jeudi 28 juillet 2022

La Mère du Matrimandir


Nous ressortons un peu la tête à l’envers de notre expérience immersive dans le temple hindou dédié à Ganesh. Couleurs, représentations sacrées, ferveur, rituels, sonorités, odeurs. Tout nous bouscule. Comme une plongée dans un monde fantastique, parenthèse hors du temps et de la réalité dédiée à une certaine spiritualité aux antipodes de nos repères occidentaux. Je ne peux m’empêcher de penser que toute cette agitation à quelque chose d’un peu brutal, peut-être à dessein pour libérer les esprits des inhibitions de la rationalité...

Nous reprenons notre déambulation dans Pondichéry. Devant le porche discret d’une rue calme, Rao nous demande d’enlever nos chaussures. Moment de douleur pour mes pieds délicats sur le goudron brûlant. Par une porte étroite nous entrons dans un lieu de méditation, jardin autour d’un petit bassin recouvert de lotus où les gens viennent se recueillir en silence. Certain(e)s se prosternent avec humilité, d’autres simplement assis(es) semblent ailleurs, tandis que quelques un(e)s procèdent à de discrètes ablutions. Des femmes et des hommes de tous âges se croisent ici dans un cadre paisible, silencieux, contraste saisissant d’où nous arrivons.

Nous retrouvons la rue, et nos chaussures. Les cloches de l’église à proximité carillonnent joyeusement... 
Comme un fait exprès, la route vers Auroville nous fait traverser le quartier musulman et ses petits minarets d’où émanent le chant lancinant du Muezzine appelant à la prière. Un peu plus loin, 3 petits temples bouddhistes multicolores et dorés comme les bijoux d’un quartier modeste.
Cette ville est décidément un creuset de spiritualités dont les dimensions originales semblent, malgré leurs différences, se rejoindre autour de valeur communes de bienveillance...

« Auroville car park » : la voiture s’arrête ici, parking en terre battue rouge d’où part un sentier pédestre bordée de plantes odorantes aux vertues décrites sur de grandes pierres plates. La température est agréable en ce milieu de matinée. Nous rejoignons le « Visitors Center » de ce lieu unique crée en 1968 par une française idéaliste, Mirra Richard, dites « La Mère » de cette ville nouvelle, communautaire, aux valeurs universelles de paix et d’harmonie. Comme une synthèse, ou peut-être un au-delà des religions.

Globe trotteuse dans son jeune âge, disciple du sage Indien Sri Aurobindo, très certainement influencée par la spiritualité multidimensionnelle de toutes les obédiences religieuses de cette région, elle s’y établit au côté de son mentor et guru dans un ashram, lieu dédié à la spiritualité hindouiste et yoga. 

Et c’est ici qu’elle créa Auroville en 1968, ville idéale gouvernée selon les 4 principes universels de la charte qu’elle formula.

On entre difficilement dans la ville elle-même, uniquement sur invitation, où vivent quelques milliers d’habitants volontaires adhérant aux principes édictés par « La Mère » devenue elle-même guru de gens du monde entier...

Le sentier nous invite à poursuivre notre cheminement vers le Matrimandir. Car, au-delà des considérations matérielles et pratique de la cité, Mirra s’occupa aussi de la spiritualité de ses disciples en créant un lieu extraordinaire de méditation vers où convergent les visiteurs dans un étonnant silence.
En arrivant sur les lieux l’effet est saisissant. Le Matrimandir apparait dans toute sa splendeur. Coupole dorée telle une soucoupe volante posée au milieu d’un jardin merveilleux, sur une élégante structure maçonnée aux 12 facettes.
Impossible de ne pas être touché par cette vision inattendue à l’évidente dimension spirituelle. Le regard ne peut échapper à son effet magnétique qui vous vous attire immanquablement comme des papillons par la lumière. Pas de doute qu’il se passe quelque chose à cet endroit.
On accède à l’intérieur par un couloir en double ellipse permettant de rejoindre la vaste plateforme de méditation où tombent les rayons de lumières naturelle pour une parfaite connexion avec l’univers.
 
Nous n’avons malheureusement pas pu tenter l’expérience pour cause de travaux dans l’édifice. Mais il est certain que ce doit être unique pour celles et ceux qui sauront ensuite ne pas rester « perchés » et se reconnecter à la réalité du monde tel qu’il est.

 

mercredi 27 juillet 2022

Clair de Terre

 
Un an tout juste que mon premier roman "Clair de Terre" a été publié aux Editions Sydney Laurent.  
Peut-être l'avez vous déjà lu ? Ou pas encore ?
Peut-être l'avez vous aimé ? Ou pas ?
Pour votre été, sachez qu'il est toujours disponible sur toutes les bonnes plateformes : Amazon, Fnac, eBay, Decitre...
 
Bel été à tous !

mardi 26 juillet 2022

Pondichéry

Pondichéry a comme un goût d’école primaire, quand le maître de CM1 nous racontait, avec un brin de nostalgie, la grande aventure des colonies et comptoirs français dans le monde : Afrique du Nord, Afrique noire, Indochine... C’était beau, grand, loin, exotique, magnifiant l’œuvre civilisatrice de la France au point de nous convaincre que, décidément, nous étions le peuple élu.
 
Confortablement installés dans la voiture climatisée, de Chennai (ex Madras) nous roulons vers le sud sur la route côtière du Golfe du Bengale. Impressionnant slalom au milieu d’un intense trafique d’objets roulants en tout genre. Dehors, la chaleur étouffante fait vibrer l’air chargé d’humidité. Nous traversons les villages à vive allure dans un concert de klaxons. Pourvu qu’aucun enfant ne traverse par inadvertance ou qu’une petite moto familiale, souvent chargée de 3 ou 4 passagers non casqués ne fasse pas d’écart...
Encore 60 km en un peu plus de 2 heures indique le GPS. Impossible de tenir une moyenne dans ces conditions. Et pourquoi devrions-nous ? Nous allons à Pondichéry et le seul fait de s'y rendre est un plaisir indicible.
 
"Pondicherry" indique la grande pancarte délavée. Nous y voilà donc. Au premier abord rien de bien différent que les autres villes traversées. Qu’avions-nous imaginé ? Mais à y regarder de plus près quelques détails ne peuvent échapper à l’observateur un peu attentif : « Le Grand Café », une « Epicerie », un pont en béton de style ce ceux que nous trouvons dans nos villes de provinces, une église, un cimetière. L’œuvre civilisatrice de la France...
Nous nous dirigeons vers le front de mer et les indices deviennent plus évidents, plus émouvants aussi. Belles maisons abandonnées au départ des colons et que les jardins ont envahis au point que des arbres sortent maintenant des fenêtres, noms de rue aux consonances bien françaises sur des plaques bleues émaillées. Plus loin, un monument en hommage aux enfants morts pour la patrie lors de la première guerre mondiale. Et ces gens qui vous lancent quelques mots en Français.
En discutant avec Rao qui nous accompagne pour cette excursion, je l’emmène sur le terrain de ce qui est resté de « notre » passage. Sans que je ne le force il me répond tout de go que les anglais sont passés en servant largement tandis que les français ont aussi apporté. Gentil le Rao. Mais il oubli de rappeler que l’influence française a été bien moindre... D’ailleurs nous parlons en Anglais.
 
Ici, comme dans toute l’Inde, le choc des cultures est unique. Nous sommes en terre Tamoul où se côtoient Sikhs, Musulmans, Bouddhistes, Indouistes, Chrétiens. Et j’essaie d’imaginer les surprises et compromis qu’on dut accepter les premiers religieux européens débarqués ici pour assurer leurs « missions d’évangélisations ».
 
Entrer dans un temple est une expérience émotionnelle singulière tant elle bouscule nos repères d’occidentaux. Couleurs chamarrées des divinités peintes sur les moindres recoins, tout particulièrement Ganesh le plus sacré du panthéon hindou, petits autels disposés dans des niches dorées éclairées de bougies, quelques statuts soigneusement disposées ici et là. On y médite, prie, mange, se marie, dans les senteurs d’encens, de fleurs et de plantes aromatiques. Des prêtres et autres Brahmanes sont aussi là, parfois torses nus, décharnés et maquillés qui leur donne d’impressionnants airs d’au-delà. J’avoue avoir du mal à me laisser transporter spirituellement dans une telle agitation. Mais l’observation attentive de la dynamique qui se développe en ces lieux uniques, la profonde tolérance qui y règne, ne peut laisser indifférent.
 
 
 

dimanche 24 juillet 2022

Jaipur

Pour le voyageur occidental, le nom de « Jaipur » résonne telle une promesse. De ces villes du bout du monde, Ispahan, Samarcande ou Ouroumtsi, noms magiques inscrits dans l’imaginaire comme des cités au pouvoir d’attraction extraordinaire.
En ce milieu d’après-midi l’activité y est frénétique. Rues encombrées de véhicules en tout genre et où chacun vaque à ses occupations. On entre dans la vieille ville par de larges portes ouvrant le mur d’enceinte vers les artères principales bordées de constructions assez régulières sur 3 niveaux, toutes peintes en rose orangé. Le rez de chaussé, niveau des boutiques, se termine par un trottoir couvert donnant sur la rue. Au-dessus, les habitations ornées de moucharabiés protégeant les pièces de vie du soleil et les habitant(es) de la vue des passants. Puis les larges terrasses où il fait bon s’assoir l’été quand l'astre du jour descend sur l’horizon.
 
Comme souvent les quartiers sont organisés par spécialités : vêtements, tissus, cachemire, chaussures, tapis, quincaillerie, électronique, alimentation... Curieux de constater une fois encore l’instinct grégaire de notre espèce, sans doute aussi guidée par des contraintes matérielles des plus pratiques quand il s’agit d’optimiser les flux d’approvisionnement ou encore de mutualiser quelques moyens de production. A la fin je n’ai toujours pas compris comme chacun pouvait s’y retrouver dans une microéconomie aussi fragmentée...
 
Mais le plus intéressant est l’incroyable diversité des gens qui y habitent. Diversité ethnique, religieuse, et de castes encore omniprésentes. Croiser les regards est ici une expérience d’une rare intensité : les yeux noirs de cette femme en sari rouge, jaune et doré, ceux de cet homme aux cheveux décolorés à la longue barbe blanche, de ce vendeur d’épice en tablier, de cet enfant tout tordu mendiant sur le trottoir, de cette vieille femme enturbannée, de ce vendeur de thé massala dans ses vapeurs de coriandre...
Boudhistes, Indous, Musulmans, Sikh, Chrétiens vivent apparemment en harmonie. Les lieux cultes que l’on découvre se croisent dans la cité sans réelle logique apparente. Le chant du muézin résonne dans les effluves d’encens d’un temple bouddhiste où du mausolée d’une divinité Indou. Quand au coin de la rue les indigents mendient quelques roupies ou de la nourriture aux passants apparemment indifférents dans leurs tenues chamarrées, mais que personne ne meurt de faim car, même si les castes n’existent plus officiellement, elles segmentent la société dans des extrêmes difficiles à comprendre où chacun reste à sa place et vit, survit pour certain, selon des principes immuables apparemment acceptés par la majorité.
 
Capitale du Rajasthan, Jaipur est aussi une cité de palais de Maharajah, ceux-là-même qui ont dominé les provinces de ce pays immense jusqu’à son émancipation démocratique après la colonisation britannique.
Leur architecture est celle que l’on imagine des palais des milles et une nuit : portes immenses en ogives doubles ou triples richement ouvragées et colorées, surmontées d’élégantes coupoles - sur plusieurs niveaux fenêtre ornées de moucharabié - cours et jardins intérieurs agrémentés de fontaines - scintillantes verreries polychromes - cuivres et bronze rutilants - étroites coursives menant aux étages. Quel enchantement pour les visiteurs qui, au premier abord, ne perçoivent pas la dimension carcérale dorée de ces lieux pour les femmes et les enfants de ces rois tout-puissants. Ils y rendaient ici publiquement la justice lors de séances de palabres savamment orchestrées permettant d’assoir encore davantage leur pouvoir seigneurial. 
Probablement ni pire ni mieux que les souverains de nos châteaux, mais dans un incomparable clinquant.