samedi 18 mars 2023

Big Brother

De Bangkok j'atterris en transit à Canton, impatient de reposer les pieds sur le territoire Chinois après plus de trois ans et demi d'absence. Par précaution, j'ai fait en Thaïlande un test PCR 48 heures auparavant.
L'avion n'est pas plein et je ne vois pas d'autres d'occidentaux. 
Assis à l'avant de l'appareil, je sors dans les premiers et me dirige vers l'immigration. Premier arrêt pour une prise de température, photo, et déclaration sanitaire à faire sur smartphone par un lien Wechat, afin d’obtenir un laisser passer électronique sous forme de QR code. Aïe, je sens que ça va se compliquer : appli correctement téléchargée, je tente de compléter le formulaire, mais au moment de remplir les adresses précises de destination le système me renvoie un message d’erreur. Sur papier il était possible de faire des fautes ou laisser des blancs. Mais là ça bug. Impossible d’obtenir la validation finale.
Tous les passagers sont passés. Un agent charitable vient à mon secours dans un anglais correct. Il fait pour moi les corrections qui vont bien et j'obtiens le précieux sésame du big data Chinois qui, scanné, m'ouvre la porte automatique vers l'immigration. Ça c'est fait !
A l'immigration le système de reconnaissance faciale fait son petit effet. Immédiatement identifié, je peux de nouveau entrer en République Populaire de Chine : Welcome back in China !
 
Mon vol en correspondance vers Xian est décalé. J'ai donc tout mon temps pour aller vers le « domestic terminal » où je suis de nouveau accueilli par le système de reconnaissance faciale qui m'ouvre automatiquement la porte. Surréaliste.
 
Arrivée très tardive à Xian, porte de la Mongolie, ville des soldats de pierre et d’origine de Xi Jinping,
Je retrouve Shuchen, mon vieil ami et collègue dirigeants de nos entreprises Chinoises. Nous nous tombons dans la bras, émus par ces retrouvailles après la guerre du covid à laquelle, faisant preuve d'une résilience à toute épreuve, nos entreprises ont survécu.
Il est trop tard pour nous rendre par la route à Dali, lieu de nos installations sur cette province, et choisissons de dormir à l'hôtel de l'aéroport. (Détail qui a son importance pour la suite de l'histoire...)
 
Retrouver sur site nos équipes est un pur bonheur d'entrepreneur. Maintenant entourés d'hectares de panneaux solaires piquetés de grandes éoliennes, l’installation est parfaitement tenue. Les équipiers ont le sourire. Les perspectives des prochains mois sont bonnes. Nous devrions sortir par le haut de cette crise inédite.
 
En soirée, l'enregistrement au grand hôtel « international » de la ville est une formalité avec le fameux QR code.
Nous repartons le lendemain pour visiter un important client dans une province voisine : 7 heures de TGV vers Nanchang. Mais au moment de quitter l'établissement débarquent 2 officiers de police :
- Comment se fait-il que votre arrivée ait été décalée d'un jour ?
Nous expliquons l'arrivée tardive de l'avion, le changement de plan et la nuit passée à l’hôtel de l’aéroport.
- Mais vous auriez dû prévenir !
Tien donc. Avec la reconnaissance faciale et la traçabilité du QR code qui sert aussi à payer, big brother suit maintenant tous les faits et gestes de ses petits frères et sœurs ; et même des visiteurs au long cours.
 
Agréable voyage de 1500 km en TGV. Le réseau ferré très récent est d'une qualité parfaite, tout comme les infrastructures avec des gares grandes comme des aéroports. Sans parler du confort des wagons tenus impeccablement.
On sillonne le pays à 300 à l'heure, confortablement installés à regarder défiler les paysages à travers de grandes fenêtres. Comme dans un film documentaire, succession de mégalopoles et de villages ruraux entrecoupées de paysages à couper de souffles. Zones pastorales s'étalant sur de vaste plaines entrecoupées de reliefs plus montagneux où le moindre espace est aménagé en terrasses. Puis les impressionnantes zones industrielles aux périphéries de villes plantées de forets d'immeubles d'habitation, effrayante vision de ce qu'on put être les conditions de vie de tous ces gens pendant les confinements successifs.
Et à l'arrivée on scanne de nouveau le QR code pour sortir de la gare tout comme nous l'avions fait à l'entrée. Le système nous suit à la trace...
 
Aller sur le terrain avec les clients est un réel plaisir. Fierté d'apprécier nos produits qui ne nous appartiennent plus.
Puis ces banquets où sont exhibés tels des trophées, les personnalités officielles, dans un pays où les lois du marché répondent à des règles comme nulle part ailleurs, intégrant toute la puissance publique du Parti Communiste Chinois.
 
Nous reprenons l'avion vers Chengdu, 2h30 de vol depuis Nanchang.
Au moment de passer la sécurité, le système de reconnaissance faciale ne fonctionne pas et l'agent, une jeune femme, semble hésiter sur mon passeport. L’extension de mon prénom sur la carte d’embarquement n’étant pas complète, faute d’un nombre de cases suffisantes. Et me voilà baladé de guichet en guichet, personne de voulant prendre la responsabilité de court-circuiter le système par peur, sans doute, de se faire sanctionner par big brother.
Ici s’agacer ne sert à rien. Je reste stoïque, essayant d’expliquer tout en gardant le sourire l’absurdité de la situation...
Mais ils sont paralysés par une autorité d’une incroyable puissance où chacun se sait surveillé par un régime dont la période Covid a permis de développer le paroxysme de l’autocratie version 3.0
Finalement une toute jeune femme semble vouloir prendre les choses en mains. Son regard vif semble m’exprimer une certaine exaspération. Elle me suggère de retenter ma chance à un autre guichet. Mêmes causes, mêmes effets ! Surveillant la scène à distance, elle s’approche de l’agent visiblement désemparé, prend mon passeport, en fait ostensiblement une photo sur ses yeux et ceux de la caméra de surveillance, assorti d’un commentaire acerbe. Apparemment désarçonné, mais soulagé de ne plus porter la responsabilité de la « rébellion », l’agent me laisse passer.
 
Ici tout est sous contrôle.
 
 

samedi 11 mars 2023

Long time no see!

 

Bangkok, premier grand salon international de nos filières après le Covid :

Long time no see! (cela fait longtemps qu’on ne s’est pas vu).

Combien de fois l’ai-je entendu cette semaine ?

Presqu’à chaque retrouvaille d’un contact professionnel, où l’on se tombe littéralement dans les bras, chaleureuses embrassades, poignées de mains qui n’en finissent pas, les yeux dans les yeux avec large sourire aux lèvres. Plaisir sincère de se retrouver « en vrai » au terme de cette inédite parenthèse de presque 4 années.

Longtemps qu’on ne s’est pas vu, mais surtout longtemps qu’on ne s’est pas « touché », que l’on n’a pas pris le temps de s’assoir ensemble pour parler affaires bien sûr, mais pas que.

Certes nous n’avions pas perdu le contact. Teams, Zoom et les réseaux sociaux ont permis de garder un lien. Et l’on s’est même émerveillé de toutes ces nouvelles options de communication. Jusqu’à parfois se demander pourquoi voyager, tant l’instantanéité d’une réunion vidéo a ce côté magique d’effacer les distances. Pourtant force est de constater qu’elles n’ont assuré que le service minimum pour traiter les affaires courantes. La seule dimension froide du business : volume, prix, logistique, quelques conseils techniques...
Mais faire des affaires ne se résument pas à cela. Il y a aussi les émotions et innovations à l’origine des plus beaux projets. Ceux fomentés au gré d’échanges approfondis où créativité et partage de valeurs font toute la différence. Et cela ne peut se faire sans passer du temps ensemble, dans une dimension informelle où interfèrent tous les canaux de communication, verbaux et non verbaux, où l’on sort de la seule dimension professionnelle pour s’écouter, parler de l’économie et de l’état du monde, de la vie, de soi, bref échanger vraiment, ce que seules les rencontres physiques permettent.

Alors il faut redevenir nomade. Accepter de reprendre l’avion pour d’exigeants et fatigants voyages au long cours. Ceux-là mêmes si facilement remis en cause aujourd’hui pour leurs impacts environnementaux, dans une vision trop souvent caricaturale du bien pour la planète et de ceux qui y vivent.

41 000 pieds, 992 km/h, sous un ciel bleu presque noir, le magnifique A350 de la Thaï Airways file dans la stratosphère vers Canton. Suivant le courbure du globe, je poursuis mon voyage, impatient de me reconnecter avec nos équipes Chinoises.