vendredi 17 septembre 2010

God save the Queen

Se rendre en Angleterre à toujours quelque chose de délicieusement unique. Peut-être ce côté insulaire immergeant le visiteur dans un « monde à part », savoureux mélange de conservatisme et modernisme, comme si le temps avait fait ici des impasses, passant sans transition d’une époque à l’autre, cultivant comme un art de vivre unique quelques traditions séculaires au goût exquis.

Encore faut-il s’y rendre : arrivée tardive sur Birmingham après une connexion ratée à Amsterdam. Pas cool, mais pas le choix !
Avant l’atterrissage, magnifique mais turbulente longue finale sur la ville éclairée telle des guirlandes Noël entremêlées, s'étirant du centre historique jusqu’en périphérie, déroulées au fil d’une histoire millénaire, et diffusant une douce lumière orangées entre quelques nuages bas d’un noir d’encre.

Il est 23 heures lorsque je rejoints l’hôtel « White House ». J’étais sensé participer au dîner de gala avant la conférence du lendemain, et mes hôtes en tenues de circonstance, robe de soirée aux teintes improbables pour les Dames et costumes stricts pour les Messieurs, sirotent à cette heure déjà avancée bières et whiskies autour du bar dans une joyeuse ambiance un peu guindée.
Tim m’accueille chaleureusement avant de me présenter à la société : poignées de mains cordiales des hommes et sourires entendue des Dames. Il faut dire que le french accent fait toujours ici son petit effet. Pour comprendre il n’a y qu’à regarder nos épouses échangeant quelques mots avec un Italien…
Je ne m’éternise pas, il s’agit demain d’être à la hauteur pour l’ouverture de la conférence, et prends donc rapidement possession de « la Suite Kennedy » qui m’a été réservée pour la nuit. En fait de suite il ne s’agit que d’une simple chambre, certes assez vaste, sur la porte de laquelle a pompeusement été fixée une plaque de cuivre un rien prétentieuse.

Par acquis de conscience, incroyable mais vrai, je repasse pour demain la chemise blanche pliée au fond de mon sac avant de sombrer sans plus attendre dans les bras de Morphée.

Au petit déjeuner je retrouve Tim heureusement en tenue plus décontractée que la veille. Ma chemise repassée suffira donc.
Tea, bacon & egg with toasts évidemment. Nous sommes ici au cœur de l’Angleterre comme l’indique fièrement l’affiche dans le lobby de l’hôtel montrant patrimoine et productions locales : châteaux médiévaux, productions agricoles, Land-Rover et Jaquar. Si les premiers appartiennent à jamais à l’Angleterre, les secondes sont maintenant détenues par quelques grands groupes industriels issus de l’empire des Indes... Les temps changes, mais ça n’a ici aucune espèce d’importance.

Dans l’amphi de l’université où se déroule la conférence, Tim fait l’introduction, puis me passe la parole.
Toujours impressionnant de démarrer un topo en langue Anglaise devant une assemblée de 200 personnes dont c’est la langue maternelle. Pas vraiment le trac, juste un instant de tension en démarrant ma présentation bien rodée et soutenue par un diaporama Power Point de qualité. Dans mon anglais tellement frenchie une nouvelle fois je fais passer mon enthousiasme sur le développement de notre projet d’entreprise avec énergie et bonne humeur. Je sais déjà que ça va marcher. A force de travail et d’expérience je maîtrise parfaitement l’exercice, moment un peu excitant où l’on se prend un instant pour un show-man. Mais rien n’est plus facile que de « dire la messe », et là n’est pas l’essentiel, même s’il est parfois intéressant de remettre les choses en perspective pour se redonner du cœur à l’ouvrage. Le plus difficile n’est pas de dire, mais bien de faire avec cohérence, persévérance, courage, dans la durée. Un entrepreneur est un marathonien de la vie économique et du management des hommes au quotidien : chaque jour remettre sur le métier les fondamentaux, malgré les stress, les angoisses, les humeurs, les agressions extérieures.
45 minutes plus tard je conclus mon exposé sous les applaudissements après avoir répondu à une salve de questions. Mission accomplie ! Je sais que cela ne restera pas sans suite, impression confirmée pendant le tea break tellement British où commentaires et échanges de cartes de visite vont bon train.

Très vite je saute dans un taxi pour l’aéroport. Un peu stressé par mon horaire, dans un trafic dense, le chauffeur slalome entre les camions sous des hallebardes de pluies. Tandis que la radio joue un tube de U2 nous arrivons finalement au terminal 1 un peu en avance .

Dans le salon d’attente ou je bois un Coca Light avant l’embarquement, BBC News diffuse un reportage sur l’expulsion des Roms en France. Pas toujours fier d’être français.

dimanche 12 septembre 2010

J-27 avant une nouvelle déambulation Saharienne

Dans 27 jours exactement, nouveau départ pour 2 semaines de totale liberté, en moto vers les grands espaces sahariens du sud Marocain. Pas une course, juste une navigation sportive que nous espérons belle, au gré de rencontres inattendues dans des paysages à couper le souffle et des espaces infinis, navigant avec modestie au cœur d’une nature exceptionnelle.

Après un tour du monde et plus de 100 000 kms au compteur, Didier repart avec sa toujours vaillante « Africa’Did ». Quant à moi ce sera cette fois-ci avec une vénérable Yamaha 600 Ténéré qui attend depuis plus de 20 ans l’opportunité de rouler sur les pistes qui l’ont fait naître à la grande époque du Paris-Dakar.
Un peu blasé de moto, D’jo ne sera pas en reste, partant avec un robuste Nissan Patrol équipé de tout le confort moderne. De la ligné de ceux qu’utilisaient les douaniers Algériens et qui nous faisaient tellement rêver, à l’époque ou nous partions faire la grande traversée du Sahara par l’Algérie jusqu’en Afrique noire à bord d’improbable guimbardes hors d’âge.

En révisant cet après-midi les ckeck-listes, plus que 2 ou 3 détails à ne pas oublier et « ça d'vrait l’faire ».
Habitués de ce genre de navigation au long court, nous sommes assez au point sur la nécessaire préparation : ni trop, ni trop peu, sachant qu’en moto poids et volume sont nécessairement limités. Tout doit tenir dans 2 petites valises latérales et un top case. Voyager léger garantit l’agilité, ménage la mécanique et limite les risques de chute. Que des avantages.

Une nouvelle fois nous vous ferons vivre en direct nos pérégrinations, espérant partager quelques beaux moments de plaisir.

D’ici là restez sur le blog : un saut express en Angleterre pour un topo sur la génétique animale devant quelques sujets des filières de production porcine de sa gracieuse Majesté... et un voyage au Brésil vous attendent.

A très vite.

samedi 4 septembre 2010

Même pas mal !

Ciel étrangement lourd sur Qingdao. D’un gris menaçant, la masse nuageuse compacte dessine d’énormes arabesques comme des coulées de lave refroidies, recouvrant la ville d’une sinistre chape de plomb qui ne dit rien de bon qui vaille. Comme si le diable en personne jouait avec les éléments.
Sur la plage le sable a pris l’allure de la cendre, tandis que la mer d’huile devenue pétrole semble s’engluer dans d’épaisses et lentes ondulations que la moindre étincelle pourrait faire exploser.
Deux typhons ont rasé la côte ces derniers jours avant l’aller se dégonfler dans la Mer de Chine, et l’on en annonce un troisième pour cette nuit. Le calme avant la tempête…
Il est 19h. Dans cette atmosphère pesante, un vieux bonhomme s’affaire au bord de l’eau. Il fait déjà nuit noire et je ne parviens pas à distinguer ce dont il s’agit. Un petit garçon le rejoint. Intrigué et curieux je tente de comprendre. Sont-ils en train de pêcher ?
Par intermittence apparaît une lueur furtive. Puis un halo de lumière plus régulier éclaire leur petite activité, dessinant en contre jour de frêles silhouettes projetées sur la plage en ombres chinoises.
C’est alors que la lueur s’élève lentement dans le ciel d’encre, suivie par une autre quelques instants plus tard. Je m’approche doucement. Une troisième lueur s’élève encore avec grâce, petits ballons de papier de soie à l’intérieur desquels une bougie génère l’air chaud nécessaire à la sustentation. Instant de grâce absolue entre le vieux monsieur et le petit garçon dont le regard semble comme hypnotisé par l’envol de ces éphémères et frêles esquifs, poétique message de clémence adressé aux éléments.
Sous le charme je rentre à pied à mon hôtel.

Réveil programmé à 5h30, assis sur le lit je traite quelques e.mails avant d’adresser le compte rendu de suivi du rendez-vous de la journée à mes équipiers. Quelques pages de mon livre du moment : « La Marche dans la Ciel » d’Alexandre Poussin et Sylvain Tesson, puis je tente de m’endormir malgré un léger jet-lag.
Vers 3 heures du matin réveil en trombe… d’eau. Comme si des seaux entiers étaient projetés avec violence contre la fenêtre de ma chambre. Dix-sept étages plus bas, dans la rue les quelques arbres se tordent de douleurs tel des pantins désarticulés sous les coups de boutoir des violentes bourrasques. Un parasol en liberté traverse l’avenue du front de mer et quelques poubelles roulent toutes seules. Le typhon est effectivement dans les parages… Un instant je pense à mon vol du lendemain avant de me rendormir.
5h30, réveil avec « du shampoing plein les yeux ». Dehors les éléments semblent s’être un peu calmés, même s’il pleut toujours sans discontinuer sous quelques rafales. Merde, pas possible de sortir courir ce matin. Je me rabats sur quelques exercices d’étirement et de musculation en regardant les informations à la télé. CCTV locale titre sur le typhon qui a léché les cotes Chinoises avant d’aller se déchainer en Corée où les dégâts sont semble t-ils importants. Cette fois-ci même pas mal pour les Chinois. Il faut dire qu’ils ont eu leurs lots de désastres ces dernières semaines suite aux pluies diluviennes dans plusieurs provinces.



9h aéroport de Qingdao : du fait des mauvaises conditions météo une voix criarde répète en boucle que mon vol vers pékins est décalé de 9h55 à 11h50. Du coup pas sûr du tout de pouvoir attraper la connexion pour Paris ! Pas cool mais inutile de s’agacer il n’y rien à faire…

Arrivée à Pékin : juste trente minutes pour le transfert vers la zone internationale. Ca va être très chaud !
Sortie rapide de l’avion en poussant quelque peu les autres passagers Chinois, mais ils ont l’habitude…, puis sprint avec sac à dos et valise à roulettes jusqu’au train automatique vers terminal 3. Par chance les portes se ferment juste derrière moi. Reste à passer la douane. Pourvu qu’il n’y ait pas la queue. Une dizaine de comptoirs sont ouverts. Je vise la file à priori la moins chargée et m’excuse en passant devant tout le monde. Plus que 17 minutes avant le décollage et il me reste encore la sécurité à passer. Même scénario : la file à priori la moins chargée, puis passage devant tout le monde. Il me faut maintenant rejoindre la porte E58. Zut c’est à l’autre bout du terminal qui n’en finit pas. Plus que 14 minutes. Je cours comme un fugitif poursuivi par je sais quel Alien menaçant et aperçois enfin la porte d'embarquement. Plus personne ne semble attendre. En nage, comme un compétiteur arrivant à un point de contrôle je claque mon boarding-pass sur le comptoir sous le regard ahuri de l’agent Air-China. Incrédule il scanne le document. Dans son regard de Ninja, quelque chose ne semble alors pas tourner rond. Je jette un coup d’œil inquiet sur l’écran d’ordinateur ou clignote la mention « delete » (annulé). Je proteste alors fermement en lui demandant s’il reste de la place dans l’avion. Un coup de fil, deux coups de fil, 3 coups de fil puis un bus finit par me prendre. Je suis seul à bord…
Siège 41C (place couloir pour ma grande carcasse) est indiqué sur mon boarding-Pass. En montant l’échelle d’accès à l’Airbus 340 j’ai le pressentiment que le siège est déjà occupé. Pas manqué. Une jeune fille Chinoise est déjà installée, avec le même ticket. Un steward s’enquiert alors de la situation et, fort courtoisement… déplace la jeune fille en 38 E ! J’avoue avoir un peu honte, mais n’ai pas insisté pour me retrouver en milieu de rangée. De toute façon elle avait les jambes bien plus courtes que moi, alors… Bon je sais, c’est pas très classe.

Nous décollons à 14h locale avec un petit de retard. Relax, je suis à bord et normalement dans une 15aine heures à la maison.