissu blanc aux branches des bosquets environnant, leur donnant un aspect fantasmagorique. A cet instant précis je jette un coup d’œil sur mon altimètre de poignet : 4000 mètres ! Nous ne sommes effectivement plus tout à fait sur terre…

... La descente des cieux est plus paisible.
Plus tranquilles les pèlerins semblent rassérénés, profitant de cette occasion exceptionnelle pour visiter le monastère ouvert au grand public pour la circonstance, puis, plus bas sur la pente, s’arrêtent pique-niquer à l’ombre des arbustes.

Fatigués nous profitons de l’instant, remerciant les autorités chinoises de ne nous avoir pas permis de rejoindre Lhasa par la train, mais par avion. Sans quoi nous aurions manqué cette journée exceptionnelle.
Qui sait, peut-être un signe amical du Bouddha ?

lundi 9 août 2010

En route vers Lhasa

6h45 aéroport de Shanghai : la nuit a été courte et nous sommes en attente de l’embarquement pour Lhasa après 3 contrôles successifs de notre autorisation spéciale pour entrer au Tibet.

En fait nous devions initialement faire ce voyage sur 2 jours non-stop par train, et malheureusement au tout dernier momentce ne fut pas possible , pour cause officielle de surbooking par les VIP se rendant à la fête du Yaourt qui se tient à Lhasa à partir de demain. Dommage, mais nous gagnons un jour sur place, opportunité de mieux profiter de l’évènement…

10h30 escale à Xi’Am : après une demie heure de laborieux palabres au milieu de l’aérogare, nous comprenons finalement que nous changeons d’avion et qu’il partirait à 13h35 porte 12, puis à 11h45 porte 8, puis à 12h05 porte 10. Nous embarquons finalement par la porte 18 à 14h30, pour ne décoller qu’après 30 minutes d’attente supplémentaire, dans l’avion, sur le taxiway...

Le vol vers Lhasa est magnifique et impressionnant. Dans un ciel bourgeonnant, d’un bleu profond, nous survolons en zigzaguant pour éviter quelques cumulonimbus menaçants, les contreforts de l’Himalaya, énorme cataclysme géologique où les formes les plus improbables se télescopent brutalement : pointes menaçantes dressées vers le ciel telle une gigantesque gueule ouverte aux dents acérées, vastes vallées morainiques inexorablement broyées par de formidables glaciers comme des serpents argentés que rien ne semble pouvoir arrêter. Du coup, confortablement installé au siège 5F, le sol semble plus près… et il est effectivement plus près ! Nous volons toujours à 10 000 m, mais les sommets du dessous ont comblés plus de la moitié de la distance… Brrr, qu’il ne ferait pas bon devoir se « poser » dans un tel environnement hostile. Et pourtant certains comme « l’arc-ange » Jean Mermoz en sont revenus vivants après s’y être échoué en avion. D’accord, c’était dans le La Cordillère des Andes. Mais ça change quoi ? Et Adrienne Bolland qui en 1921 franchit cette même Cordillère dans des conditions dantesques, sans carte, seule à bord de son Caudron G3, monomoteur à cockpit ouvert sans oxygène. Qu’avaient-ils de plus pour réaliser de tels exploits ?

"Intéressante » approche sur Lhasa : nous descendons doucement en glissant d’une vallée à l’autre pour finalement s'aligner et poser sur le longue piste d’altitudes bordées de quelques jets militaires. Immobilisés sur notre point de stationnement je consulte mon altimètre : 3650 m !

En sortant de l’aérogare nous sommes accueillis par « Budhi », notre charmante guide locale. 29 ans, seconde fille d’une famille de 4 enfants, elle nous explique tout de go que « Budhi » veut dire « petit garçon » dans le dialecte local, car ses parents comptaient sur un garçon. C’eut été vraiment dommage.
Originaire de Shigatse, 2ème ville de la province, elle réalise son rêve d’enfance en étant guide après avoir quitté l’école secondaire pour apprendre l’anglais par cours privés.
Et quand je lui demande quel est son prochain rêve ?
Elle répond tout sourire avec un répartie fort à propos :
- Faire comme vous, parcourir le monde.

dimanche 8 août 2010

Une journée parfaite à Shanghai

Shanghai est l’une de ces villes impressionnantes que l’on ne sait pas vraiment comment aborder à priori. A elle seule, l’évocation de cette mégapole de plus de 20 millions d’habitants, la plus peuplée de Chine, située au confluent de la Huangpu River et de la Mer de Chine et baignée dans les vapeurs moites d’un climat tropical, est associée à une multitude d’images plus ou moins fantasmagoriques dans l’esprit de beaucoup d’occidentaux : choc de cultures à cette entrée portuaire de l’Empire du milieu, mystérieuses et obscures pratiques orientales aux vertus chez nous inconnues, improbables trafics, et j’en passe.

Le métro est aujourd’hui le meilleur moyen de transport urbain de Shanghai. Rapide, sûr, impeccablement tenu, pour un prix modique il dessert parfaitement la ville.

A voir absolument, les anciens quartiers commerçants à l’architecture préservée dans un état proche de ce qu’ils étaient au début siècle dernier, là où se développaient justement tous les trafics… On y trouve mille et une échoppes proposant toute sortes d’articles, des plus « antiques » au plus contemporains, lieu de déambulation des touristes Chinois venu visiter la ville. C’est charmant et bon enfant, avec un parfum de « Tintin et le Lotus Bleu », maisons traditionnelles chinoises aux toitures concaves dont les pointes semblent vouloir défier les mauvais esprits qui voudraient s’y installer.

Détour par un magnifique jardin réalisé au XVème siècle par un notable du Shichuan en hommage à ses parents. Petits chemins tortueux et ombragés entre de grosses pierres savamment agencées au milieu desquelles coulent un charmant ruisseau où nagent de magnifiques carpes Koï symboles de prospérité. Ici et là de petits temples propices à la méditation. On va doucement. On profite de la tranquillité préservée du lieu.

Sortant du parc nous retrouvons le brouhaha du quartier et déjeunons au 6ème étage d’une de ces maisons aménagée en restaurant typique. Au menu, canard rôti (on ne se refait pas), légumes, nouilles sautées et riz, repas parfait pour moins de 15 € à cinq !

On approche de la rivière en longeant les quartiers de l’ancienne concession Française, maisons couvertes de tuiles rouges, rues typiques des années 20 chez nous avec leurs trottoirs bordés de platanes, linges séchant aux fenêtres. Allez au Maghreb ou en Afrique noire francophone et vous retrouvez ces mêmes standards architecturaux de l’époque coloniale parfois complètement inadaptés aux conditions climatiques locales, mais tellement français…

Nous flânons sur les quais rive gauche de la Huangpu River sous le ronron de péniches hors d’âge et autres improbables cargos de bois tandis que l’on aperçoit amarré dans le port un magnifique paquebot de croisière.
Sur l’autre rive, les quartiers d’affaires et la très impressionnante ligne de grattes ciel au style un peu désordonné mais tellement spectaculaire, mêlant modern-art Américain, rigueur Singapourienne, et exubérance Chinoise avec sa célèbre tour aux deux hémisphères. La chaleur est écrasante et nous fondons littéralement sous le soleil malgré nos tenues légères.

Ce soir nous avions réservé des places pour la séance du Cirque Acrobatique de Shanghai.
Petit passage à notre hôtel pour se rafraîchir puis direction nord-ouest par la ligne 2 du métro.
Spectacle magique et magistral où se succèdent les numéros de jongleurs, contorsionnistes et autres acrobates sur fil ou bien suspendu à de longues bandes de tissus ; dans la plus grande tradition Chinoise, de celle dont on voit parfois des extraits à la télé. Sauf que là c’était « pour de vrai ».

Nous rentrons à pieds par le la voie pédestre « Nanjing Road », ni plus ni moins les Champs-Elysées où la Vème Avenue locale. C’est dimanche soir et des milliers de gens terminent leur week-end de flânant « à la fraîche » sous les sunlights des multiples enseignes publicitaires, surenchère spectaculaires de lumières électriques.

Il est déjà minuit et demie passé, et là il faut vraiment que je vous laisse.
Demain réveil à 4h15 pour notre départ au Tibet. La nuit va être courte.

samedi 7 août 2010

A chacun sa tour...

Question Exposition Universelle j’en étais un peu resté aux images noire et blanc de Paris 1900, celle de la Tour Eiffel, démonstration éclatante des techniques modernes de l’époque : électricité « industrielle », moteur à combustion interne, premiers aéroplanes et automobiles, téléphone, photographie, architecture en acier et j’en passe… Moins reluisante, il y avait aussi l’exposition coloniale avec entre autre ses lamentables zoo humains. Dominant le monde, la vieille Europe était alors à son apogée, symbolisée par la flèche triomphante de la Tour Eiffel dominant la ville des lumières. Une autre époque.

Quelles surprises allaient donc nous réserver l’Expo Universelle 2010 de Shanghai ?
Allions-nous être éblouis par quelques dernières technologies ?
Et bien rien de tout cela. La technologie entre en direct dans nos vies par le biais notamment de l’internet sans attendre une expo, aussi universelle soit-elle. L’étonnement ne pouvait donc venir de là.
Allions-nous être fiers de notre pavillon national ?
Et bien franchement dire, et sans jouer les grincheux rabat-joies critiquant notre pays lorsqu’ils en sortent (je déteste cela), il n’y avait malheureusement pas de quoi pavoiser au terme de la visite après une heure et demie de queue. Précisant bien que l’humeur n’a rien à voir avec le temps d’attente uniquement due à l’affluence générale des visiteurs chinois sur l’ensemble de l’expo. Nous avons donc vu des clichés stéréotypés d’un pays vieillissant tentant de reverdir ses villes, puis, à l’avenant, quelques stands de grandes entreprises ; tout cela à peine bien tenu. Franchement et malheureusement rien de très valorisant.
A coté de ça nous sommes allés visiter les pavillons moins courus et souvent sympathiques de "petits" pays : Mongolie, Kazakhstan, Chili, République Tchèque, Lettonie, Géorgie, Iran, Hollande, Mongolie, Irak, Lybie, Turkménistan, Kirghizstan, Pakistan, Luxembourg… avant de terminer en beauté par la Nouvelle-Zélande, le Brésil et l’Australie. Bref, un extraordinaire tour du monde en 2 jours seulement.

Les surprises ne pouvant donc venir des innovations techniques, qu’ont-elles donc été ?

- Peut-être étaient-ils noyés dans le flot des Chinois, mais nous n’avons croisé que très peu d’occidentaux. Tant et si bien que nous avons été photographiés un nombre incalculable de fois par les Chinois curieux de fixer notre image différente à leurs côtés. Probablement l’effet dévastateur de l'irrésistible charme exotique d’Alex et Lou ???
- Plus sérieusement, le nombre impressionnant de pavillons, avec 242 pays ou organisations représentés, faisant de cette expo un évènement réellement universel où s’expose le village mondial dont le centre de gravité se déplace inexorablement vers les quartiers asiatiques.
- Enfin la fraîcheur et le bien être dégagés par un petit pays comme la Nouvelle-Zélande, l’énergie volontariste du Brésil, le « melting-pot » Australien, et bien sûr la puissance Chinoise.

Nos aïeuls avaient construit la Tour Eiffel, 4 pieds solides soutenant une pointe d’acier vertigineuse tendue vers le ciel dominant toute l’expo.
Les Chinois ont construit un monumental bâtiment rouge à base étroite, pyramide carrée à degrés inversés faite d’un empilement de poutres gigantesques s’élevant vers le ciel en s’élargissant pour surplomber toute l’expo.
Les époques passent, les symboles restent.

vendredi 6 août 2010

Vous avez dit combien ?

Je me souviens de quelques départs en vacances familiales à la montagne lorsque j’étais enfant. Nous partions alors à 6 entassés dans la R16 blanche achetée d’occasion, mes parents devant, mes 2 sœurs mon premier frère et moi sur la banquette arrière en skaï marron, et les bagages entassés dans le coffre plein à raz bord pour une traversée de la France en diagonale jusque dans les Alpes. Soixante km/h de moyenne par les routes de l’époque avec les arrêts. C’était pour nous le bout du monde, et il fallait toute l’autorité de notre papa pour nous tenir, tous excités que nous étions par ce « long » voyage.

Nous partions un matin de bonne heure pour arriver le lendemain midi, déchargions les bagages pour nous installer dans la petite maison de location et profiter d’une vue imprenable en respirant le bon air de la montagne. Et comme disait la chanson, « c’était bien, c’était chouette… »

Hier, en fin d’après-midi nous sommes partis de la maison, tous les cinq, Flo, Lou, Alex, Nina et moi, chacun tirant sa valise à roulettes sur le quai de la gare de Nantes pour prendre un TGV vers Roissy Charles de Gaulle. Derrière les vitres de la voiture 16 le paysage défile à 300 à l'heure, tandis qu’en bavardant tranquillement nous mangeons les excellents sandwiches maison concoctés par Nina.

Arrivée quelques minutes en retard sur la plate forme de CDG.
Nous pressons le pas vers le terminal 2F pour ne pas manquer le vol AF116. Porte F52, pile à l'heure pour l’embarquement. Bonne surprise nous sommes tous les 5 surclassés, remontés au rang 16 ! Si ce n’est le petit avantage bénéficiant parfois aux grands voyageurs, et en l’occurrence ici à leur famille (merci Air-France), la coïncidence de nombre est pour le moins troublante.
Il est un peu plus de 23h lorsque nous décollons vers l’Est à bord d’un triple 7 flambant neuf.
Rapidement l’avion atteint son niveau de vol vers le soleil levant à 900 km/h. Nous avançons nos montres de 6 heures avant d’avaler un léger sédatif histoire de ne pas trouver le temps trop long pendant ce vol de nuit. Pas le temps de terminer le film dont je ne me souviens d’ailleurs même plus du titre que mes paupières tombent irrésistiblement. Filant vers l’Asie je suis déjà dans les bras de Morphée.

16h pile locale lorsque nous posons à Shanghai ! Un « kiss-landing » dans cet air humide générant de jolis effets de vortex en bout d’ailes, volutes d’air comprimé et tourbillonnant comme de légers rubans vaporeux.
Un jour et demi pour se rendre de l’autre côté de la planète. D’accord ce ne sont pas les Alpes, mais il y aura l’Expo-Universelle 2010 puis le Tibet !

(Au fait, quel numéro lisez-vous en tête de cette chronique ?)

mercredi 4 août 2010

Lenin Café...

Il est de ces improbables lieux que sur les bons conseils de l’ami d’un ami qui y serait passé il ne faudrait manquer sous aucun prétexte… « Le Lenin café» en fait parti.

Dimanche matin nous prenons donc nos motos et partons en quête du lieu qui serait parait-il sur une île de la Loire du côté de Chalonnes-sur-Loire au cœur de l’Anjou.
Approche agréable par les routins du bocage puis du vignoble où nous zigzaguons doucement avec délice profitant de « la douceur Angevine » de cette matinée d’été : fraîcheur humide au creux des Coteaux du Layon quand les rayons du soleil sont encore à mi-pente, puis tiédeur entre les carrés de vigne de Savennières exposés plein Sud, avant de descendre sur la ligne de ponts enjambant les bras de la Loire jusqu’à Chalonnes.

Ce serait donc dans le coin, mais où ?
Nous stoppons devant la boulangerie du village où je demande à la patronne, une p’tite dame au parfait physique de l’emploi, joviale, petite ronde légèrement serrée dans un impeccable tablier blanc à dentelles, si le Lenin Café lui dit quelque chose. Coup d’œil entendu à son homme juste derrière aux fournils qui rapplique aussitôt.
- Ben oui dit-il. Ca fait bien parti d’Chalonnes. Z’avez qu’a r’tourner sur vos pas et prendre direction « Basse Ile » à gauche juste après l’premier pont. Y’a bien 5 km !
- Merci M’sieur Dame et bon Dimanche.
Le lieu semble donc bien connu…

Nous voilà donc repartis : le premier pont, la petite route à gauche vers « Basse Ile ». Petite en effet, la route. 3 km, 4 km puis quelques maisons avant de tomber sur un spectaculaire portrait de Lenin un verre à la main, noir sur fond rouge auréolé d’une enseigne « Lenin Café » sous-titrée : musée, bistrot, débat, concert. Tout un programme !

Nous garons les motos au raz de la tonnelle naturelle protégeant la terrasse du soleil, posons les casques et « entrons » sous le regard d’une femme d’âge mure au visage joliment marqué de rides d’expressions, pommettes saillantes, cheveux blancs coupés courts et yeux clairs protégés derrières une élégante paire de lunettes fumées à monture noire. Habillée à mode la Russe traditionnelle, robe colorée assez ample et étole de tissu rose en écharpe, dans sa tenue théâtrale la dame est élégante et souriante, du sourire de ceux qui ont fait une bonne farce.
Accueillante elle nous souhaite la bienvenue en nous invitant à découvrir les lieux où nous entrons doucement. Etrange décors, atmosphère de datcha Russe où, au-delà du bar qui passe presque inaperçu, en parcourant l’enfilade de 4 pièces de cette maison de plein pied nous découvrons mille et un objets à l’effigie de Lenin retraçant une certaine histoire de la Russie du 20ème siècle ; sorte de sanctuaire à la gloire du communisme triomphant. Pour le moins étrange et à vrai dire presque intimidant ici et maintenant.

Nous retrouvons la tenancière sur la terrasse et engageons la conversation avec la dame qui n’attend que ça. En un quart d’heure, dans un rare « one women show », Martine nous raconte son histoire : fille d'un militant de gauche travaillant en hôpital psychiatrique, elle devient perceptrice des impôts avant, au début des années 70, de partir découvrir la grande Russie au volant d’une 2CV pour finir « expert économique européen » pour les pays de l’Est et finalement fonder le café communautaire « Lenin », lieu de convivialité et d’échange « qui fait polémique » ajoute t-elle avec une fierté non dissimulée. Et de nous compter les nombreuses oppositions et autres manifestations hostiles à sa petite entreprise au cœur de cet Anjou d’habitude si paisible mais parfois tellement conservateur où le diable peut faire encore peur à quelques esprits chagrins « bien pensants ».
Elle a visiblement des comptes à régler « La Martine », écorchée vive de la société capitaliste à la recherche de confrontation intellectuelle. Rien de méchant, juste le plaisir du débat avec une gouaille de tribun parfaite dans les meetings politiques à une époque ou les deux blocs s’affrontaient par idéologies interposées.
Finalement le temps passe assez agréablement, sirotant une vodka tout en écoutant la patronne. Et j’en viens à me demander jusqu’où va sa sincérité quand Flo revient avec un livre acheté au coin du bar titré « J’aurai voulu être Lénin », signée Martine T.
Elle serait donc sincère… sauf que les temps changent Martine. Il y a déjà plus de 20 ans que le mur de Berlin est tombé signant l’effondrement du système communiste « traditionnel », tandis que depuis le système capitaliste ultra-libéral semble avoir aussi touché ses limites dans la crise boursière que nous traversons.
Mais à cet instant ça n’a finalement aucune espèce d’importance.
Nous avons passé un super moment dans un lieu en effet unique. Alors merci Martine.