Mesdames
et Messieurs, la durée de notre vol jusqu’à Dallas sera de 9 heures et 40
minutes, et nous devrions arriver au moment de l’éclipse solaire.
Mince !
Si j’avais réalisé, je serais parti un jour plus tôt pour profiter pleinement
de ce phénomène naturel exceptionnel. Observer une éclipse totale du soleil est
de ces évènements rares ponctuant une vie.
La
route de l’Atlantique Nord projette le 787 vers le Groenland et ses étendues
glacées, avant de redescendre vers le golfe du Mexique. Au-dessus de l’océan les
cumulus dessinent des moutons clairsemés dont les ombres se projettent comme sur
une pairie indigo. Puis en arrivant sur les terres américaines la couche nuageuse
se referme, recouvrant « La Terre des Hommes » de son immensité
immaculée. Vraiment pas de chance, au sol ils ne pourront pas profiter du spectacle.
Il
est 13h quand nous amorçons la descente vers Dallas. L’appareil vire doucement
à gauche. Tels des lasers, les rayons du soleil strient la cabine de leur
lumière inhabituellement dorée pour la mi-journée. Protégé par 2 paires de
lunettes de soleil, je jette un œil à travers le hublot. Déjà l’astre du jour
est légèrement occulté par un quartier de lune.
Nous
nous enfonçons dans la couche vaporeuse légèrement turbulente. Sortie des volets
et du train d’atterrissage. L’appareil devient moins agréable. Et tandis que la
lumière décline maintenant rapidement, nous posons dans une atmosphère crépusculaire.
Au roulage l’aéroport s’allume de mille feux. 13h30, l’appareil rejoint son
point de stationnement. Il fait quasiment nuit.
Je
suis à l’avant et sorts rapidement. Etrange impression confirmée par l’excitation
des passagers quelque peu perturbés par le phénomène. Inédit pour la plupart d’entre
eux.
La
passerelle mobile aboutit à un large couloir vitré orienté plein sud sur les pistes.
Tous feux allumés, le ballet des avions continue comme si de rien n’était. Machinalement
je lève les yeux au ciel comme je le fais à la maison à travers la bais vitrée
de la mezzanine pour ne jamais manquer les étoiles lors de mes sorties nocturnes
vers le lieu d’aisance…
A
la seconde même, une trouée dans la couche nuageuse laisse apparaître le flash du
premier rayon de soleil après le transit de la lune devant notre étoile, tandis
que sa couronne brille telle une chevelure dorée autour du disque noir. Est-ce
bien réel ? Je saisis mon appareil photo, le colle sur le vitrage, zoom un
peu au hasard, et lance une rafale de photos en m’exclamant d’émerveillement.
Quelques passagers se précipitent pour profiter du spectacle, mais déjà le rideau
se referme.
Quel
coup de chance extraordinaire !
Ai-je
bien vu ce que j’ai vu ?
Le
cœur battant j’ouvre la galerie d’image de mon smartphone et les fais défiler.
La plupart sont floues, sauf une. Je la grossis, la recadre une peu, elle est
juste parfaite. Instantané d’un instant rare et éphémère, le mardi 9 avril 2024
vers 13h40 à Dallas. La prochaine fois en France, ce sera le 3 septembre 2081. Pas
sûr d’être là.