lundi 29 août 2011

"La fleur de lotus vient au milieu de la boue"

Si vous êtes lecteur régulier de mes petites chroniques, peut-être vous souvenez-vous de celle titrée : « Ne jamais vendre la peau du panda… » (juin dernier), complainte du businessman embourbé dans des négociations chinoises qui semblaient ne jamais devoir aboutir.
Reprenons donc où nous en étions restés, disons au jogging de ce matin sous une pluie légère délicieusement tiède, agréable sensation de courir sous sa douche. Serait-ce un bon présage ?
Cela fait tout de même 2 jours que je suis là en embuscade, planqué dans l’hôtel à quelques centaines de mètres des bureaux de notre contact, près à sortir de ma boite pour essayer d’emballer l’affaire sitôt que Huang, mon coéquipier Chinois me fera signe. En attendant c’est lui qui bosse en face à face avec ses compatriotes selon les « coutumes » locales, échangeant seulement avec moi quelques SMS pour calibrer les termes finaux du contrat. Situation un peu surréaliste. Et à voir sa tête au retour des séances de discussion ça na pas l’air facile.

Nous en sommes maintenant au troisième et dernier jour. Aujourd’hui doit avoir lieu la rencontre décisive avec le Président de l’entreprise. Huang a prévenu :
- Soit nous signons, soit nous échouons définitivement !
Deux autres coéquipiers arrivent spécialement en renfort : un de Shanghai, l’autre de France.
Petit déjeuner de concertation avant le rendez-vous capital prévu à 10h.
9h55, coup de fil de nos interlocuteurs sur le portable de Huang. Ils veulent le revoir seul dans un premier temps. Soit ! Nous le laissons donc repartir seul à la bataille.
Je ronge mon frein installé dans la chambre à lire l’excellent bouquin de Nicholas Taleb « Le Cygne Noir » - sur la puissance de l’imprévisible - en espérant que le titre ne soit pas ici prémonitoire d’une nouvelle désillusion.
10h55, coup de fil de Huang :
- Vous pouvez venir.
Nous partons sans un mot vers le lieu du rendez vous situé au 3ème étage de l’immeuble au coin de la rue suivante.
Salutations chaleureuses suivies d’une tasse de thé. Tout de go on nous colle sous les yeux le contrat imprimé en anglais-chinois pour relecture. Deux petites corrections puis signature expresse ! Photo souvenir et sans plus attendre tout le monde dans le minibus vers le restaurant pour le déjeuner de clôture. Bien que stupéfaits nous sommes évidemment très heureux. Mais qu’avait-il bien pu ne pas marcher la dernière fois ?
- Rien, nous dit Huang. Le Président voulait juste ne pas aller trop vite et tester notre résistance et motivation.
Tu parles, cela faisait tout de même la 3ème fois que nous nous rencontrions. Il est parfois des subtilités qui m’échappent. Mais ne boutons pas notre plaisir.

Nous arrivons au restaurant pour un grand numéro :
Tout le monde est en joie. Connaissant assez bien les usages en de pareilles circonstances, je propose amicalement une règle du jeu prudente :
- Chers amis, pour cette occasion exceptionnelle, je porte un toast à notre nouveau partenariat sans aucun doute porteur d’avenir. Et d'ajouter avec humour : au fait, que diriez-vous qu’à cette occasion nous buvions tous la même chose et surtout au même rythme ? (ceci pour éviter que nos amis Chinois ne nous fasse boire à tour de rôle sans avoir eux-mêmes à accompagner systématiquement les toasts...)
Approbation générale dans une franche rigolade.
A peine installé le Président disparait, laissant ostensiblement ses clés et son portable à sa place. Je suis à droite de la place vide, David à gauche, tandis que nos collègues Chinois sont installés à suivre avec nos clients autour de la table ronde.
Alors que nous attendions du vin, on nous sert au raz bord un premier verre d’alcool de Lotus à 52°. Pas de ces petits verres à eau de vie généralement utilisés pour le digestif, mais un verre à eau. Et si la couleur peut faire illusion, les seules vapeurs suffisent à désinfecter l’atmosphère. Et on commence à trinquer dans un premier temps doucement en attendant le retour du Président. Nous en sommes à la moitié du deuxième verre lorsqu’un gars fait irruption dans la salle, l’air consterné, expliquant que le Président, retenu pour un instant dans une autre salle avec des officiels, a été contraint de faire cul-sec à un verre entier, et qu’indisposé par ce geste héroïque il n’était plus en mesure de nous rejoindre immédiatement… C’est cousus de fil blanc ; nous sommes piégés mais n’avons pas d’échappatoire. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur nous descendons le deuxième verre entre les plats qui arrivent sans discontinuer.
- Mange me dit David. Mange, ça aide à faire passer.
- Tu parles…
La température monte et nous sommes déjà « bien avancés » lorsque le Président revient dans la pièce, s’assoit frais comme un gardon, et fait resservir une tournée générale. Le bougre !
La suite est plus difficile, voire confuse : si je me souviens bien, à la tournée générale en a succédé une autre, puis nous sommes partis pour une petite marche digestive dans un jardin de lotus, un peu titubants, essayant tant bien que mal de ne pas tomber dans les bassins boueux où s’épanouissent ces fleurs magnifiques… Puis retour à l’hôtel, retrouvant le Vice Président, qui avait étrangement disparu, allongé de tout son long et dormant comme un bébé sur la banquette arrière du minibus… effort « surhumain » pour ne pas vomir pendant de trajet, avant que je ne m’effondre enfin sur le lit dans un état que je ne saurais décrire, perdu dans des vapeurs éthyliques nauséeuses.

« La fleur de Lotus vient au milieu de la boue » a dit un jour le poète Chinois.
Faisait-il allusion à la manière dont les plus belles affaires se traitent ici ?

vendredi 26 août 2011

Beer Festival à Qingdao

Sans doute y a-t-il quelques buveurs de bière réguliers dans les lecteurs assidus de mes petites chroniques. A ceux-là je suggère de ne pas poursuivre la lecture de celle-ci. Ils pourraient être déçus et ne plus revenir sur le blog. Ce qui serait dommage pour une simple histoire de bière, cas particulier dont il n’y a vraiment aucune raison de tirer de généralités. Quoi que…

L’action se déroule à Qingdao, sympathique cité balnéaire de 8 millions d’âmes sur la côte nord-est de la Chine donnant sur la Mer Jaune.
C’est encore l’été et dans la journée les familles en villégiature profitent des lieux dans une ambiance bonne enfant.
On s’étale sur la plage ensoleillée d’où émerge la guérite du maître nageur surveillant les baigneurs. Les enfants construisent les châteaux de sable ou jouent au cerf-volant. Au large quelques hors bords rebondissent sur la houle dans des gerbes d’écumes. Ici et là on s’amuse à des jeux de raquette où de ballon, tandis que les garçons roulant les mécaniques reluquent discrètement les jeunes filles aux maillots très pudiques. Peut-être d’ailleurs la seule vraie différence avec la plage de St Brévin les Pin où, au grand plaisir des observateurs attentifs, chacune fait de son mieux pour minimiser les marques de bronzage. Et je ne vous parle pas du front de mer de Copacabana où il devient parfois carrément difficile de distinguer le maillot. Comme si plus on allait vers l’ouest, plus le centimètre carré de bikini coûtait cher. C’est à n’y rien comprendre, sauf à imaginer que payer cher une ficèle libère les filles de toute inhibition…
Mais là je m’rends compte que je m’éloigne du sujet et que les buveurs de bière dont l’intérêt commence à monter sont toujours là. Ce qui, soyons parfaitement honnêtes, n’a rien à voir avec la bière… Tant pis. Vous l’aurez bien cherché.

Chaque année se déroule ici la fête de la bière. Pas une p’tite fête de quartier comme on en trouve fréquemment. Non, du lourd, du solide, du germanique ! Il faut dire que Qingdao fut une enclave Allemande au début du siècle dernier, jusqu’à ce que les Japonais les en délogent manu militari puis qu’elle redevienne chinoise dans les années 20. C’est sous initiative Allemande qu’a été installée une brasserie industrielle, puis est née la fameuse « Tsingtao Beer », célèbre à travers tout l’Empire du Milieu et au-delà vers le Levant.
Si, comme nous l’avons vu, il existe des inégalités culturelles pour les observateurs des filles sur la plage, et que de ce point de vu mieux vaut être Brésilien que Chinois, tous sont égaux devant la bière ; surtout après…

Vous payez donc 20 Yuans (environ 2 €), et accédez à l’enceinte du festival. Au début ça ressemble à une ambiance de fête foraine, mais à y regarder de plus près il y a des signes qui ne trompent pas :
Tout d’abord toutes ces grandes tentes arborant fièrement une marque de bière où l’on fait tout son possible pour retenir le chaland en lui présentant des shows pitoyables, pin-up se dandinant sur des talons aiguille à contre rythme de musiques « traditionnelles » ou du dernier tub à la mode, concours de beuverie (qui boira la pinte en un minimum de temps), vente aux enchère de lots minables, dons de gadgets beaufs en tout genre, tout cela pour le fixer une bonne fois pour toute sur des bancs de bois autour de tables crasseuses et lui faire ingurgiter un maximum de breuvage, sans doute histoire de fidéliser le client. Marques de bières Chinoises bien sûr, mais aussi Allemandes, Hollandaise, Tchèques, sur de ridicules airs de musiques bavaroises ici totalement hors de propos. Mais il faut bien reconnaître qu’après quelques chopes ça n’a plus vraiment d’importance.
Entre les tentes, bien qu’il y ait des stands toilettes, ayant perdu toute notion de dignité, on se soulage comme on peut : messieurs debout se pissant sur les pieds en chantant… mesdames accroupies par terre sans plus de façon…
Plus loin les stands de fête de foraine où ceux qui ont pu aller jusque là vont se faire secouer sur des manèges, histoire de vérifier qu’ils ont l’estomac bien accroché, à moins qu’il ne s’agisse de faciliter une évacuation forcée histoire d’y retourner. Tout cela dans un bruit assourdissant. Vous pensez que l’exagère ?
Histoire de ne rien manquer à la fête, j’achète quant même une canette de bière blanche Allemande à deux jeunes filles déguisées en lapin (allez savoir pourquoi) tenant le stand de la marque. Elle est tiède et je n’arrive pas à finir. M’approchant d’une poubelle pour la jeter, un mince filet de liquide s’écoule à côté. Dans la pénombre une petite fille est en train de faire pipi sous l’œil bienveillant de sa maman…
En ayant assez vu je sorts de l’enceinte du « festival » et tombe sur les mendiants, fait rare en Chine, faisant la manche. Je lâche 10 yuans en me disant qu’eux ont tout compris, presque certains de soudoyer quelques sous aux festivaliers éméchés.

En marchant vers l’hôtel à un kilomètre de là, de la viande saoule hurle des chansons entrecoupées d’invectives incompréhensibles. Vous me direz que c’est normal pour qui ne parle pas le Chinois. On parie que ça n’a rien à voir ?
Ici et là la police tente de gérer une circulation chaotique, entre crissements de pneus et coups de klaxonnes intempestifs. Même s’il est vrai que la législation contre l’alcool au volant s’est ici considérablement renforcée (et je peux réellement témoigner de la sobriété des chauffeurs parmi nos clients) je préfère ne pas avoir à prendre de voiture ce soir.

Dans les couloirs de l’hôtel le personnel tente avec difficulté de calmer quelques individus complètement ivres.
Entrant dans ma chambre au 10ème étage du Kilin Crown j’ouvre la fenêtre. Des notes de musique montent jusqu’à la chambre, airs repris en cœur tel des hurlements sortant du Karaoké provisoire installé au coin de la rue sous le chapiteau d’une brasserie.

Sacrée soirée !

mardi 23 août 2011

Petite conversation sur l'économie du monde...

Bangkok est l’une de ces villes étouffantes où se précipitent en masse les touristes. Je me suis souvent demandé pourquoi, alors qu’il y a tant de lieux de villégiature tellement plus agréables.
Certes il y a le soleil « garanti », l’exotisme bon marché d’une Asie amicale et accessible bien orchestré par les tours opérateurs, les fantasmes de certains hommes… et aussi cette propension qu’on les humains à se regrouper ; dans les villes pour travailler où sur la plage de Saint de Mont pour les vacances. Alors pourquoi pas Bangkok en effet ?

Après les Européens de l’Ouest, ce sont maintenant les Russes qui débarquent en masse. Non pas la riche nomenklatura, ceux que l’on retrouve dans les palaces Parisiens, Londonien, de Nice ou Monaco, mais la classe moyenne, « populaire », tous ces gens pour qui un tel voyage représente déjà une aventure, loin de leurs repères habituels, totalement assistés dans un « tour package » sans surprise où ils en auront pour leur argent.



Terminant la discussion business de notre rencontre, mon interlocuteur - que j’appellerai Robert - et moi nous attablons pour un rapide déjeuner au restau Italien du coin. Pourquoi se priver de valeurs sûres à l’autre bout du monde. Spaghetti aux fruits de mer, peut-être pas très original mais vraiment délicieux. Tandis que nous devisons sur l’état de l’économie mondiale, entre un gros Russe bruyant accompagné d’une « poupée » locale, presqu’une enfant. Ca me coupe l’appétit…
Nous devisions donc sur l’économie mondiale ne pouvant que constater le marasme dans lequel s’englue le monde dit développé face à la montée en puissance de pays émergeants, et le déplacement du centre de gravité vers l’Asie. Evidemment indiscutable cette tendance lourde amenait Robert à quelques remarques intéressantes. La quarantaine rondouillarde, cheveux roux vifs et peau claire, Robert est Américain d’origine Irlandaise mais vit en Asie depuis maintenant 18 ans ; d’abord au Vietnam où il a rencontré sa femme puis maintenant en Thaïlande avec leurs 2 jeunes enfants. Ce métissage culturel lui donne un point vu intéressant sur la marche du monde qui bien que subjective mérite attention.
- Tu sais me dit-il en substance, je ne suis pas si optimiste que cela concernant les économies émergeantes, et pas si pessimiste que cela concernant l’Europe et les USA. Il reste aux pays émergeants encore énormément de chemin à parcourir.
Et tandis que j’opine, d’ajouter :
- Les racines profondes, la culture générale, l’ouverture ou monde, ils sont encore loin. Bien sûr ils voient leurs conditions matérielles s’améliorer, mais il reste une importante marche à franchir.
J’étais en Angleterre il y a quelques semaines. Dans une usine de transformation de volaille je discutais avec les opérateurs. Et il me rappelait ce que nous leur devions à eux, les « ouvriers ». Et bien tu vois, ici ça peut pas arriver. Faute d’éducation les gens sont trop dociles au travail. Ils exécutent mais ne réfléchissent pas. Une bêtise, même s’ils la voient, ils la reproduiront 100 fois si personne ne leur demande de corriger, de peur de prendre une initiative malheureuse.
- Et où veux-tu en venir ?
- Et bien je veux dire qu’en Europe ça n’arrive plus. Les gens revendiquent, manifestent, protestent en défendant leurs prérogatives – là les français vous êtes champion du monde – mais sont concernés par ce qu’ils font, le font savoir et veulent en toucher les dividendes. C’est toute la différence. Et tu vois, nous en sommes encore ici au « servage ». Quelques dirigeants d’entreprises « intelligents » l’ont bien compris et en profitent, voir en abusent à leur avantage. C’est ce qui se passait en Europe il y a un siècle.
- Je suis d’accord, mais en quoi cela doit nous permettre de rester optimiste de l’autre coté du monde ? Car il est bien évident qu’ils n’en resteront pas là.
- Et bien tu vois, nous sommes ici l’usine du monde ou des centaines de millions de petits bonshommes exécutent en masse des taches de bases à faible valeur ajoutée. Le seul avantage se situe au niveau du coût horaire. « L’intelligence » est encore de l’autre coté du monde, là où sont imaginés et conçus tout ces produits et services innovants.
- C’est vrai lui dis-je, mais en même temps tous ces petits bonshommes s’enrichissent, consomment et contribuent à faire tourner la machine économique.
- D’accord ajoute Robert, le concept d’Henri Ford, faire que ses propres ouvriers deviennent ses meilleurs clients. Et pendant ce temps là, pendant qu’ici nous produisons, en Europe et aux USA de plus en plus de gens prennent le temps de réfléchir et d’inventer l’avenir. A ton avis où se trouve la vraie valeur ajoutée ?
- Tout à fait d’accord avec toi Robert, encore faut-il que chacun en ait bien conscience et veuille faire l’effort d’aller dans cette voie de la valeur ajoutée par l’innovation, la culture, la formation, l’effort intellectuel !
- Hé Fred, que faites-vous dans votre Groupe ? Que viens-tu me vendre ? Des canards, des poulets, où le travail génétique que vous y faite ?

Je réponds d’un sourire entendu, et sur ce nous concluons le rendez-vous.

Repartant vers mon hôtel je me dis que nous tenons là un partenaire convaincu et que peut-être notre groupe est sur une bonne direction.

dimanche 21 août 2011

Un américain à Shanghai

Shanghai a quelque chose de New-York ou San-Francisco, mégapoles côtières où des gens du monde entier se croisent dans une sorte de frénésie trépidante, mélange de cultures, incroyable melting-pot où se côtoient habitants de la cité, businessmen pressés, touristes en tout genre, dans une ambiance électrique dégageant une incroyable énergie positive.

J’y retrouve mes équipiers européens et américains pour une importante négociation avec un très grand groupe agro-alimentaire Asiatique (20 milliards de $ de chiffre d’affaires). Le Président en personne sera là, il s’agit de ne pas se louper. Nous avons tous un peu la pression, mais peut-être moins que nos interlocuteurs habituels au sein de la société pour qui la venue de leur Président est un enjeu considérable…
- Selon son intérêt, notre Président peut participer à la réunion une demi-heure ou trois heures nous avait t’on prévenu !
Nous étions avertis. A la surprise et satisfaction générale il restera six heures avec nous, preuve de son grand intérêt pour le projet.

Alors que nous avions été briefé sur le « dress code » requis pour la rencontre – costume cravate (je ferai personnellement l’impasse sur la cravate) – arrivant de Chicago un peu décalés et pensant faire un court arrêt à l’hôtel avec la réunion, sans le savoir nos collègues américains rejoignent directement le meeting à leur sortie de l’avion, pas rasés, en jeans froissés.
La surprise s’ajoutant à la fatigue ils ressemblent à deux adolescents qui auraient fait une grosse bêtise. Pas de lézard, tout le monde a bien compris la situation plutôt cocasse qui ajoute à la décontraction de l’atmosphère.

Pour Mark, solide Américain débarquant de l’Iowa, c’est le premier voyage en Chine. Tandis que nous allons dîner avec nos hôtes il se confond en excuses. J’ai beau lui expliquer qu’il n’y a vraiment aucun problème, je crois qu’il pense que j’en rajoute.
Pendant le repas je ne peux m’empêcher de sourire de ses yeux d’enfant découvrant un monde aux antipodes de ses repères habituels. Manger à la baguette légumes croquants, poisson et crevettes à la vapeur n’a rien de commun avec le sirloin steak de 400 grammes accompagnée de la grosse pomme de terre à la crème engloutis au steak-house de son quartier ; mais il s’en sort plutôt bien.

Le lendemain, au terme d’une excellente matinée de travail entre notre équipe et celle de nos partenaires, nous décidons de rentrer à l’hôtel à pied, convaincus que c’est « la porte à côté » ; Pieter et moi en tête, Jim et Mark suivant derrière.
Arrêt au Starbuck Café du coin. Mark reprend des couleurs dans cet environnement qu’il connait. Nous allons même jusqu’à manger un hamburger au Mac’Do face à la Pearl Tower (l’équivalent local de notre Tour Eiffel) pour le mettre parfaitement à l’aise. Du coup il est complètement sous le charme, fasciné par cet environnement ultra moderne aux antipodes de l’image de la Chine traditionnelle, véritable révélation de ce qui se passe ici, lui qui débarque de sa toute puissante Amérique.

Nous marchons depuis plus d’une demi-heure sous un soleil de plomb, avec 90% d’humidité, transpirant comme des coureurs de 10 000 m. Bien que convaincus de ne pas être bien loin de l’objectif, entre les spectaculaires perspectives verticales se reflétant sur les façades de verre cristallin des tours du quartier d’affaire, à l’évidence nous sommes bel et bien perdus. Je sens Mark légèrement stressé par cette situation plus comique qu’autre chose lorsque nous essayons avec difficulté de demander notre route à quelques jeunes gens passant par là.
- It’s amazing (c’est étonnant) ne cesse t-il de répéter. Amazing ! Amazing !
Nous finissons par retrouver l’hôtel…
C’est vrai que c’est étonnant et il n’est pas au bout de ses surprises.

Le soir je propose à mon équipe une petite sortie sur Nanjing Road, les Champs Elysée local.
- Taxi ? propose prudemment Mark…
Je lui réponds métro et observe avec amusement son étonnement.
Tandis qu’à la borne automatique nous achetons les tickets pour la station « People Square », j’entends les commentaires étonnés et admiratifs sur la propreté des lieux de mes amis Américains.

People Square Station : direction la sortie par un dédale de couloirs impeccables. Quelques marches puis sortie sur l’esplanade donnant sur Nanjing Road.
Mark est sous le choc, ébloui par les flashes électriques de milliers d’enseignes lumineuses mutlicolores.
- Ouah, plus impressionnant que Time Square (à New York) lâche t-il !
Avant d’ajouter :
- Et tous ces gens. Ils sont des dizaines de milliers, des centaines de milliers ! Tous jeunes. T’as vu, dans cette foule on compte les vieux sur les doigts de la main !

Le lendemain après-midi nous roulons vers l’aéroport. Je partage le taxi avec Mark qui rentre vers Chicago tandis que je poursuis mon voyage asiatique vers Bangkok.
Mark a le mot de la fin :
- Fred, la puissance change de côté, c’est ici que ça se passe maintenant.
Même pas peur de Jackie Chan Mark !