jeudi 18 mars 2010

Machine à rêves


Dimanche 14 Mars :

Comme si les quelques 30.000 km passés en avion ces 2 dernières semaines ne suffisaient pas, réveillé de bonne heure ce matin me voilà pris d’une irrépressible envie de voler de mes propres ailes, histoire de toucher de nouveau la troisième dimension, sensation unique de liberté, perspective spatiale d’où le monde paraît si beau, si bien ordonné, la « Terre de Hommes » magnifiée par Saint Ex le grand.

Ce matin le ciel est bas et le paysage diffus baigne dans une lumière trouble et laiteuse où l’horizon se confond rapidement avec la couche nuageuse dans un fondu enchainé cotonneux. L’air humide et calme porte bien l’appareil qui glisse avec fluidité, tracté par l’hélice tripale dont le disque de rotation grise légèrement la perspective derrière le pare brise du confortable cockpit. Pieds détendus sur les palonniers, manche main droite, manette de gaz main gauche, je fais corps avec le petit appareil que la faible inertie rend très joueur, et me laisse aller à dessiner de grands 8 paresseux dans ce ciel trouble, enchaînant virages à gauche puis à droite sous forte incidence. L’horizon danse d’un côté puis le l’autre, une aile dressée vers le ciel tandis que l’autre défile rapidement sur le paysage 1500 pieds plus bas. Le corps s’alourdi, plaqué sur le siège par la force centrifuge, sensation agréable d’accélération directement proportionnelle à l’action sur les commandes. La tentation est alors grande de pousser un peu jusqu’au tonneau barriqué. Mais un peu de retenue s’impose au commande d’un appareil non spécifié voltige.
Retour au vol horizontal : de là haut les distances semblent se contracter. Le long de la vallée de la loire les villages apparaissent en perspective comme beaucoup plus proches, reliés par de fins rubans bleus ; lecture du paysage semblable à celle d’une carte routière posée sur les genoux quand nous conduisions encore sans GPS.
Bien agencées, les surfaces agricoles aux teintes encore tristes et nuancées de l’hiver attentent le printemps pour exprimer le potentiel de cette terre nourricière, fruit du travail séculaire des hommes qui l’ont façonné telle que nous la connaissons. Ici et là des étangs et massifs boisés agrémentent encore ce paysage ponctué depuis quelques années de grandes et élégantes d’éoliennes, telles des ballerines dansant sur la campagne.
D’ici tout semble parfaitement paisible et ordonné.
Et porté par les molécules d’air, magie du vol, instant de liberté absolu où le temps semble comme suspendu, mon esprit s’évade en se libérant de toute pression.

Un ami pilote disait un jour :
- Ceux qui ne volent pas ne peuvent pas savoir !
Plaisir futile et égoïste ?
Et alors...

vendredi 12 mars 2010

Scenic Road

Ground speed 827 km/h indique l’écran du triple 7. Nous remontons le temps vers Amsterdam quelque part au dessus de la Russie. Fatigué par deux semaines intenses de voyage, je me laisse aller à une espèce de torpeur à 12000 m d’altitude.
L’avion est moitié vide. Une toute nouvelle ligne directe Chengdu – Amsterdam qui finira bien par se remplir ; nouvelle trajectoire oblique dessinée sur la mappe monde des vols intercontinentaux ; opportunité supplémentaire offerte aux citoyens du monde de le parcourir en tout sens.

Ma boite mel à jour, les yeux qui piquent devant l’écran d’ordinateur, je ferme un dossier en cours et essaie de me relaxer un peu en pensant aux miens que je vais bientôt retrouver. Un moment toujours aussi agréable les retrouvailles à la veille du week-end. Il y aura Flo, les enfants, la famille et les amis aussi.

Curieusement, en fermant les yeux, les images d’hier du retour en voiture vers Wuhan me reviennent intensément. Trois heures assis sur la banquette arrière, alternant discussions avec Shuchen, moments de silence et d’assoupissement, entrecoupés d’images furtives défilant derrière les vitres fumées :
- Traversées de villages à vive allure, slalomant au klaxon entre voitures, camions, motos, triporteurs et piétons, sur la rue principale poussiéreuse bordée de boutiques en tout genre encore décorées des lampions du nouvel an Chinois entrant dans l’année du tigre ;
- Plus loin, un temple bouddhiste sur les rives d’un lac sur fond de montagnes embrumées ;
- Là, quelques buffles boueux broutant au creux de rizières en terrasses asséchées après la dernière récolte ;
- Ici, des enfants jouant dans une prairie bordant un cimetière en friche ;
- Plus loin encore, des maisonnettes de paysans devant lesquelles sèchent au soleil, côte à côte sur des chassis de bois, nouilles de riz fraîchement pressées et linge multicolore ;
- Puis un train de marchandise que nous dépassons à 150 km/h sur l’autoroute en évitant les camions surchargés roulant à 60 sur la file de gauche…
- Enfin, arrivant sur Wuhan, la traversée du majestueux Yangzi Jiang, plus grand fleuve d’Asie sur lequel naviguent des bâteaux aux étraves typiques, comme des coques de noix sur un plaisible ruisseau.

Il faisait beau et, heureux, je me demandais en pensant que demain d’un coup d’ailes je serai de retour à la maison, ce qu’avaient bien pu ressentir les premiers voyageurs occidentaux découvrant cette lointaine Chine, au terme de voyages au long cours de parfois plusieurs années, voyages extraordinaires, voyages d’une vie.
Et de me dire, en tapant ma petite chronique sur ordinateur, confortablement installé dans une merveilleuse machine volant à 900 km/h, que l’un des progrès les plus spectaculaires réalisés depuis par l’homme était sans aucun doute la vitesse : compression de l’espace-temps dans les déplacements et la diffusion de l’information, rendant possible l’accès aux voyages qui veut s'en donner la peine.

jeudi 11 mars 2010

Partie de Go


Situation désagréable mais somme toute « banale » dans les affaires : aller chercher une créance impayée. Et lorsque cela se passe en Chine, au fin fond de la province du Hubei, cela peut prendre une allure inattendue pour un « long nez », malgré déjà plus d’une cinquantaine de voyages à parcourir l’empire du milieu, avec des fortunes diverses.

Il s’agissait donc ici d’aller chercher les sous chez Monsieur Lee : 2 heures d’avion depuis Chengdu vers Wuhan, puis 3 heures de voiture jusqu’à ..., l’une des rares villes chinoises où le téléphone mobile étranger de marche pas.

Arrivée fourbue dans un hôtel crasseux offert par le client. Une maison de passe en fait, avec tous les équipements nécessaires... Nous sommes accueillis par le beau frère de Lee, jeune homme avenant qui souhaite s’entretenir avec nous avant que peut-être ce soir nous rencontrions Lee. Nous jouons le jeu et l’écoutons nous raconter combien Lee est désolé de n’avoir pas tenu son engagement, qu’il regrette infiniment, mais que son financement n’a pas pu se boucler comme il voulait et que surement ça allait s’arranger.
De mèche avec Shuchen je montre avec calme mon mécontentement, mais sans éclat. Juste avec détermination avant de quitter la chambre.

Une heure plus tard on frappe à ma porte. C’est Shuchen qui m’annonce l’arrivée de M. Lee. En fait il est là depuis déjà une demi-heure et a demandé à Shuchen un délai supplémentaire d'un mois pour le paiement. Puis Shuchen de me dire :
- Tout d’abord tu refuses poliment.
Et d’ajouter :
- Tu lui expliques ensuite que s’il ne veut pas payer immediatement, nous serons au regret d’en informer le Gouverneur de la Province via le consulat de France.
- Et alors ?
- Et alors il va comprendre clairement le message.
- Quel message ?
- Et bien ses amis politiques pourvoyeurs de fonds vont être mis à mal par une telle intervention « diplomatique » risquant de les griller. Et ça il ne peut en être question. Tu comprends ?
- Euh, oui je crois. Et tu crois que ça va marcher ?
- Pas sûr, mais essayons.

Fort de ces bons conseils je m’en vais donc saluer froidement Monsieur Lee.
De nouveau il s’excuse en reprenant les arguments du beau frère et m’invite à m’assoir. Je reste debout. Il se lève en réitérant sa demande de délai supplémentaire que je refuse fermement sur le champ. Ce à quoi il répond qu’il ne peut pas payer dans l’immédiat. Je lui rappelle alors que l’immédiat à déjà 2 mois et demi de retard !
Shuchen qui assure la traduction, je devrais plutôt dire l’interprétariat, adopte la mine de circonstance des mauvais jours…
Sur ce nous partons dîner dans une salle privative du restaurant au 5ème étage de l’hôtel.
La discussion reprend où elle en était restée.
Je sorts alors la carte « diplomatique ».
Mal à l’aise Lee fume cigarette sur cigarette en expliquant qu’en procédant de la sorte nous ne récupérerions rien du tout, car lui perdrait le support de ses sponsors politiques qui en perdant la face le lâcherait à coup sûr.
Il a parfaitement raison. Mais notre tactique consiste justement à ce qu’il remonte lui-même auprès de ses sponsors, pour les convaincre de le soutenir sans plus de délai, avant qu’une malheureuse intervention diplomatique fomentée par un Français ne risque de les éclabousser.
L’atmosphère devient franchement pesante, et avec la fumé, l’air confiné de la petite salle devient vite irrespirable…
Lee revient à la charge pour obtenir un décalage le paiement. Bien sûr nous accepterons car il ne peut en être autrement ; mais pas ce soir.
Sur ces entrefaites Shuchen a pu échanger par téléphone avec le chef de cabinet du Gouverneur, et un déjeuner est à priori organisé pour le lendemain.
Nous en informons Lee qui demande alors la présence d’une interprète pour communiquer directement avec moi. Migraine naissante je refuse catégoriquement et quitte la salle respirer un peu d’air frais dans le couloir. Le dîner se termine en queue de poisson, et tandis que je me retourne à ma chambre, j’aperçois Shuchen entrer dans la sienne accompagné de nos 2 acolytes.



On frappe à ma porte. Il est 8 heures du matin et Shuchen passe me prendre pour le petit déjeuner. Mauvais début de journée. J’ai loupé le réveil, donc mon jogging matinal et j’ai la tête encore enfumée d’hier soir.
Le petit dej est à l’image de l’hôtel : crasseux.
Shuchen m’explique qu’il va préparer un mémo acceptant le délai supplémentaire d’un mois que nous allons faire signer dans la matinée par Lee avant la rencontre avec le Gouverneur. Là j’avoue n’être plus sûr de tout bien comprendre, mais je fais confiance.
Nous remontons à nos chambres, Shuchen pour rédiger le mémo et moi faire mon travail de bureau.
Il est 10h30 lorsqu’on frappe de nouveau à ma porte.
Shuchen m’annonce que le mémo est près et que Lee est dans sa chambre pour la signature.
En entrant dans le chambre dont l’atmosphère enfumée est déjà irrespirable, je me précipite ostensiblement ouvrir la fenêtre en dévisageant Lee.
Sans coup férir Shuchen m’annonce alors que le déjeuner avec le Gouverneur est annulé et, avant que je n’ai pu réellement réagir, me demande de feindre une colère froide devant Lee. Je n’ai pas à me forcer, répétant en regardant Lee fixement que nous allons devoir sortir l’artillerie diplomatique vaille que vaille.
Il est blême, ayant très bien compris que nous ne plaisantons pas. (Shuchen me confiera plus tard qu’il passe alors un coup de fil à quelqu’un en dialecte local dont il a capté des bribes, exprimant son désarroi devant le risque de gêner ses amis politiques.) La pression monte. Je quitte de nouveau la chambre dépité laissant mon Shuchen poursuivre la partie.

Vers midi Shuchen refrappe à ma porte. Nous partons déjeuner rapidement à l’extérieur. Dans la voiture Shuchen me demande de préparer au restaurant une lettre manuscrite en Anglais à l’attention de Monsieur Zang, Gouverneur de la Province, à faire remettre en main propre par Lee... J’en pers mon latin et essaie de comprendre les subtilités. En fait nous sommes en train de changer de registre : après avoir brandi l’arme nucléaire diplomatique, nous redonnons de la face à tous les protagonistes pour relancer la dynamique de sponsoring dont chacun comprends bien maintenant les avantages. Génial.
Me voilà donc assis au coin (d’une table ronde) à sortir ma plus belle plume :

« Dear M. Zang,

I would like to inform you concerning the progress of our partnership with M. Lee for the the duck project in ...
Even if we still have the firm intention to develop this partnership, it seems that our Chinese partner is facing some difficulties, and we hope that you would support him as much as possible. Etc. Etc. »

L’effet attendu est que chacun comprenant bien ses intérêts, les fonds espérés arrivent promptement sur le compte de Lee avant d’être crédité sur le nôtre.
Réponse dans un mois.

(Si l’histroire est parfaitement exacte, notez bien que les noms de nos interlocuteurs sont factices pour les raisons évidentes que vous pouvez imaginer)

mardi 9 mars 2010

Monsieur Chui


Yeux rougis par l’atmosphère enfumée de cette petite salle de restaurant, je suis assis face à Monsieur Chui, notre hôte du jour.
A l’évidence un bon vivant ce Monsieur Chui : teint tanné virant au rougeaud, il fume cigarette sur cigarette rendant l’atmosphère de la salle irrespirable.
Tête ronde comme une boule billard, yeux plissés, cheveux ras, moustache et bacantes fournies, je le verrais bien jouer un rôle de méchant dans une intrigue de palais au temps des empereurs chinois de la dynastie de Quing. Mais les sonneries intempestives des portables nous ramènent à la réalité contemporaine.
On mange bruyamment, on crache, on sirote, on rote…
Echauffés par l’alcool, jambes de pantalon remontées sur les genoux, les discussions s’enflamment entre les culs secs d’alcool de riz qui mettent le feu à bouche et vous laisse un arrière goût tenace de plusieurs jours au fond la gorge…
Eclats de voix, éclats de rire, éclaboussures de bières entre les allés et venus de la brigade de serveuses juvéniles.
Et puis cette table qui tourne et retourne au gré des plats qui s’accumulent.
Thé et re-thé pour tenter de diluer l’alcool qui finit par me monter à la tête. Ca n’en finit pas mais il faut faire bonne figure. Monsieur Chui est l’intermédiaire dans le cadre de l’acquisition éventuelle d’un ex-terrain militaire intéressant pour le développement de notre activité ici. Alors je relance un nouveau cul-sec !
Chi est maintenant cramoisi. Quant à moi j’ai l’impression de transpirer l’alcool. Drôle de sensation de ne plus savoir si l’on s’appartient encore totalement. La tête me tourne et pour faire diversion je fais une photo (floue…) de Chui avant de la lui montrer. Il éclate de rire en disant :
- Rougir sous l'effet de l'alcool est signe d’honnêteté !
Traduction reprise d'un dicton Chinois et certifiée par mon collègue Shuchen. Ne riez pas, il s'agit bien de son vrai nom…

dimanche 7 mars 2010

Née sous le signe du Dragon


65 km en 2 heures et demie ! En voiture l’espace-temps prend ici une autre dimension, au rythme du flot ininterrompu des scooters et autre petites motos et de leur ronronnement presque bienveillant. Au moindre ralentissement, nous sommes submergés par ce flux, comme s’il s’agissait de l’écoulement fluide d’une rivière. Il en passe de partout, dans tous les sens, donnant l’impression de se faisait dépasser par une sorte de peloton du tour de France puissance 10. Dans de telles conditions de circulation, éviter l’accident tient du miracle permanent, même si, paradoxalement, la densité du trafic limite considérablement les risques graves du fait des faibles vitesses. On dépasse rarement 60 km/h ; et encore…
Dans la voiture la chaleur est étouffante, tout juste atténuée par une climatisation poussive. J’ai l’impression d’être collé sur la banquette en skaï et que mes pieds gonflés vont faire exploser mes chaussures ; sans compter une irrépressible envie de faire pipi. Mais impossible de s’arrêter, il y a des gens partout.

Nous finissons par arriver sur nos nouvelles installations, terminant l’approche par 3 km de piste poussiéreuse. C’est aujourd’hui la cérémonie officielle d’ouverture de notre nouvelle filiale Vietnamienne, et pour l’occasion l’entrée du site est surmontée d’une grande arche rouge derrière laquelle est installé un chapiteau blanc où trône une estrade rouge face à un part terre impeccablement aligné de sièges recouverts de tissus blanc.
Notre équipe est sur son 31, et nous profitons de la petite demi-heure encore disponible avant l’arrivée des convives pour vérifier les derniers détails tout en cherchant à détendre l’atmosphère. Mais cela semble si bien préparé que rien ne semble pouvoir gâcher la fête.

Tandis que les premières voitures officielles arrivent, une troupe de saltimbanques s’installe sur le podium dans une joyeuse atmosphère. Il y a là des hommes, des femmes et des enfants, tous en costumes rouges, un ruban blanc croisé sur les mollets un peu à la façon de certains costumes folkloriques tels que l’on peut les trouver chez nous en Provence ou au Pays Basque.

VIP au premier rang, chacun étant maintenant installé, dans un battement de tambours traditionnels les saltimbanques ouvrent la cérémonie pile à l’heure prévue, avant d’enchaîner quelques acrobaties, histoire de chauffer la salle.
Puis Nhac, notre directeur local dit un mot d’accueil avant que je n’enchaîne en remerciant particulièrement les représentants ministériels, provinciaux ainsi que les différents instituts et autres « partenaires » pour « leur aide précieuse dans la concrétisation de cette nouvelle implantation stratégique pour notre Groupe ».
Yann, notre responsable de développement international présente les aspects techniques de l’opération, et c’est enfin au tour des officiels de se succéder à la tribune, discours concis et propos bienveillants, avant que la troupe n’enchaîne, toujours au rythme des tambours, quelques danses déguisée en dragons multicolores aux mimiques très expressives. Cela ressemble aux images de défilés du nouvel an Chinois. D’aucun dirait une sorte de carnaval, mais à l’évidence il y a ici une signification plus puissante qui m’échappe encore.
La puissance du dragon, habitant maintenant l’entreprise, il est temps de couper les rubans.
« 1, 2, et 3 ! » Ensemble avec Nhac et les plus hauts représentants de l’état présent, tout sourire nous faisons l’acte symbolique avant de nous serrer une nouvelle fois chaleureusement les mains. L’entreprise est maintenant officiellement lancée. Reste le plus grand challenge. En démontrer la pertinence économique.

Nous partons ensuite pour la visite des installations. Surprise, au retour tout le monde se rassoit gentiment, puis une chanteuse de variété paraît-il très connue entonne quelques airs populaires repris en cœurs et avec entrain par nos convives.



La matinée s’est déroulée au mieux, et après avoir chaudement félicité notre équipe, nous partons pour un grand banquet de clôture.
Je profite de la voiture pour demander à Nhac la signification de la danse des dragons. Il m’explique qu’il sagit de l’animal symbolique du Vietnam, reprenant la forme du pays - il est vrai qu’en y regardant de plus près, avec un peu d’imagination, le Vietnam a vaguement la forme d’un petit dragon fièrement dressé sous l’énorme Chine - et que c’est aussi un symbole de puissance. Je voudrais en savoir plus mais il semble que ça n’aille pas plus loin. Et en pensant à notre coq national, je me demande si l’on se crée pas les symboles qu’on mérite ? Il serait parait-il le seul animal capable de chanter les pieds dans le fumier... Autre version possible, peut-être plus orientale : l’animal qui de son chant mélodieux annonce le début de la journée... Il faut vraiment que je me renseigne auprès de nos spécialistes…

Le déjeuner est un joyeux festin entre les toasts portés à l’amitié, au succès, à la coopération…
Tandis que sous les tables s’accumulent les canettes des bières consommées par les convives, notre chanteuse entretien l’ambiance en invitant tel ou tel à l’accompagner sur des airs populaires repris en cœur. Quelle ambiance ! J’ai franchement rarement vu cela lors de déplacement ou rencontre où que ce soit dans le monde. S’agit-il d’une vraie caractéristique de ce peuple tellement attachant ou tout simplement d’une circonstance particulière ?
En questionnant Nhac je pencherais plutôt pour la première option.
Ici les gens sont d’une rare gentillesse qui, associée à une spontanéité naturelle, rendent les relations agréables et joyeuses. Peut-être n’est-il finalement pas nécessaire d’aller chercher beaucoup plus loin. Et de me demander comment il a été possible de faire subir autant d’horreurs à un tel peuple ? Mon côté idéaliste…

jeudi 4 mars 2010

Vers Saigon, d'un coup d'ailes


1h15 après son décollage de Bangkok, le 747–400 d’Air France achève son vol « parabolique » d’un « kiss landing » sur le tarmac de l’aéroport de Saigon : un vol parfait au dessus d’un ciel moutonneux caractéristique de ces zones tropicales.
En roulant vers notre point de stationnement nous croisons quelques vestiges d’un passé douloureux : alvéoles désaffectées de protection d’avions de chasses dont l’une porte encore un signe « peace and love » peint à la sauvette sur le béton armé. Plus loin un cimetière d’avions de transport Russes hors d’âge.

L’aérogare internationale vient d’être refaite suivant les meilleurs standards actuels, et nous nous retrouvons rapidement dehors, écrasés par la chaleur moite parmi une foule de badauds venus accueillir les voyageurs au débarquement.
Il y a là les comités d’accueil de grandes entreprises et de grand hôtels portant fièrement sur des panneaux les noms des VIP de service ; et comme dans tous ces pays émergents, la pression des chauffeurs de taxi cherchant le pigeon qui paiera la course au prix occidental.

Parmi la foule, Nhac, le patron de notre nouvelle unité de production Vietnamienne, ne tarde par à nous trouver et nous conduit directement à l’hôtel « ParkRoyal » juste à proximité.
En montant dans le minibus on aperçoit une grande inscription en lettres rouges soutenues par un treillis métallique au dessus un bâtiment de l’aéroport : « Welcome in Ho Chi Minh City », le nom moderne donné à Saigon, suite à la victoire communiste de 1975 mettant fin à la guerre du Vietnam. Mais nombreux sont ceux qui ne s’y sont pas faits. Et Saigon reste largement usité, nom de la rivière bordant la ville aux consonances nostalgiques d’une certaine Indochine.

Les quelques kilomètres à parcourir jusqu’à l’hôtel sont à eux seuls une expérience, à slalomer entre les hordes de mobylettes et scooters dans le ronronnement joyeux des petits moteurs 4 temps.

Tandis qu’arrivés à l’hôtel nous sortons les valises de la voiture, une magnifique Citroën Traction Avant noire débouche élégamment sur la rue. A son bord, un monsieur d’un certain âge en costume noir, cheveux gominés impeccables, fines lunettes et petite moustache : comme si pour lui le temps s’était arrêté.

mardi 2 mars 2010

D'un monde à l'autre


Après un court transit par la maison, le temps d’embrasser les enfants, de passer 2 nuits avec Flo, quand réveillé par le jet lag au milieu de la nuit la sensation de sa présence apaisante vaut tous les réconforts, et une sympathique soirée entre amis à décompresser, me voilà projeté de Des Moines - Iowa, à Bangkok - Thaïlande, exactement aux antipodes :
Choc du climat de – 15° Celsius à plus 35 !
Choc des cultures : des solides américains enracinés au centre de leur monde puissance 10 à la fourmilière grouillante et laborieuse des petits Hommes souriants aux yeux bridés.
Passer en 2 jours du régime T.bone Steak géants au Tomniam Kum (soupe de crevettes épicées) permet aussi à l’estomac d’apprécier les opposés.
En débarquant à l’aéroport je fixe une image amusante : un avion entier de moines Bouddhiste récupérant leurs bagages. Demain c’est ici la fête religieuse du Bouddha, journée chômée, occasion pour ceux qui le souhaite de se consacrer à la prière.
Il est 12h30 et à tout hasard je compose le numéro de téléphone de Alex, notre deuxième fils, sensé, après un voyage de 2 semaines en Asie avec Dom, être reparti du même aéroport depuis un peu plus d’une heure vers l’Europe.
Surprise, il décroche !
- Ton avion a du retard Alex ?
- Ben non papa, nous partons à 11h…
- Euh, tu veux dire 23h ?
- Oui c’est ça !
Heureux quiproquo qui permet de nous retrouver pour déjeuner, agréable moment à discuter de voyages et de leur émerveillement en découvrant les extraordinaires temples d’Ankhor au Cambodge.



Lundi : ce matin un joli challenge. J’ouvre en effet une conférence sur l’élevage volailles, porc et bovin, devant une assemblée de 600 personnes provenant de 30 nationalités, par un topo en anglais sur les enjeux de la génétique animale pour la prochaine décennie.
Respirer profondément pour contrôler l’émotion. Gravir d’un pas décidé les quelques marches conduisant au podium. Regarder « dans les yeux » ce public métissé. Compter intérieurement « 1, 2, 3 » et c’est parti :
- Ladies and gentlemen, it’s an honour and a pleasure to open this conference…
35 minutes plus tard je conclu sous les applaudissements sans avoir vu le temps passer, porté par le déroulement de mon topo. Exercice réussi je crois. Et surtout satisfaction de l’avoir fait.



Ce midi, tout en mangeant un plat de pâtes dans un petit restau Italien – partout dans le monde une valeur sure la cuisine Italienne - j’observe simplement la vie grouillante de cette petite rue perpendiculaire à Sukhumvit, artère principale de Bangkok.
Dans une odeur intense de gaz d’échappement et le bruit des moteurs trafiqués, la circulation n’arrête pas entre les taxis roses, les "touc-toucs" multicolores à touristes et autres mobylettes où il n’est pas rare de compter 3 passagers.

Au coin de la rue une jeune femme au visage intelligent souligné par une paire de lunettes à bord noir travaille visiblement très concentrée sur une machine à coudre Singer à pédale d’un autre temps. Je suis d’autant plus intéressé que Flo vient de faire l’acquisition d’un modèle équivalent provenant de la grand-mère de notre ami Marco. Une merveille de mécanique dans un état irréprochable, comme si elle avait fait un bon dans le temps de presque un siècle. Et cette jeune femme souriante qui travaille installée sur le trottoir, apparemment couturière à son compte, mètre ruban autour du cou, recevant la demande d’une cliente venant avec un morceau de tissu rouge se faire confectionner une nouvelle tenue dont elle prend les mensurations en 2 temps 3 mouvements. Je suis fasciné et me dis que décidément rien n’est plus beau qu’une femme qui crée. Peut-être le retour inconscient d’images enfouies de ma grand-mère paternelle travaillant sur ce type de machine, ou d’un transfert sur ma femme que je trouve à irrésistible, lorsque du coin de l’œil, je l’observe quant elle se met à coudre, concentrée sur la réalisation de sa création.

De temps en temps, précédé de flaveurs épicées, passe dans la rue un restaurant ambulant : petits bonhommes poussant d’improbables chariots cuisines à roues de vélo, où il est possible d’acheter quelques sataies (fines brochettes de poulet à la sauce cacahuète épicée) ou autres morceaux d’abat grillés.

Après déjeuner je fais quelques pas dans une ruelle au ciel strié de milliers de fils électriques en tous sens, pour déboucher dans une impasse se terminant par une petite cours au milieu de baraques recouvertes de tôles ondulés rouillées.
Derrière un portail déglingué, par terre des sortes de cloches en osier sous lesquelles s’agitent des volailles filiformes au plumage rouge et noir aux reflets bleutés. Il s’agit en fait de coqs de combat. Ici c’est un sport national sur lequel des paris plus ou moins clandestins sont organisés. Tout sourire le gardien des lieux s’approche de moi :
- Come, come, dit-il en ouvrant le portail.
Je m’approche, et comme si nous étions amis de longue date, il me fait découvrir avec fierté ses champions, des bêtes magnifiques dont il me met un spécimen dans les bras. Même pas peur ! Peut-être sait-il à qui il à faire… Je caresse le plumage soyeux et repose l’animal au pied de sa cage.
Nous nous quittons sur un sourire, un rendez-vous m’attend.