dimanche 19 septembre 2021

Motor racing

La voiture était prête depuis des semaines, ou plutôt des mois, suite aux annulations successives de la plupart des rallyes régionaux pour cause de Covid. Alors pouvoir la ressortir, enfin, pour la course de côte historique de la Pommeraye était un très grand plaisir. Celui de retrouver l’ambiance unique de motor racing : paddocks où les voitures bichonnées, telles des chevaux de course piaffant dans leurs boxes, n’attendent que de bondir, odeurs d’hydrocarbures et de caoutchouc brulés, pilotes dans leur combinaisons multicolores, mécanos aux mains pleines de cambouis, passionnés...
Plaisir, mais aussi pointe d’appréhension au moment de s’installer dans l’auto, sanglé, casqué, ganté, et la petite musique qui vous rappelle qu’il ne va pas falloir faire n’importe quoi, que l’objectif est de se faire plaisir sans bobo pour la voiture et ses occupants. Pareille à celle qui me revient avant chaque décollage en avion ou étapes engagée en moto tout terrain. Le jour où ça n’arrivera plus, il faudra s’arrêter.
 
Devant nous les voitures semblent trépigner dans la file d’attente vers le starter. Rugissement des moteurs et ondes de chaleur diffractant l’air au-dessus des capots surchauffés. On resserre les ceintures en se (re)disant qu’on y va cool. Y’a pas d’enjeu. Tu parles... 
 
Marco au chrono, moi au volant. Le drapeau s’abaisse, go ! 
 
Première, deuxième jusqu’à la zone rouge, puis gros freinage pour l’épingle à droite.
L’auto glisse pour ressortir en léger survirage. Troisième à fond dans le long gauche. A partir de maintenant rien n’a plus d’importance que la trajectoire et la maîtrise de l’adhérence. Je ne vois rien d’autre que ce trait imaginaire. Mon corps et la machine ne font plus qu’un. Tout en écoutant le souffle du V6, je ressens aux fesses le moindre glissement de l’auto. Chercher la limite sans la dépasser. Les virages s’enchainent : droite léger suivi d’un gauche délicat avant le S de la passerelle. Puis gros freinage à droite, relance, avant un autre sur la corde à gauche pour terminer à fond jusqu’à la ligne d’arrivée. 
Une minute douze seconde m’annonce Marco. Quatre secondes de mieux que l’an dernier !
On avait dit cool... 
 
Il est vrai que l’auto était bien mieux réglée par Djo, notre ami sorcier-mécano.
 

 

vendredi 13 août 2021

Du col du Turini aux confins de l'univers ...

 

Turini, un col pas tout à fait comme les autres. Le point d’arrivée d’une des plus belles spéciales du Rallye de Monté Carlo où nous nous retrouvons presque par hasard. Si si, je vous l’assure, après avoir dû faire demi-tour, notre Gemeni n’étant pas admis pour bivouaquer dans la réserve du Mercantour d’où nous avions l’intention de rejoindre la prometteuse Vallée des Merveilles. Faute de temps ce sera pour une prochaine fois.

Pause expresso au Chalet, le café restaurant des pilotes et écuries de course au sommet du Turini. Service à peine aimable sur la terrasse d’un établissement en décrépitude. Dommage. A l’intérieur des centaines de photos du rallye - voitures, gueule de pilotes et mécanos, plaques de course - depuis les années 80. Ca pourrait être sympa mais ça ne l’est pas.

On redescend vers la vallée de la Vésubie totalement dévastée par les pluies torrentielles des derniers mois, véritables bombes météorologiques ayant bouleversées le paysage de ces gorges encaissées. De véritables scènes de guerre où routes, rues et maisons ont été balayés par des torrents de boue et de pierres (je devrais plutôt dire rochers) descendus de la montagne. Il faut le voir pour le croire tant le capharnaüm est impressionnant. Et d’imaginer le traumatisme des personnes ayant subi une telle attaque. Reconstruire ici est une gageure que je ne prendrais pas.

Notre itinéraire improvisé nous emmène vers « La plus haute route d’Europe ! » Dit comme cela, l’annonce est alléchante.

La départementale grimpe vers le col de la Bonette culminant à 2800 m. On quitte la vallée et son torrent paisible pour s’élever dans la forêt. D’abord les feuillus sur des tapis d’humus aux odeurs d’automne. Puis les conifères et leur parfum de résine et d’encaustique de chalet de montagne. L’ascension se poursuit en lacets à travers les prairies d’alpage ponctuées de milles fleurs aux couleurs multicolores. Par contraste, en contrebas la forêt drape le paysage de nuances de noirs presque lugubres. Au-dessus, entre les pâturages verdoyants s’écoulent quelques ruisseaux scintillants.

Nous dépassons les 2000 m. Le paysage devient lunaire, minéral, dans des nuances grises et bleutées. Le bleu du ciel gagne en profondeur, devenant presque cristallin. Nous entrons dans une nouvelle dimension, épurée, brute, rude, où la vie semble ne pas bien trouver sa place. Sur 360°, l’horizon est barré de sommets acérés pareils à d’inaccessibles forteresses, comme les remparts de cet environnement exceptionnel.

2500 m, l’altitude redonne des perspectives au paysage magnifié par la lumière de fin d’après-midi. Un peu comme si nous le survolions. L’azur prend les belles couleurs dégradées du couchant, moment magique ou le feu de notre étoile se lève de l’autre côté de la terre, et que du nôtre les premières étoiles s’allument, prémisses d’une nuit constellée exceptionnelle.

Arrêt photo souvenir au sommet, il fait presque froid, puis nous amorçons la descente à la recherche du bivouac parfait. Comme un hasard extraordinaire, des astronomes amateurs s’installent pour la nuit sur une plateforme rocheuse à 2500 m. Impossible de ne pas s’arrêter ici et sortir la lunette astronomique.

23h : comme une arche dans le ciel d’encre piqueté d’étoiles, la voie lactée étale sa lumière diaphane. Le voyage prend alors une dimension sidérale. L’œil rivé à l’oculaire de ma lunette, je plonge dans le cosmos pour une éphémère odyssée dans l’espace et dans le temps. Magnifique observation des objets stellaires de la riche constellation du Sagittaire où la nébuleuse Trifide rayonne de mille feux. Je suis à des années lumières de la route la plus haute d’Europe. La Terre n’est plus qu’une infime particule de l’univers.

2h du matin. Je suis gelé. Retour sur terre dans notre Gemini.

 

 

mardi 10 août 2021

Le Sentier des Cavaliers

 Nous reprenons la route, remontant le Verdon rive gauche à flanc de falaise. Je ne sais plus où donner de la tête tant les panoramas vertigineux s’enchainent sans discontinuer. S’il n’y avait la fine bande d’asphalte, nous volerions dans le grand canyon avec notre Gemini, quelques 1000 mètres au-dessus du Verdon dont on aperçoit le cours vert émeraude s’écoulant entre les falaises de craie.

Au hasard d’un virage, le départ d’un GR au nom évocateur : « Sentier des Cavaliers ».

-       On y va ?

-       Oui, bonne idée.

Et nous voilà partis pour une randonnée très engagée sur ce sentier des Cavaliers aussi appelé Vidal ou encore Imbut, démarrant par une descente abrupte jusqu’au fond des gorges. Comme c’est « l’heure de pointe », au bout du parking on démarre un peu à la queue leu leu, sur l’étroit sentier entre des petits chênes noueux et des bosquets de buis. Très rapidement la descente s’avère délicate. De hautes marches entre les rochers sur des appuis approximatifs. Chaussures de rando et bâtons, nous sommes bien équipés. Devant nous des familles descendent, à la peine, en simples baskets, prenant appuis dans la pente sur les mains et les fesses pour ne pas risquer la chute. Nous restons derrière pour ne pas « forcer » une descente déjà compliquée.

Par moment, le chemin équipé en voie ferrata, littéralement taillé dans la paroi calcaire, surplombe le paysage en de spectaculaires à pics. Sans assurance, le moindre faux pas pourrait être fatal. Chacun continue sa descente tant bien que mal et on sent que certains se demandent dans quoi ils se sont engagés. Mais bon, l’excursion se poursuit avec en bas la promesse d’un pique-nique au bord de l’eau dont la jolie musique égaye cet environnement brut.

Peu avant de rejoindre le lit de la rivière, une petite plaque à la mémoire d’un jeune garçon décédé ici accidentellement. Pas sûr que tout le monde l’a bien vu. Un peu plus loin, tandis que nous longeons le cours du torrent, une autre plaque, cette fois-ci immanquable, à la mémoire d’une jeune fille noyée. Rappels que nous sommes dans une nature magnifique mais hostile.

C’est l’heure du déjeuner. Chacun cherche son coin sur les rochers tièdes et polis au bord de l’eau. On profite du soleil de début d’après-midi donnant encore jusqu’au fond du canyon, et de la fraîcheur de l’eau vive. Agréable moment dans cet environnement préservé où l’on se sent vivre vraiment, ou plutôt différemment, comme un éphémère retour à « l’état sauvage ».

Mais il faut bien revenir à la civilisation. Et nul doute que beaucoup de souviendront de ce moment. Les 1500 m de dénivelé négatif vont devoir être remontés, et quelle remontée !

Nous reprenons nos bâtons et leur cliquetis rassurant sur le sentier, concentrés pour éviter tout faux pas. Une nouvelle plaque commémorative au-dessus d’un surplomb. A chaque fois cela me fait quelque chose de penser à cette vie interrompue accidentellement. Quel gâchis tout de même, même si, comme on dit souvent, il ou elle était heureux(se) quand c’est arrivé. Tu parles ! Peut-être était-il aussi à la peine, au-delà de ses propres limites, comme cette toute jeune fille que nous suivons à la remonté, suivie par son père tentant de la rassurer comme il pouvait, ou cette femme en surpoids totalement à la peine sur des appuis plus qu’incertains, ou encore ce couple de quarantenaires totalement essoufflés et un peu en panique, s’accrochant comme ils le pouvaient à une main courante surplombant un impressionnant éboulis de pierres, et auxquels nous passons quelques mots d’encouragement.

De nouveau une plaque commémorative. Cette fois-ci un jeune garçon de 14 ans dont la vie s’est envolée.

Ne pas faire d’erreur, rester concentrer jusqu’au bout...

Nous ressortons au sommet de la voie après 1500 m dénivelés positifs, heureux de cette belle randonnée à flanc de falaise, sans avoir eu le sentiment de prendre de risques inutiles. Absolument rien d’un d’exploit. Mais de vraies questions autour du principe de précaution : alors que tout est aujourd’hui normé et réglementé, est-il vraiment raisonnable de laisser librement s’engager des non-initiés dans une telle « aventure » objectivement dangereuse, sans avoir au moins prévenu des risques encourus et des conditions matérielles requises ? Chacun est évidemment libre de prendre ses responsabilités, mais en connaissance de cause. Ce n’était pas du tout le cas.

Aucun doute qu’à la fin des vacances, bon nombre de ceux étant passés par là s’en souviendront comme un acte de bravoure bien au-delà de ce qu’ils auraient pu imaginer.

Et finalement c’est peut-être ça aussi la vraie vie.


 

samedi 7 août 2021

Les beaux bivouacs de Gémini (Chapitre 2)

La traversée du plateau des Cévennes, devenu aujourd’hui réserve naturelle, n’a probablement pas beaucoup changé depuis Stevenson. Bien sûr il y a maintenant des routes. Mais ce sont plutôt des « routins », chemins muletiers élargis suivants les irrégularités du relief naturel et recouverts de goudron rapiécé.

Sur les grands causses, de vastes prairies ondulantes ponctuées de gros rochers, comme s’ils avaient été posés là pour la beauté du paysage. Entre les fermettes, quelques troupeaux paissent paisiblement sur des parcelles délimitées par des kilomètres de fils barbelé rouillé tirés le long de poteaux de bois grossièrement taillés. Très loin, la ligne d’horizon magnifiquement dessinée par les reliefs de moyenne montagne que l’on finit par rejoindre. Et l’on entre alors dans un autre monde où l’horizontalité cède sa place à la verticalité des gorges. Parfois les nuages s’accrochent aux reliefs, ajoutant au mystère du panorama une touche de poésie ressemblant aux estampes traditionnelles Chinoises. Au creux des vallées, la route en lacet finit toujours par rejoindre un village, la plus souvent point de traversée des rivières par d’antiques ponts de pierres aux voutes élancées plusieurs fois centenaires. 

On s’y arrête faire quelques courses alimentaires chez l’épicier du coin, puis déguster un expresso à l’ombre des platanes. Le temps n’a plus vraiment d’autre dimension que l’instant de cette déambulation estivale. La pluie se met à tomber mais ça n’a aucune espèce d’importance. Les goutes en seraient presque agréables.

Les paysages changent. Les odeurs aussi. On entre en Provence et ses senteurs d’herbes aromatiques. Les Alpilles nous projettent dans les tableaux de Paul Cézanne que l’œil de l’artiste a su magnifier dans ses interprétations magistrales. 

Les champs d’oliviers alternent avec les fruitiers, les vignes, et les rangs de lavande. Tout semble parfaitement posé, génie de l’homme ayant su organiser le potentiel d’une nature généreuse. On s’arrête au hasard découvrir un village. Juste parce qu’il semble faire bon y vivre au pied des restes d’un château médiéval. Marcher sous la pluie tiède dans ces ruelles étroites et mal pavées où quelques résidents s’accrochent encore. Croiser quelques originaux venus d’on ne sait où, ayant trouvé là leur eldorado spirituel... Le petit restaurant nous accueille chaleureusement. On y déjeune délicieusement. Cuisine simple et de qualité, magnifiée par la gentillesse du couple dont c’est toute la vie.

Nîmes et ses arènes. Impossible de ne pas s’y arrêter, comme certainement des milliers de voyageurs fascinés depuis 2000 ans par cette construction exceptionnelle dont on parle à des centaines de kilomètres à la ronde.

Imposantes de l’extérieur, les arènes prennent toute leur dimension à l’intérieur. Du haut des gradins, la perspective projette le regard vers le centre de la scène ovale, comme l’œil d’un cyclone vu de l’espace. L’impression est saisissante, sans aucun doute le but recherché par ses concepteurs et promoteurs : faire converger regards et émotions du peuple sur le spectacle donné par le pouvoir, marquer les esprits, fédérer les masses populaires autour d’évènements dont on se souviendra longtemps. Quel pouvait être l’effet de combats de gladiateurs sur les spectateurs ? Peu de doute qu’à l’époque nous y serions allés pour voir...

On y donne aujourd’hui concerts et spectacles historiques. Autre temps autre mœurs. Mais toujours ce besoin de vibrer ensemble.

 

 

 

 

 

 

mardi 3 août 2021

Les beaux bivouacs de Gemini

Certains rêvent de résidence secondaire dans un lieu paradisiaque. On peut les comprendre et même les envier. Mais aussi agréable soient-ils, de tels lieux de villégiature ne seraient-ils pas un fil à la patte où, certes il fait bon aller se reposer dans une cadre idyllique, mais en se privant des beautés du vaste monde ?

Depuis des années nous nous sommes dit que le jour où nous pourrions le faire, plutôt qu’une maison secondaire, ce serait plutôt une tiny house à roulettes, véhicule de voyage capable de sortir des sentiers battus pour nous transporter vers les plus beaux endroits de la terre. Un camping-car ? Pas vraiment. Plutôt un camion léger, tout terrain, aménagé pour le voyage et capable d’aller partout, ou presque. Confinement aidant nous avons franchi le pas avec l’acquisition de notre « Gemini », en hommage aux petites capsules spatiales des pionniers de l’espace Américain dans les années 60. Pour ceux que cela intéresse, un sprinter Mercedes 4x4, boite auto avec réducteur, aménagé par Hymer, et éguipé des dernières interfaces multimédias. Le détail qui tue : en plus du lit permanent à l’arrière, le toit relevable offre un deuxième couchage XL. On ne va pas vous mentir, c’est une merveille.

Nos premiers tours de roue nous conduisent vers les grands espaces du Massif-Central puis de la Lozère sauvage. En fin de journée, la lumière chaude et rasante donne aux cônes parfait des volcans éteints de la Chaine des Puys des allures de Jurassic Park. Ne manquerait plus que de croiser quelques dinosaures pour qu’au voyage s’ajoute une dimension extra-temporelle.

Parce qu’ici la vue est parfaite, on s’arrête bivouaquer sur une prairie au bord de la départementale sur les pentes de la Banne d’Ordanche. Et c’est comme si la perspective s’étirant sur des dizaines de kilomètres élevait l’esprit. Au petit matin on enfile les chaussures de rando, les sacs à dos, et partons randonner un peu au hasard sur les hauts plateaux que l’herbe ondulante décore en plaines Mongols. L’imagination se laisse porter. Le voyage prend alors sa vraie dimension. 

Avec plaisir nous retrouvons notre Gemini.

Et maintenant, on va où ?

-       La Lozère, ça te dit ?

-       C’est sauvage...

-       Ben oui. Justement.

Et l’on se laisse transporter par la route. Prendre les départementales pour ne surtout pas éviter les villages de cette France « profonde » où il fait bon s’arrêter. Prendre un café au troquet hors d’âge de la place de l’église et acheter le pain frais à la seule boulangerie où la patronne rondelette vous accueille derrière son comptoir en bois ciré.

La réserve naturelle des Cévennes autour du Mont Lozère n’a rien à envier aux parcs naturels Américains. Les paysages lunaires des grands causses à l’origine de bien des légendes et où sévit la bête du Gévaudan sont à couper le souffle. Nous empruntons les pistes autorisées d’abord larges et roulantes avant qu’elles ne se dégradent en étroits chemins caillouteux. Gemini fait des merveilles, confirmant son pédigrée de véhicule d’expéditions au potentiel hors du commun. S’arrêter ici, remettre les chaussures pour rejoindre le Pic Cassini orné de se son cône géodésique et y pique-niquer sans parler, les yeux perdus dans l’immensité du paysage...


Sur les traces de Stevenson, nous poursuivons notre pérégrination le nez au vent au gré des beaux itinéraires proposés par la carte Michelin au 1/250 000ème. Choisir les plus petites routes vertes au creux des gorges, ou vers les cols les plus élevés. On tourne un peu en rond, mais on s’en fiche. Peu importe la destination. Seul le voyage compte. Plaisir de se déplacer dans des paysages somptueux, découvrir des villages isolés où le temps semble s’être arrêté, puis choisir un beau bivouac en pleine nature pour la nuit.

Ah, si seulement la vie pouvait être aussi simple.

 

dimanche 18 juillet 2021

Persona non grata

18 mois que je n’avais plus pris de vol intercontinental. Je ne me souviens pas avoir connu une période aussi longue, tant les voyages au long cours ont rythmé mes 20 dernières années. Pas un mois sans voyage au service du développement de notre groupe. Sans compter ceux entrepris avec notre famille pour découvrir le monde autrement. Et soudain tout cela s’est arrêté. L’alerte SRAS en Chine fin 2019. Une de plus. Elle ne devait durer qu’un hiver comme toutes les précédentes. Mais il y avait un truc qui clochait : les moyens déployés par les autorités chinoises pour contenir les contaminations. Rien à voir avec les cas précédents. A se demander si tout cela était bien normal. Savaient-ils quelque chose que nous ignorions ? Puis l’explosion des contaminations de par le monde.

Fin Janvier 2020 je rentre des Etats-Unis. Déjà les premiers masques font leur apparition dans les avions et les aéroports. Rien d’obligatoire. On en sourit, se moquant un peu de ceux atteints par une psychose relayée par les réseaux sociaux.

Puis le monde s’arrête avec les premiers confinements dans les pays occidentaux. Bien sûr la Chine l’avait déjà fait. Mais c’était la Chine. Alors on ne savait trop que penser. Cela aurait pourtant dû nous mettre la puce à l’oreille. Puis successivement les pays Européens s’y mettent, affolés par tous ces morts et l’encombrement des hôpitaux. Sidérés nous rentrons dans nos « cabanes ». Période extraordinaire qui ne saurait durer. Fin du premier confinement où l’on se dit que tout va redevenir comme avant. Mais ça recommence. Puis encore. Comme une crise qui n’en finit pas finir et bouleverse le monde.

Pendant cette période inédite, nos entreprises s’adaptent comme elles le peuvent. Il y a ceux qui n’ont pas d’autre choix que de venir travailler tous les jours sur les sites de production. Comment pourrait-il en être autrement ? Et les autres que l’on met en télétravail. Au moins ils seront en sécurité pense-t-on. Sans doute. Mais lorsque tout se mélange – vie professionnelle, personnelle, familiales, au même endroit et en même temps – il y a de quoi en perdre un peu les pédales. On s’organise, s’habitue, entrant dans une nouvelle routine à la dimension professionnelle digitalisée (le monde d’après), au rythme de réunions « Teams » calée au millimètre, certes efficaces mais déshumanisées.

Et avec les clients c’est pareil. Par le force des choses...

Arrivent les vaccins. Ca y est ! Nous allons pouvoir en sortir si chacun veut bien jouer le jeu. Même si cela n’a rien d’une partie de plaisir que de se battre contre un virus avec des moyens efficaces ayant permis d’éradiquer tant de maladies infectieuses. Mais la société moderne est amnésique. En tout cas certains. Ceux qui égoïstement, au nom de je ne sais quelle liberté individuelle, pensent pouvoir s’en passer. Bien sûr qu’ils le peuvent si la très grande majorité des autres jouent le jeu. On marche sur la tête de ne pas rendre la vaccination simplement obligatoire. Pas encore...

Heureusement, le mouvement est en marche. Et le contexte sanitaire, bien que toujours sensible, s’améliore. Alors il faut bien finir par sortir de nos « cabanes », enfin. Et pour ce qui me concerne aller revoir pour de vrai les équipes de par de monde, ainsi que des contacts professionnels importants.

Se reprojeter comme dans la vie d’avant où la présence physique aidait à mieux faire avancer les choses. Mais n’y sommes-nous pas arrivés aussi pendant cette période ? Et cela a permis de bien réduire les frais de déplacement. Sans compter la petite musique de l’empreinte carbone que l’on nous joue maintenant en permanence. Alors pourquoi faire l’effort de sortir de cette nouvelle zone de confort que l’on s’est créé, forcés par ce contexte extraordinaire ? 

Hauts les cœurs : un grand coup de pied aux fesses pour repartir en campagne vers les Amériques. Retrouver l’ambiance unique des aéroports, le plaisir de voir la terre depuis le ciel, passer dans les hôtels des nuits de jet lag où l’on se réveille l’horloge interne totalement déréglée, manger les cuisines du monde, et surtout s’assoir pour échanger avec les gens.

L’appréhension passée, cela avait plutôt bien démarré. Heureusement que l’on retrouve vite ses marques. Jusqu’à ce vol de Mexico City vers San Antonio (Texas – USA) où l’on me refuse l’embarquement – malgré mes 2 doses de vaccin et 2 tests PCR négatifs les jours précédents – au motif qu’arrivant d’Europe, je n’avais pas passé 14 jours au Mexique, le temps d’une quarantaine théorique. On marche sur la tête ! Mais face au blocage du système, pas d’autre choix que d’écourter cette mission et rentrer à la maison prématurément.

Le monde ne (re)tourne pas encore très rond !

 

lundi 17 mai 2021

Forces telluriques

 
En cette saison, la vallée de La Loue a des allures de forêt primaire. La végétation luxuriante s’y épanouit dans une verdoyante surenchère. Pour se faire une place au soleil, les plus petites plantes colonisent les arbres aux branches recouvertes de mousses épaisses ou délicates. Magie d’un écosystème millénaire, parfaitement réglé, que nous pénétrons par un étroit sentier rocailleux.
 
Sous un ciel chargé, il ne pleut plus. Ou pas encore. En contre bas s’écoule la rivière dont nous remontons le lit à contre-courant. A notre gauche, au-dessus de la forêt, s’étirent les falaises calcaires. 
Au détour d’un méandre, Jean-Louis nous indique que nous sommes arrivés. 
-    Regardez tout là-haut, la petite cavité noire au-dessus des arbres. C’est de là que nous redescendrons en rappel. 
-       OK. Et nous y allons comment ? 
-       Par la Grotte Des Faux Monnayeurs que nous allons explorer. 
-       OK... 
Un peu plus loin, au bord du sentier, l’entrée de la vaste grotte s’ouvre sur le rocher. On y accède par une courte échelle métallique rouillée. 
La voute naturelle s’enfonce dans les ténèbres en un boyau plus étroit. Nous allumons les lampes de nos casques et nous enfonçons dans cette obscurité de catacombes. Avec prudence, nous avançons dans un environnement étrange inconnu de la plupart des humains. Les faisceaux lumineux de nos frontales étirent des ombres fantasmagoriques sur les parois de la caverne. Un instant je projette l’imaginaire de nos lointains ancêtres découvrant ces lieux, et souris à l’image d’Epinal de nos livres d’enfance où l’homme préhistorique habitait ces lieux. Comment si cela eut été possible ? Espace d’une obscurité absolue, humide et inconfortable, et de toute façon cette grotte est active (entendez par là inondable). Pour nos ancêtres, sans doute abritait elle les esprits. Quelques chamans téméraires s’y retrouvaient, accompagnées des premiers artistes pour, peut-être, inventer les religions. 
Par une sorte de connexion avec la terre, serions-nous aussi touchés par l’énergie du lieu ? 
Nous poursuivons notre progression... 
Cachée derrière une concrétion, une chauve-souris dort la tête à l’envers. Puis, fixée dans un recoin de la paroi rocheuse, une improbable plaque mortuaire en hommage à Guy, décédé ici il y a longtemps, égaré dans les ténèbres. Pour une minute nous éteignons nos lampes et sombrons dans une obscurité totale. Un noir absolu, annihilant tout repère visuel et temporel. Nous sommes littéralement enterrés vivants. Imaginer l’errance de ce gars, des jours durant sans plus aucun autre repère que sa conscience, et la souffrance de son agonie, prostré, me glace le sang.
 
Nous rallumons nos lampes et poursuivons notre avancée en rampant dans l’étroit boyau. Serait-ce un trait de lumière que nous apercevons ? 
Devant nous la sortie. Nous débouchons sur un petit balcon à flanc de falaise. Trente-cinq mètres de verticalité jusqu’au tapis d’humus de la forêt.

Nous allons descendre en rappel. Jean-Louis prépare l’équipement de cordage tandis que nous enfilons les baudriers. Peu de mots échangés et beaucoup de concentration pour ne pas faire de bêtises. « Safety first ! » Seul bruit artificiel dans cette nature sauvage, le rassurant cliquetis des mousquetons. Inutile d’en rajouter. Rien d’autre à faire que de nous adapter à cet environnement préservé. Nous ne sommes que de modestes et fragiles visiteurs de passage. 
Toutes vérifications faites, Jean-Louis s’engage le premier, puis Flo, tout sourire, avant que Didier et moi ne l’imitions. 
La sensation de descente accroché à un fil d’araignée est toujours magique. Où l’on éprouve d’une manière unique la 3ème dimension, dans une sorte d’apesanteur éphémère dont l’un des maîtres mots est confiance : confiance en soi, en ses équipiers, en le matériel. 
Et déjà c’est fini.  
 
Tout juste sortis des entrailles de la terre, nous retrouvons le rassurant sous-bois et poursuivons notre remontée du cours du Pontet. Le roulement de l’eau distille sa petite musique apaisante, tandis qu’en cette mi-journée gazouillent les oiseaux. Fermer les yeux et l’on croit entendre l’enregistrement d’une musique Zen, sauf qu’ici l’immersion est réelle et totale. 

Puis la musique devient plus grave. Presque rauque. Et le sentier débouche sur une vaste cavité au pied de la falaise d’où jaillit la rivière toute entière dans un festival de gerbes d’eau. Sorte de feu d’artifice aquatique sortant de la gueule grande ouverte d’un dragon cracheur d’eau. L’impression de puissance est unique. L’air et la terre vibrent à l’unisson de cette dynamique naturelle, alliances de forces telluriques réunies à cet endroit singulier où l’on se sent vraiment connecté avec elles. L’instant est juste parfait. De ceux que l’on aimerait immortaliser pour venir y puiser de temps en temps un peu d’énergie vitale, loin du tumulte des activités humaines sous la pression constante du résultat. 

Ici tout n’est qu’équilibre brut. Laisser faire les choses de la nature et en apprécier la beauté.
 
 

dimanche 3 janvier 2021

2021 vers un Monde Nouveau

Un an que le Covid a commencé à chambouler nos vies et nos entreprises. Inimaginable scenario qui n’en finit pas de finir. Et pas besoin d’être un grand devin pour parier que nous en tenons encore pour des mois, jusqu’à ce que la vaccination massive permette d’endiguer, enfin, la maladie. C’est long, difficile, stressant comme peut l’être une grande crise, de celles qui ont transformé le monde.
Nos parents et grands-parents ont vécu les 30 glorieuses, période de croissance ininterrompue au sortir de la deuxième guerre mondiale. Tout semblait alors possible. Les progrès technologiques, économiques, et sociaux, ouvraient des perspectives dont nous bénéficions tous aujourd’hui. N’en déplaise aux grincheux qui pensent que le monde va plus mal qu’avant. Mais c’était quand avant ?
Que nous réserve donc l’avenir quand la page Covid sera tournée ? (Gageons que ce soit le cas avant l’hiver 2021...)
Nous retrouverons le plaisir du vivre ensemble, des relations sociales sans plus de distanciation, de nous embrasser ! Cette chaleur humaine qui nous relie et qui fait la beauté de notre espèce.
Nous retournerons vibrer dans les lieux de cultures, y redécouvrir les émotions de la beauté crée par ces artistes qui nous font grandir.
Nous ferons peut-être d’avantage attention aux autres en nous isolant avec un masque, en cas, par exemple, de symptômes grippaux.
Nous mangerons sans doute plus sainement, ayant retrouvé le goût des produits basiques à cuisiner dans les étals de nos magasins d’alimentation.
Nous continuerons d’acheter à distance, sur des plateformes donnant accès au plus grand marché du monde. Celles qui permettent aussi aux artisans et petits commerçants de livrer partout des clients qui ne les auraient jamais rencontrés autrement.
Le télétravail alterné deviendra la norme pour les métiers où c’est possible.
Nous voyagerons moins pour le travail et sans doute plus pour le plaisir. Les rendez-vous vidéo à distance, grâce à la magie et l’efficacité de leur instantanéité, auront remplacé une partie significative des déplacements professionnels.
L’astronomique dette de crise contractée par les états et les entreprises sera probablement repoussée à des horizons lointains les rendant quasi virtuelles.
Comme la productivité va faire un bond, à plus long terme nos enfants travailleront moins, et je parie que le 4 jours par semaine deviendra un jour la règle.

Bref, il ne fait aucun doute que le monde sera meilleur si, en 2021, nous continuons à nous adapter, faisant preuve à la fois d’ouverture d’esprit, d’agilité, et d’endurance, nécessaires à cette transformation.
 
Très belle année à tous !