samedi 24 mars 2012

En passant par Shaolin

 Pékin, Chengdu, Fuzhou, Shanghai... La Chine est un pays immense où les déplacements sont consommateurs de beaucoup de temps et d'énergie, comme peuvent l'être les voyages au Brésil ou encore en Russie, autres pays-continents. On travaille bien sûr, mais on prend aussi le temps de regarder, lire, dormir par petites séquences à la manière des navigateurs au long court, échanger avec ses compagnons de voyage sur la vie et la marche du monde. Le matin on a les yeux qui piquent quand le corps, bousculé par un réveil à contre horaire doit se mettre en marche pour rejoindre, à l'heure convenue, le premier rendez-vous du petit déjeuner.
Parfois difficile, c'est aussi un grand privilège que de parcourir ainsi monde, et croiser des situations inattendues.
Nous roulons sur une nationale dans la région de Putian, province du Fuzhian où est établie l'une de nos installations de multiplication de canard. Cette province borde la mer de Chine. Au large l'île de Taïwan. Nous roulons donc sur cette nationale, quittant les barres d'immeubles de la périphérie urbaine pour rejoindre la campagne verdoyante, paysages montagneux où les petites parcelles agricoles entourent de jolis villages ornés de spectaculaires portes d'entrée, portiques en pierres sculptés de dragons et autres animaux imaginaires ornés de peintures multicolores, sans aucun doute capables de repousser les plus mauvais esprits de la proximité des solides maisons faites de blocs de granit carrées pour résister aux violents assauts des typhons saisonniers.
Dans ces paysages tout droit sortis de l'imagerie traditionnelle chinoise, des petits paysans vaquent à leurs occupations agricoles, comme si, pour un temps encore, la modernité ne les avait pas atteint. Pour parfaire le tableau, des champs de colza en fleur colorent la campagne de leur jolie couleur jaune citron exhalant une odeur légèrement âcre si caractéristique. Au loin se dresse une étonnante pagode aux allures de clocher. Profitant de ces paysages bucoliques nous roulons tranquillement lorsqu'une indication mentionnant "Shaolin" m'interpelle. Je questionne Shuchen (le patron de nos opérations Chinoises) pour vérifier si je ne fais pas confusion, et qu'il s'agit bien du nom des fameux moines adeptes du Kung Fu ; ce qu'il me confirme. En fait s'est ici établit en 756 le deuxième monastère Shaolin parmi les cinq existants en Chine, à quelques kilomètres seulement de nos installations, ce que j'ignorais.
J’évoque alors les tournées spectaculaires et médiatiques de ces moines "sportifs" en Europe.
- Un business ! me répond Shuchen,
- Un peu comme le Dalaï Lama, ajoute t-il, un petit sourire amusé au coin des yeux.
Nous nous comprenons, ayant souvent débattu de la nature mercantile et peut-être intéressée des activités médiatiques de sa Sainteté... puis parlons des spectaculaires exercices des moines Shaolin, bris de briques avec la tête, le tranchant de la main ou encore la plante des pieds, avant d'évoquer des choses plus fines telle que l'équilibre sur la tête, bras le long du corps, maîtrise ultime de la kinesthésie que seuls quelques maîtres parviennent à réaliser.
Poursuivant notre débat nous en arrivons à échanger quelques opinions sur la légitimité de la formation des moinillons, point sur lequel je m'étonne toujours de l'indifférence générale au nom de la tolérance du Boudhisme - il n'y a qu'à écouter les commentaires acerbes sur l'enbrigadement des enfants dans les écoles coraniques - et d'imaginer qu'un enfant moine Boudhiste serait plus légitime, au nom de je ne sais quel apriori. Un enfant n'est-il pas toujours un enfant ? Mais ce que j'en dit...
Puis j'en arrive au mystère du soit disant légendaire pouvoir de lévitation des grands Maîtres.
- Ah que vous êtes parfois bien naïfs les occidentaux me rétorque spontanément Shuchen,
Avant d'ajouter :
- Vous prenez cela au pied de lettre. Mais c'est d'un état de grâce intérieur dont il s'agit, une élévation de l'âme, la légèreté de l'être. Rien de plus, mais rien de moins. N'est ce pas là l'essentiel ?

Il est parfois des nuances importantes qui méritent en effet d'être précisées à des esprits par trop rationnels.

samedi 3 mars 2012

88 cornichons !

Faire une petite escapade aux Pays Bas a toujours quelque chose de reposant, particulièrement lorsque l'on revient des hauts sommets - nous sommes ici au niveau de la mer - et même lorsqu'il s'agit de la formalisation d'un important accord commercial avec des Hollandais, parmi les plus redoutables commerçants au monde.
On dit que "les Hollandais ont trois mains". J'avoue humblement ne pas avoir réussi à saisir précisément le sens de la petite phrase autrement que par une attention particulière à développer lors de négociations avec nos voisins, dont le bras supplémentaire leur donnerait un avantage particulier... J'en vois qui rigolent. Toujours est-il qu'une négociation avec eux n'est jamais banal tant, au fil des générations, il a fallu de volonté et de créativité aux habitants de ce petit pays pour s'imposer comme incontournables sur la scène du commerce mondial. Alors respect et vigilance !

Ici tout est bien ordonné, propre, rangé, décoré : enfilades de petits pavillons contigus, nids douillets aux fenêtres sans rideau donnant aux quartiers une agréable impression de chaleur, magasins impeccablement tenus, pistes cyclables et parking à velos fonctionnels, et bien sûr les inévitables fleuristes au coin de la rue où, pour quelques Euros, on peut acheter à la volé un joli bouquet pour faire plaisir à un proche ou simplement égayer la maison, indéniable signe de finesse.
Il y a aussi ces créations originales d'architectes qui attirent l'oeil et égayent la ville : immeubles aux formes improbables, maisons multicolores, square décorés de sculptures contemporaines. Tout cela est joyeux et agréable.
Et tous ces gens d'origines multiples, dont beaucoup d'Asiatiques, vivant apparemment en bonne harmonie.

Mais dans ce tableau idyllique deux choses clochent :

Ecoutez des Hollandais parler entre eux. Essayez de comprendre quelque chose ou tout simplement de profiter de la petite musique de cette "étrange" langue gutturale. Et j'ai une pensée émues pour leurs bébés bercés par une mélodie verbale tenant plus du cor des Alpes que la musique baroque Italienne... Vous trouvez que j'exagère ? Et bien demandez à un Hollandais, ou mieux une Hollandaise, de vous dire dans sa langue "88 cornichons" et vous vous rendrez compte. Même si j'admets que l'utilisation de cette expression n'a rien de très commun... même auprès des enfants...

Dans un autre registre, comment un peuple si avancé a t-il pu développer ces chaussures "orthopédiques", ridicules pieds nus portés en toute saison sur des chaussettes par ces mêmes femmes blondes qui décorent avec tant de goût leur intérieur et se déplacent avec classe sur ces vélos à hauts guidons me faisant immanquablement penser à des cygnes glissant avec élégance sur les canaux des polders.
Il est vrai que c'est confortable pour les orteils, mais tout de même... J'avoue que quelque chose m'échappe totalement, admettant volontiers que cela tient surement à mon côte bien trop franchouillard.

Mais ne nous moquons pas trop. Nous avons tout de même drapeau ; dans l’autre sens...