mardi 31 octobre 2023

Désert du Wadi Rum

S’enfonçant dans le désert de Wadi Rum, on s’éloigne des tumultes du monde et de la région.

Vers l’Est nous roulons vers l’Arabie Saoudite sur une vaste plaine ponctuée de bosquets épineux. Au loin, comme des pains de sucre émergeant de la platitude, des massifs rocheux bruns foncés  en direction desquels nous naviguons sur un sol sablonneux. En s’approchant on découvre la beauté unique de ces formations géologiques agrémentées de coulures telles les stalactites d’une grotte à ciel ouvert. Sous un surplomb à l’ombre duquel paissent quelques dromadaires, des gravures rupestres illustrant des scènes de vie pastorale d’un autre âge.

Les massifs rocheux se resserrent. Des congères de sable doré s’y accumulent comme de la neige. On s’arrête sur une dune suffisamment ferme pour admirer la perspective de ce monde minéral d’une rare puissance. Sur la pente douce, quelques brins d’herbacées dessinent sur le sable de jolies courbes au gré du vent. Aujourd’hui l’air est immobile. Seul un vol de mouche vient troubler pour un instant le bruit assourdissant du silence.

Ici tout n’est que pureté, lumière, calme et beauté. Territoire inhospitalier « purificateur de l’âme » au magnétisme extraordinaire.

Nous redescendons dans un étroit défilé entre les falaises ornées de sculptures naturelles, comme les moucharabiés d’une forteresse minérale au pied de laquelle « s’écoule » un oued alimenté par les spectaculaires orages de la nuit. Plus d’eau liquide, mais des traces humides de ruissellement où écloront dans quelques jours d’éphémères amaryllis. Puis nous retrouvons la vaste plaine vers le sud. Perspective vibrante sous le soleil de midi.

L’âme toute propre nous sortons du désert vers Aqaba que nous rejoignons en fin d’après-midi.

Sur le bord de la Mer Rouge cette ville jordanienne est un important carrefour du Proche Orient : au Nord nous touchons la cité israélienne d’Elath. Quelques kilomètres vers le Sud le royaume d’Arabie Saoudite. Sur la rive opposée de l’étroit Golfe d’Aqaba le désert Egyptien du Sinaï.

Installé au bord de la piscine de l’hôtel, je relève mes emails et prends les nouvelles du monde et de la région sous le sifflement permanent de jets militaires. Puis des détonations. Je ne comprends pas tout de suite l’origine de ces bruits inhabituels lorsque mon frère revenant de promenade parle de tirs d’artillerie. Peut-être des exercices, ou pas...

23h : les avions tournent toujours. Je mets mes bouchons d’oreille pour la nuit.

8h : au petit déjeuner les informations confirment une attaque de drones Yemenite sur Elath. La région est une vraie poudrière. Nous repartons vers le nord en longeant la rive Est de la Mer Morte.

 

 

 

lundi 30 octobre 2023

Petra

Nous roulons vers le sud en longeant la Mer Morte par l’Est. Le soleil peine encore à percer la brume poisseuse s’élevant des flots dont la ligne d’horizon se dilue dans les nuances de gris pareilles à celles des lochs Ecossais. Où l’on s’attend à voir surgir des bêtes extraordinaires sur les berges irisées de sel.

Avec les premières chaleurs le paysage s’éclaircit. Le gris laisse place aux dégradés de bleus, de l’azur du ciel au turquoise de la mer. Sur les berges arides, les cristaux salés tels des gerbes d’étincelles.

Nous nous enfonçons maintenant dans le désert. L’horizon projette le regard à perte de vue. Magnétisme de ces perspectives stérriles où nous nous enfonçons vers Petra, cité légendaire des Nabatéens annoncée comme l’une de 7 merveilles du monde.

Apparaissent enfin des falaises rocheuses au creux desquelles se niche la petite cité moderne de Pétra, antichambre de ce que les jordaniens nomment leur « trésor ».

Depuis le parking, un chemin piétonnier nous conduit au pied de la muraille rocheuse. Puis nous empruntons un étroit sentier sinueux serpentant au creux des roches calcaires.

La légère descente facilite la marche au fond de cet étroit canyon naturel. Au-dessus de nos têtes, en parfaite harmonie avec la couleur orangée des abruptes parois, la fine bande de ciel bleu dessine la symétrie colorisée du chemin où nous marchons, comme la route céleste de ces lieux. Au détour d’un virage, tels des lasers, les rayons du soleil inondent de leur lumière crue l’étroit passage réservé aux humains. Facile, la longue progression distille ses mystères entre ses méandres serrés et les signes laissés par les Nabatéens, quelques gravures et sculptures érodées par les siècles. On croit être arrivé mais le chemin tourne de nouveau en s’enfonçant davantage dans le relief. Puis, à l’issue d’un dernier détour, la perspective s’ouvre enfin sur une lumière orangée un peu éblouissante. On plisse les yeux. Presqu’irréelles, se dévoilent des colonnes inspirées de temple grec. Comme sortant des entrailles de la terre, nous débouchons sur une place sablonneuse inondée de soleil. Face à nous en majesté, le « Trésor ». L’impression est tout simplement saisissante : un temple de 45 m de haut sculpté directement dans la roche. Six colonnes monumentales sous un tympan surmonté de six autres au-dessus desquelles des aigles (dont les têtes ont disparu) encadrent une sorte de calice à l’origine de bien des fantasmes de trésor. Quel effet sur le visiteur non averti ! Une sorte de sidération de celle, peut-être, d’une arrivée au paradis pour peu qu’on puisse l’imaginer... Peut-être le but des concepteurs de ce chef d’œuvre absolument unique, tellement bien caché qu’il ne fut révélé aux occidentaux par des archéologues européens qu’au début du 19ème siècle.

Ici rien n’a été construit à proprement parler. Aucun assemblage de pierres ou ajout d’autres matériaux, mais une sculpture géante directement taillée dans la roche. Comme le résultat d’une puissance divine. Une prouesse réalisée pour l’éternité !

Bien sûr, « non loin de là » il y avait eu les pyramides d’Egypte plus de 2000 ans auparavant. Monumentales, on les aperçoit de loin. On s’en approche doucement. L’effet de surprise n’a rien à voir. A leur pied elles nous écrasent de leurs impressionnantes et parfaites proportions dressées vers le ciel en nous ramenant à notre modeste condition de mortel. Ici c’est différent. L’éblouissement est total. En un instant le temple se découvre et nous projette vers l’au-delà.

Depuis plus de 200 générations quelques privilégiés ont pu faire l’expérience de cette découverte. Maintenant nous en sommes.

 


 

dimanche 29 octobre 2023

Y aller ou pas ?

Des mois que ce grand voyage familial avait été planifié. A l’initiative de notre papa – frères et sœurs, conjoints, enfants – toute une troupe de 24 vers le Proche-Orient, La Jordanie, pour une excursion d’une semaine. Et lorsqu’il a 2 semaines le Hamas a sauvagement agressé Israël qui a répondu avec violence selon le principe de la loi du talion, « œil pour œil, dent pour dent », une nouvelle fois la région s’est embrasée, comme si aucune paix n’y était (plus) possible.

Alors la question s’est évidemment posée. Y aller ou pas ?

La facilité eut été d’abandonner, maigre peine au regard des souffrances endurées par ces peuples. Renoncer un peu lâchement, guidés par des peurs irrationnelles entretenues par la caisse de résonance des réseaux sociaux où s’expriment sans filtre, et bien souvent sans discernement, les opinions les moins éclairées. Où comment se développent les haines à l’origine des maux du monde.

Dans un ciel piqueté d’étoiles, au-dessus de la Méditerranée le liner croise les côtes Italiennes vers le Caire pour virer vers la Jordanie en évitant par le Sud la zone de conflit Israélo-palestinienne. Kiss-landing à Amman. Nous y sommes.

A minuit l’aéroport est quasi désert. Formalité expédiées rapidement, le bus nous conduit vers l’hôtel sur les rives de la Mer Morte. Longue descente par une route approximative jusqu’au point le plus bas des terres émergées. Moins 400 mètres sous le niveau des océans, cette mer « s’évapore » inexorablement, laissant sur ses berges des stries de salées comme les courbes de niveau d’une carte IGN.

Il est une heure du matin. La lueur de la pleine lune filtrée par la brume remontant des flots immobiles donne au paysage une touche de mystère, de celle souvent restituée par les clair-obscur des peintres orientalistes. Le marchand de sable passe sans se faire attendre.