samedi 23 août 2014

Un verre d'eau gazeuse SVP



A peine installés autour de la table ronde de ce restaurant de quartier du fin fond d’une petite ville de l’Arkansas, qu’une gentille serveuse se présente à nous comme notre hôtesse pour ce diner. Tandis que mes collègues commandent une Sam Adams, je demande une eau pétillante sans glace. D’un pas pressé je la vois se diriger vers les tireuses de boisons derrière le bar au milieu de la grande pièce décorée à la mode « country » : chaises à accoudoir façon rocking-chair sans les bascules, et meubles rustiques sur lesquels sont posés fruits et légumes du bel effet dans des cagettes de bois blanc. Ca fait « bio » m’explique Mark. Et il est vrai que l’impression générale est assez agréable, même si, comme souvent dans ce genre d’établissement, ça sent la friture.

Un peu plus loin une autre table accueille une famille de " beaux bébés " : les parents, et semble-t-il 4 frères et sœurs et/ou conjoints, certainement pas loin d’une tonne à eux 6 ! Mais le plus impressionnant est la montagne de nourriture sur la table : poulets entiers, french fries, calamars frits, grosses pommes de terre à la crème, verres de bière... La scène a quelque chose d’une orgie indécente telle que peinte par les artistes de la Renaissance Italienne. Et je sens mes collègues américains presque gênés par tant de goujaterie.

Tout sourire la serveuse revient avec un plateau de boissons et nous dépose nos verres en plastiques. Comme toujours rapide et efficace. 
Nous commandons nos repas. Pour moi poulet rôti (demi poulet, y’a pas plus petit) et brocoli. Connaissent pas les haricots verts ici.
On trinque à nos affaires et, surprise, ma première gorgée n’a pas du tout goût d’eau. Ça en a pourtant l’air. Une deuxième… Pas mieux. Ce n’est pas de l’eau mais un soda sucré au goût indicible. J’en souris en pensant à une erreur du bar, attendant le retour de notre charmante serveuse pour lui signifier gentiment ma surprise.
-       Mais non, me répond-elle le plus sérieusement du monde, c’est la meilleure eau gazeuse que nous ayons !
J’explique avec mon plus bel accent français, ça marche toujours auprès des filles ici…, que c’est de la vraie eau à bulle que je souhaite, pas un soda.
-       Nous n’avons pas plus naturel Monsieur !
J’éclate de rire. Et visiblement elle ne comprend pas.
-       Pas grave Mademoiselle, c’est comment votre prénom ?
-       Kathy.
-       OK Kathy, donnez-moi un verre d’eau du robinet s’il vous plait.
-       Tout de suite Monsieur.



En sortant du restaurant je ne peux m’empêcher de toucher les fruits et légumes « bio ».  Ils sont en plastique...
Ben quoi ? D’authentiques et naturels produits Américains.


samedi 9 août 2014

Rouge Maranello



250 GTE, 250 GTO, 308 GTB, 348 TB, 512 TR, F 430, F 458… A quels mystérieux algorithmes répondent ces séries de chiffres et de lettres ?  S’agirait-il d’une nouvelle intrigue façon Da Vinci Code ? Vous n’y êtes toujours pas ? Allez, je vous aide : ils correspondent tous à des modèles de la légendaire marque de voiture de sport Italienne, rouges le plus souvent, affublée du fameux logo à cheval cabré, FERRARI.
En remontant de Toscane, nous ne pouvions manquer l’étape de Maranello, siège de la célèbre marque de jouet pour adultes fortunés.
Enzo Ferrari, le fondateur, disait : « une Ferrari est l’incarnation d'une belle mécanique pour les hommes qui ont le désir de réaliser un rêve et d'insuffler pendant longtemps encore à leur vie le feu de la passion juvénile ». Quel poète le Enzo !

Regarder une Ferrari c’est admirer une œuvre d’art, de celles qui procurent un choc émotionnel à peu d’autre pareil. Même le plus blasé des automobilistes ne peut rester indifférent devant une telle beauté mécanique à la fois légère et puissante, acérée et arrondie, sensuelle et brutale. Tout dans l’esthétique suggère la performance.
Ouvrir le capot moteur est comme ouvrir un coffre au trésor ou jeter un œil sur un fruit défendu, fascinante machine n’ayant d’autre but que de procurer du plaisir à son pilote. Tourner la clé de contact et c’est un concerto en 6, 8 ou 12 cylindres qui démarre. D’abord dans les basses octaves le temps de chauffe, pour s’envoler dans les aiguës à la moindre sollicitation de l’accélérateur, débauche un peu sauvage de décibels éphémères parfaitement superflus diront certains. Mais à quoi sert la musique ?

Pourquoi les belles voitures exercent le plus souvent un tel effet sur les hommes ? (et les femmes aussi…) Je me suis souvent demandé d’où venait cette fascination. Peut-être du même registre que celle exercée par les chevaux sur les cow-boys. Quelque chose autour de la puissance, la vitesse, la maîtrise de « la bête », une façon d’affirmer sa virilité par le truchement d’une machine à l’incomparable sensualité, subtile mélange de prétention et de plaisir dont la nature humaine a le secret.

« Le feu de la passion juvénile… » : quelle expression magnifique !
D’autant qu’elle s’adresse en l’occurrence le plus souvent à des hommes d’âge mur dont on pourrait penser que la juvénilité s’émousse… Nous ne parlons pas ici de petites pilules bleues, mais de piloter « pour de vrai » les voitures de rêve de notre enfance, comme un flash-back jubilatoire à une période de la vie où tous les rêves sont permis. Transformer un rêve en réjouissante réalité, n’est-ce pas le feu dont parlait Enzo Ferrari, celui dont on aperçoit le reflet au font des yeux des véritables passionnés ? Et rien à voir bien sûr avec les frimeurs, ou comme dirait ma femme, « les vieux beaux sur le retour ».

Enzo avait raison, une Ferrari n’est rien d’autre qu’une merveilleuse machine à rêve pour rester en vie le plus longtemps possible.


dimanche 3 août 2014

Florence la magnifique


Laissant libre cours à notre inspiration nous déambulons dans la campagne Toscane sans autre objectif que de profiter de ses paysages enchanteurs : collines ondoyantes aux reflets dorés piquetées de cyprès, aux sommets desquelles de vastes maisons de maître dominent ces terres fertiles. Puis en approchant de Florence, entre les champs d’oliviers, les vignobles du Chianti strient le paysage ondulé en alignements parfaits pour redescendre dans la vallée de l'Arno vers la citées des Médicis.

Sienne fut un choc, Florence est un émerveillement, splendeurs architecturales, fruit de la rivalité séculaire opposant les deux villes pour la domination régionale, à son apogée lors de la bataille de Montaperti en 1260 qui fit tout de même plus de 10.000 morts. A cette époque, et sans arme de destruction massive, on n'y allait pas non plus de main morte lorsqu’il s’agissait de s’entretuer.

On marche dans la ville comme dans un musée à ciel ouvert. Chaque rue, chaque place nous projette dans la grande histoire de la Renaissance. Et les autorités Italiennes ont bien fait les choses en limitant strictement la circulation motorisée dans le centre historique. On flâne donc à loisir sur les étroites rues pavées surplombées de façades à porte à faux, aux fenêtres derrière d’énormes grilles en fer forgé, parfois encore flanquées de porte-flambeaux et autres anneaux de fer pour y attacher les chevaux. Portés par cette ambiance médiévale, on imagine mille et une intrigues derrière ces murs épais.

La Piazza Della Signora et ses statues monumentales de marbre et de bronze est l'endroit idéal pour déjeuner en terrasse, simplement à contempler cet ensemble majestueux entouré de palais cossus.
Puis notre déambulation nous conduit vers le pont Vecchio, étonnante galerie marchande enjambant le fleuve où se concentre depuis près de 500 ans les bijoutiers de la ville dans de minuscules boutiques étincelantes comme des coffres à trésor.

Florence est aussi l’une des villes de Galilée le grand astronome. Le musée portant son nom est un endroit merveilleux pour les amateurs d’art et de science. En parcourant les étages, les yeux s’écarquillent devant des centaines d’instruments inventés par les savants des siècles passés, et réalisés par les meilleurs artisans de l’époque qui développèrent le design « industriel » bien avant l’heure. Quelle émotion de pouvoir regarder, presque toucher la première lunette de Galilée, celle-là même qui, pour la première fois, permis d’observer le ciel avec une acuité décuplée, et découvrir qu’à l’évidence la terre n’était plus le centre de l’univers comme c’était admis depuis Ptolémée quelques 1500 ans plus tôt ! Toutes ces découvertes qui allaient ensuite s’accélérer à un rythme effréné jusqu’à nos jours.
Que dire enfin de ce doigt de Galilée, relique précieusement préservée dans une ampoule de verre, comme un doigt d’honneur de son abjuration face à l’inquisition ne voulant pas admettre le changement radical de vision du monde auxquelles conduisaient inéluctablement les découvertes du Grand Homme.

Florence est bien plus qu’une ville.
Et qu’on ne vienne pas me dire par ce qu'il s'agit aussi du prénom de ma femme...

vendredi 1 août 2014

Sienne



L'arrivée sur la Piazza del Campo est un choc, vision presqu'irréelle d’un théâtre géant. L'esplanade ovale recouverte de briques en chevrons descend doucement en rayons sur le Palazo publico comme le décor de fond de scène. D'une rare élégance, superbe façade crénelée sur 3 niveaux, marbre blanc surmonté de briques ocres. La fameuse couleur « terre de Sienne. » 
A gauche de l'édifice,  telle une flèche défiant les cieux, la tour Del Mangia s'élève à plus de 100 mètres. L'aspect visuel de l'ensemble dégage une impression de luxe et d'opulence à peu d’autres pareilles.
En y regardant de plus près, on découvre quelques facettes de ces constructions monumentales. Du gros œuvre - défis techniques de tenu de ces grands ensembles - portée des voutes et des charpentes, hauteur des plafonds - jusqu’aux plus fins détails artistiques - sculptures, dorures, couleurs… Et je ne peux m'empêcher de faire le lien avec l'économie qui y fut associée.
Combien d'architectes, d'ingénieurs et d'artisans, de 1000 corps de métiers complémentaires, ont développé de façon marchande le meilleur de leur savoir-faire sur de telles réalisations ? Combien de nouvelles techniques ont ainsi émergé ? Tous ces domaines d'excellences qui ont pu croitre grâce au défi considérable des grands travaux d’investissements de cette époque si bien nommée La Renaissance.
Comme à d'autres périodes de notre histoire le progrès n’arrive que par la volonté de voir plus loin, plus grand, plus haut – les révolutions agricoles, puis industrielles de la fin du 18ème au début du 20ème, la conquête spatiale de la fin du 20ème, la révolution numérique qui bouleverse aujourd’hui nos sociétés de manière un peu anarchique, dans un grand mouvement de globalisation sans vrai fil conducteur. Et la révolution énergétique à venir que nos politiques tardent à mettre en œuvre de manière concertée et volontariste, laissant en panne de croissance nos sociétés dite développées. Pas de doute qu’il nous faudrait maintenant une nouvelle Renaissance portée par de grands projets. Mais qui en a la volonté ?
Mais revenons-en à notre découverte de Sienne et l’une de ses coutumes séculaires devenue légendaire, sorte de fossile vivant de traditions moyenâgeuses où des cavaliers montent à cru des chevaux représentant des quartiers de la ville, pour une chevauchée fantastique de 3 tours de la Piazza del Campo où tout est permis : coups de cravache, tirage de casaque, coups de pied, coups de poing…
Précédée d'un long rituel aux accents religieux, devant une foule en transe agglutinée depuis des heures au milieu de la place et chauffée à blanc par tout ce cérémonial préliminaire, la course très courte (à peine plus d’une minute), et très dangereuse, est d’une extrême violence. Le vainqueur est le cheval arrivé en tête, avec ou sans cavalier, qui déchaine une véritable hystérie de ses supporters proportionnelle à l’émotion générée par ces joutes d’un autre temps.

Puis la vie reprend son cours comme si de rien n’était, jusqu’au prochain Palio, dans cette ville magique où chaque quartier est un enchantement, mélange d’histoire, de culture, d’arts et d’art de vivre.

Découvrir Sienne est une expérience qui se s'oublie pas.