dimanche 11 octobre 2015

Stockholm : Karolinska Institute



Voler vers les pays du nord a toujours quelque chose de Noël, association d’images subliminales – cercle polaire, rennes, forêts enneigées, aurores boréales, fjord enchanteurs – le regard aimanté par la courbure du globe à travers le hublot du 737.
Protégée de la mer Baltique par un chapelet d’îles, Stockholm a je ne sais quoi d’un autre temps. Ville proprette aux façades cossues bordant des rues pavées striées des scintillants rails de tramway. Le port abrite de superbes vielles coques en bois, voiliers ou steamer aux cuivres rutilants tout droit sortis d’un album de Tintin, dont certain semblent habités.
Ici les gens cultivent un certain art de vivre, mélange de rigueur et de cocooning derrière des fenêtres sans rideau diffusant une vraie chaleur humaine.
Nombreux sont les joggers matinaux en cette saison, l’été Indien et ses arbres rougeoyants, avant que les rigueurs de l’hiver ne mettent le pays en mode hibernation.
Derrière moi, sur l’allée, les crissements de graviers d’une petite foulée à la fréquence rapide qui s’approche rapidement. Elle va me rejoindre. Je parie sur une femme. Dans le mille, un petit bout de femme légère comme une gazelle me dépasse comme une flèche. Je ne cherche même pas à m’accrocher en me disant qu’il en aurait sans doute été autrement quelques années plus tôt. Le temps fait son œuvre, le corps vieillit doucement tandis que l’esprit continue lui de progresser, accumulant l’expérience et les connaissances à l’école de la vie. Dommage que les deux courbes n’aillent pas dans le même sens, mais c’est le cycle naturel auquel nous n’échappons pas.
L’esprit divague, stimulé par les effets physiologiques de l’activité physique. Et c’est toujours un étonnement autant qu’un plaisir que de constater combien les situations compliquées s’éclairent alors. Nous formons un tout qu’il s’agit de cultiver autant que possible, dans une dynamique positive d’amélioration continue en jouant sur la plus large palette des potentiels que la nature nous a donné.
Nos amis Alex en Hans nous invitent à une visite du Karolinska Institute dont ils sont des éminences. Nous sommes ici dans l’un des Graals de la recherche médicale mondiale qui, notamment, décerne le prix Nobel de Médecine. Autant dire le must. Et c’est un privilège qui nous est offert après notre récente acquisition d’une unité de production de vaccin dans la banlieue de Stockholm.
Le bâtiment flambant neuf à façade de verre à facette inclinée domine les vieux labos, monuments historiques devenus images d’Epinal de la longue histoire scientifique de l’Institut. Nos hôtes nous font fièrement découvrir les infrastructures modernes de l’institution, non sans un petit détour par la galerie de portraits des sommités ornant un couloir des Grands Hommes. L’un d’entre eux y est déjà de se son vivant.
Puis c’est l’heure du dîner dans l’une des bâtisses historiques à l’ombre de l’impressionnante façade. On y entre par une modeste porte de bois cirée. L’atmosphère surannée est délicieusement empreinte de l’âme des aïeuls, Louis Pasteur ou Pierre et Marie Curie locales.
La table est dressées dans une salle sombre au plafond bas faiblement éclairée de quelques candélabres faisant danser les ombres sur les murs ornés de tableaux anciens. Une petite cheminée diffuse une douce chaleur. 
La partie informelle du Conseil d’Administration peut démarrer, toute aussi importante que la réunion formelle de la journée. Pas encore le moment de relâcher l’attention.




samedi 3 octobre 2015

Nourrir la planète



Franchissant les Alpes dans l’air calme du petit matin, le Focker 100 élimé de Carpatair, improbable compagnie low cost Roumaine, se laisse glisser vers la plaine du Pô pour se poser sur l’aéroport de Milan Malpensa sous un ciel radieux. Voyager vers le sud est souvent l’occasion de prolonger les belles saisons, et ce 25 septembre ne fait pas exception.
Nous suivons un groupe de la Chambre d’Agriculture de Maine et Loire et de la coopérative Terrena, pour une découverte de l’expo Universelle de Milan au thème prometteur : « Nourrir la Planète, Energie pour la Vie. »
Aucune prise de tête, juste à suivre le troupeau ; tout ce que j’aime... Mais pour une fois, pourquoi ne pas se laisser porter. Suivons donc la gentille organisatrice vers le bus mis à notre disposition, et en route casse-croute !
Roulez dans la plaine lombarde et la prospérité de cette Italie du nord vous saute aux yeux : infrastructures modernes, agriculture rationnelle, nombreuses entreprises regroupées en zones industrielles de bonne tenue.
L’arrivée sur le parc de l’exposition n’a rien de très impressionnante, bien loin du gigantisme de Shanghai il y a 4 ans. Nous sommes en Europe et sur un tout autre registre que celui de la démonstration de force, plus exactement de puissance de l’empire du milieu. Il doit être ici de question de « sustainability », terme intraduisible mêlant les notions de durabilité et pérennité souvent associées aux enjeux environnementaux.
Allons-y voir de plus près.
Le jeu consiste donc à suivre la dame arborant un bandana accroché au sommet d’une baguette télescopique. J’adore…
L’Expo est organisée le long d’une vaste avenue abritée sous des voiles tendues. De de part et d’autre s’étalent les pavillons de plus de 70 pays. Nous sommes conduits illico vers le salon du pavillon français pour café et discours d’accueil : ministre et dirigeants d’entreprises sponsors nous expliquent de manière un peu convenue le grand enjeu alimentaire pour une planète de bientôt 9 milliards d’humains avec comme leitmotiv, les gaspillages le long de la chaine alimentaire représentant le tiers de la production totale. Chiffre en effet insupportable et auquel il convient de s’attarder un peu. Car saviez-vous qu’en France plus de 40% de ces gaspillages le sont chez les ménages, chacun de nous, plus que dans l’industrie…
Allez, pas une minute à perdre, allons maintenant voir la manière dont il est question de ce grand enjeu dans les différents pavillons.
Le pavillon zéro retrace de manière idéalisée les progrès de l’humanité en matière de production agricole, pour terminer par une décharge de produits alimentaires. Franchement dire, la symbolique n’est pas terrible.
Puis nous filons vers les pays méditerranéens attirés par un titre prometteur autour de la gestion des ressources aquacoles. En fait rien d’autre que des petits films sur la pêche artisanale. Rien contre évidemment, mais ce n’est pas avec cela que l’on va répondre à l’enjeu globale de nourrir l’humanité. Petit détour vers le stand de la Colombie où l’on découvre une sympathique présentation promotionnelle d’un pays qui se revendique « heureux et chanceux », mais toujours rien sur le thème qui nous intéresse. Bien sûr l’Italie fait la promotion de sa gastronomie : légumes frais, traditionnelle charcuterie, pizza. Délicieux évidement. Parfait pour les Italiens et les visiteurs étrangers de passage, mais pas vraiment la solution pour nourrir la planète. Toujours à la recherche d’une vraie réponse aux enjeux alimentaires mondiaux, nous passons, sans nous y arrêter, devant le stand Mac Donalds connexe au pavillon US, puis continuons à déambuler entre les stands de cette grande foire mondiale où chacun fait, et c’est bien normal, le promotion de son pays à vrai dire sans réel fil conducteur. On y parle nature, culture, art de vivre, mais jamais vraiment de production agricole rationnelle, comme si l’enjeu alimentaire se résumait à de jolis paysages. Aucune mention aux indispensables productions intensives, encore moins animales. Comme si nous ne consommions que légumes et fruits issus de jardins d’Eden. Assez surréaliste tout de même. En désespoir de cause, retour vers le pavillon Français, « nous » qui nous revendiquons comme un grand pays agricole. Et là surprise. On y entre par un charmant jardin planté de salades et tomates, jusqu’à une jolie halle de marché en lamellé-collé sous laquelle sont suspendus casseroles et autres ustensiles de cuisines. Quelques « posters » expliquent de manière infantile la production agricole façon « Le Bonheur est dans le Prés ». Une animation tout de même, qui montre quelques poulets gambadant dans une verte prairie. Bucolique à souhait. Mais ce n’est tout de même pas comme cela que l’on va nourrir la planète dont la population croît au rythme de 220.000 personnes par jour. Il va bien falloir produire plus, beaucoup plus, d’aucuns diront de façon industrielle, ce terme prenant alors une connotation péjorative lorsqu’il s’agit de nourriture, alors que c’est pourtant de bien de cela dont s’agit, et que la production de masse peut aussi être rationnelle, de qualité, écologiquement raisonnée, responsable et durable ; en un mot «  sustainable ».

Alors pourquoi ne pas vouloir la montrer et même la promouvoir ?
Aurions-nous un problème avec la nourriture en ne voulant regarder que celle dont nous rêvons, des produits végétaux issus de jardins bucoliques, qui en réalité n’a que peu de chose à voir avec celle que nous mangeons réellement : des protéines animales issues d’animaux élevées dans des bâtiments, et végétales provenant de vastes surfaces agricoles mécanisées. Mais non, ce n’est pas ce dont le public veut entendre parler. Et pourtant, le génie de l’Homme lui a permis de devenir l’espèce « dominante » de notre petite planète par une approche rationnelle et de masse de la production agricole. Pourquoi la cacher ? Car nul doute que ce même génie nous permettra de trouver les bonnes solutions face aux nouveaux défis de l’alimentation durable qu’il s’agit simplement d’expliquer de manière réaliste.