mardi 7 avril 2015

Hong-Kong stars



« Toutes nos excuses M. Grimaud, mais un changement de dernière minute oblige notre Président à se rendre à Hong-Kong en urgence. Pouvons-nous organiser la rencontre là-bas, plutôt qu’à Bangkok comme initialement convenu ?
Signé S ».

Mince, pas d’autre choix que de s’adapter. Déjà en Asie, j’appelle Delphine qui recale aussitôt le programme pour Hong-Kong. Après tout, cela fait longtemps que je n’y suis pas allé…
L’atterrissage sur le nouvel aéroport n’a plus le charme d’antan, quand l’approche finale se faisait au-dessus de la ville, perpendiculairement à la piste, et qu’au dernier virage on avait l’impression que l’aile droite de l’appareil allait accrocher le linge étendu sur les terrasses des immeubles. On pose maintenant sur des pistes construites sur la mer au terme d’un impressionnant chantier de plusieurs années et qui, tout en ajoutant de la sécurité, avait permis de libérer de l’espace pour le développement urbain tentaculaire de l’ancienne enclave britannique dans l’empire du milieu.
De l’aéroport on prend un taxi rouge vers la ville que l’on découvre progressivement derrière quelques collines, avant que la ligne de ponts suspendus ne nous projette jusqu’à la baie, saisissante vision d’un immense lac couvert de cargos, et entouré de montagnes au pied desquelles pousse une forêt de gratte ciels dont les sommets se perdent dans la brume évanescentes de la fin d’après-midi.
Tandis que le soleil se couche, les étoiles urbaines s’allument progressivement pour former un halo scintillant de mille feux électriques réfléchis par la mer, comme un bijou dans un écrin.
Comment résister à une telle force d’attraction ? 
Peu de villes au monde distillent d’un coup d’œil une telle émotion visuelle : Manhattan vue depuis Ellis Island, San Francisco depuis l’autre côté du Golden Gate, la sky line de Shanghai depuis les rives de la mer de Chine... Sans doute ces images nous renvoient-elles une expression du génie humain, château de Blanche Neige pour adultes, eldorado artificiel aux allures de cités extraordinaires pleine de promesses.
En se rapprochant, les constructions prennent des allures de cathédrales, perspectives célestes jouant avec la lumière artificielle réfléchie en rayons multicolores par les façades de verre et d’acier entre lesquelles bourdonnent les hélicoptères des VIP. A se demander si tout cela est bien réel.
68ème étage : depuis le bureau transparent les perspectives s’inversent, belvédère artificiel et nouveau choc visuel, de ceux ressentis face à un paysage naturel exceptionnel. Sauf qu’ici tout a été façonné par la main de l’homme, grisante impression de puissance peut être propice au « business ».



vendredi 3 avril 2015

Un concert à la maison



Vienne est de ces villes Européennes que le reste du monde nous envie.
Y flâner est un peu comme se promener dans un musée à ciel ouvert où vivent les gens, et dont l’Histoire se lit sur les façades baroques longeant des rues aux noms romantiques.
Il n’y qu’à regarder ou écouter les touristes pour se rendre compte : les asiatiques sous le charme d’une architecture pour eux tellement exotique, les américains impressionnés par cet héritage de siècles d’histoire aux allures de super production Hollywoodienne.
Au terme d’une journée de travail, nous sommes invités pour un concert privé, sur semaine, au domicile de celui que nous nommerons Herbert Von Braun. A lui seul le nom en dit long sur la « noblesse » de ce personnage attachant, et haut en couleur, qui a fait fortune dans les biotech. Depuis il continue de travailler avec le même enthousiasme tout en profitant de son confort matériel.

Perchée sur les hauteurs de la ville, la maison de notre hôte en impose, grande bâtisse blanche et carrée, sur 3 niveaux, ornée de fenêtres symétriques encadrées de pierres taillées, dans le pure style empire sobre et imposant du début 19ème.
On y entre par une solide porte en bois donnant sur vestibule où, tout sourire, nous accueille notre hôte accompagné de son épouse ; puis sommes invités à rejoindre la bibliothèque, pièce carré de 50 m2 où s’entassent sur 2 murs complets des milliers de livres disposées sur étagères jusqu’au plafond perché à plus de 3,5 m. Une échelle de bois permet d’y accéder. Sous la fenêtre un bureau contemporain orné de quelques photos de familles encadrées. Une porte fenêtre grande ouverte donne sur un vaste salon organisé autour d’un superbe piano à queue. En enfilade la salle de séjour au milieu de laquelle est disposée une longue table de bois cirée. Au sol quelques beaux tapis finissent un ensemble agréable et chaleureux où se mêlent avec bon goût, style et culture. Pour l’occasion quelques dizaines de chaises dépareillées encombrent l’espace.
Tandis que les invités arrivent, nous dégustons d’excellents petits fours autour d’un verre de champagne tout en commentant la belle initiative d’Herbert.
Un tintement de verre appelle au silence. Notre hôte accueille ses invités avec un petit mot pour chacun, puis présente les deux jeunes musiciens qui vont jouer ce soir. Au programme quelques pièces de Bach et Mozart pour piano et violon. Chacun s’installe, le silence se fait, place à musique.
Si je reconnais volontiers ne pas être un grand mélomane, j’apprécie la musique classique, particulièrement baroque. Et c’est justement sur une pièce de ce style que démarrent nos instrumentistes.
Je n’avais jamais eu l’occasion d’entendre un concert en se trouvant si proche des musiciens : expérience à forte charge émotionnelle, un peu comme celle d’assister à un match de tennis où l’on ressent physiquement l’effort des sportifs. Ici les respirations prennent tout leur sens lorsqu’on perçoit celle des artistes entre deux mouvements, que directement liée à leurs gestes d’une virtuosité exceptionnelle, la musique envahit tout l’espace dans une seule et même vibration subjuguant le public.
Je regarde les visages des autres invités figés dans d’étonnantes expressions, comme suspendus à je ne sais quel haletant suspens, mélange d’émotions et de concentration.
Entre les mouvements chacun se retient d’applaudir pour ne pas perturber les artistes jusqu’à la fin de la pièce qui se conclue sous un tonnerre d’applaudissement, étrange contraste de ce bruit presque brutal éclaboussant l’espace encore submergé des notes subtiles de Bach.

Le concert se termine comme il a commencé, par un petit discours de notre hôte et remerciement chaleureux aux jeunes artistes « très prometteurs ». Sans doute le sont-ils.

Encore sous le charme je me retourne vers un collègue Américain tout sourire :
-       Simple question de culture Fred. Sûr que ça change de nos barbecues partis !
-       T’as raison, mais cela ne répond-t-il pas quand même aux mêmes objectifs ? Donner du plaisir et rapprocher les gens ?