samedi 28 mai 2011

American paradoxe

Aéroport d’Atlanta, en attente devant le tapis automatique de sortie des bagages du vol en provenance de Paris, je croise le regard d’une femme déjà âgée mais encore pleine de charme. Ce visage souriant aux jolies rides d’expressions me dit quelque chose. Cheveux courts châtains clairs savamment ébouriffé, yeux cachés derrières une paire de lunette légèrement fumée… Jane Fonda. Nous sommes Lundi et c’était hier la clôture du festival de Canne. Elle rentre à la maison et je vais vendre de poulets. Chacun son business.

Le sud des Etats-Unis a parfois quelque chose de nostalgique. Campagne tranquille où les « farmers » survivent sur des fermes modestes de polyculture-élevage : granges hors d’âge devant lesquelles pourrissent vieux matériels agricoles et carcasses de voitures rouillées.
De part et d’autre de grandes avenues qu'il est "impossible" de traverser à pied tant elles sont larges, les petites villes concentrent les commodités d’usage : bars, motels, super-store, banques, fast-food, églises et stations service ; ambiance très seventies.
13h, nous stoppons sur le parking du « Wooden spoon » (cuillère de bois) entre vieux pick-up et énormes trailers, semi remorques sillonnant les Etats-Unis de part en part pour acheminer le fret sur ce territoire immense.
Devant le restaurant, bâtisse en bois défraichis, une petite terrasse du même acabit sur laquelle sont exposés toute une série de barbecues en fer forgé massif ; de quoi faire griller en même temps toutes les côtes d’un bœuf.
En entrant une jeune femme souriante, fine (ici ça se remarque), habillée d’une sobre robe à la mode 19ème siècle, type européenne du nord, cheveux tirés en arrière mis en chignons sous une petite coiffe en dentelle nous accueille. La salle à manger est bondée, client attablés autour de solides tables de bois massif et assis sur de rustiques chaises au format XXL permettant d’accueillir des postérieurs au même standard.
Demandant notre nom la jeune femme l’inscrit sur la liste des entrées en attendant qu’une table se libère. Incongru : elle porte des Nike de couleur verte assorties à sa robe façon Madame Ingalls dans "La petite maison dans la prairie".
Nous sommes chez les Nennonites, petite communauté chrétienne anabaptiste traditionaliste exilée de Hollande, proches des Amish, qui au 21ème siècle vivent encore selon des principes simples, vieux de plus de deux siècles, dont certains se traduisent par le refus de progrès techniques tels que la voiture (ils se déplacent encore en carriole à cheval), l’électricité non utilisée à la maison, ou encore la mode vestimentaire figée telle qu’elle était il y 200 ans. Drôle d’ambiance dans cette Amérique profonde ou deux mondes se côtoient comme si de rien n’était, illustration parfaite des valeurs profondes de liberté et de tolérance de ce grand pays aux paradoxes parfois surprenants.
Une fois n’est pas coutume, la nourriture est réellement délicieuse, cuisine paysanne simple aux proportions raisonnables : poulet grillé, quelques légumes verts et bien sûr l’inévitable purée, suivis d’un dessert à tomber par terre : crumble de fruit rouge à la crème. Je ne vous dit que ça… Même aux USA la tradition à parfois du bon, et vu l’affluence les clients ne s’y sont pas trompés.

samedi 14 mai 2011

"La France d'ailleurs"

Il s’agit d’un petit morceau d’hexagone comme sortie d’un autre temps où quelques « notables » portent la voix de la France façon grand siècle.
Ne vous y trompez pas, je parle ici de gens tout à fait charmants et même de bonne volonté, certainement issus des meilleures écoles d’administration françaises – il faut bien reconnaitre que là au moins nous sommes très forts – et que l’on a chargé de représenter les intérêts du pays, servir les ressortissants et promouvoir les intérêts commerciaux, via je cite : « le dernier des grands réseaux consulaires au monde, Monsieur ».
Aïe, aïe, aïe, typiquement français ce complexe de supériorité lorsqu’on essaie de faire valoir la Grandeur de la France dans des envolées lyriques quelque peu dépassées. Comme si « la grandeur » tenait plus du système que des résultats. On ne leur a sans doute pas bien expliqué. Et le problème c’est que la plupart d’entre eux ne semblent jamais avoir été confrontés à la réalité de la compétition économique internationale, comme s’ils habitaient un monde à part. Il y avait « la France d’en haut », « la France d’en bas », c’est un peu ici la France d’ailleurs…
… Et pendant ce temps les japonais et les Allemands travaillent de manière remarquablement efficace.

Mais revenons-en à notre petite histoire.

Consulat, consuls, ça vous dit ?
A ne pas confondre avec ambassade explique t-on. Tout de même, n’y aurait-il pas ici un peu double emploi ? Mais c’que j’en dis…
Imaginez donc une « petite » administration, disons plutôt moyenne, 150 personnes pas moins, confortablement installées dans de jolis bureaux au sommet d’une tour moderne du cœur d’une grande ville Chinoise, avec hygiaphone à l’accueil, comme à la SNCF, et vue imprenable sur la citée depuis le bureau panoramique du Consul Général, comme dans les films Américains ! Ca en jette lorsque vous venez exposer vos petites affaires.
On bavarde alors poliment autour d’un thé servi par de charmantes assistantes et évoquons les problèmes locaux en termes très diplomatiques. Et de se faire expliquer fort courtoisement que l’on a déjà parlé du sujet en question avec les autorités locales lors d’une réception officielle au cours de laquelle un courrier à été remis en main propre au ministre – rendez-vous compte – mais qu’il s’agit de faire bien attention de ne pas en faire trop pour ne pas choquer. A ce train là, sûr on n’est pas sorti de l’auberge, quand il faudrait parfois faire preuve – comment dire – d’un peu plus de « fighting spirit » comme diraient les anglais… Mais là nous risquerions d’aller trop loin en froissant nos interlocuteurs, alors qu’il est si confortable de rester bon amis pour le prochain dîner officiel.
On se quitte aimablement deux heures plus tard en se disant qu’on va se tenir informé de la suite… Tu parles.

En prenant l’ascenseur je ne peux m’empêcher de penser que c’est tout de même un peu nous qui entretenons cette petite société très policée de qui l’on serait légitimement en droit d’attendre plus, et qu’une nouvelle fois on va se débrouiller tout seul. J’aurais vraiment envie d’y retourner pour leur dire :
- Hé, les gars, sortez un peu de votre gentille torpeur. Le monde change !
Mais là franchement ce serait abuser.