lundi 30 octobre 2023

Petra

Nous roulons vers le sud en longeant la Mer Morte par l’Est. Le soleil peine encore à percer la brume poisseuse s’élevant des flots dont la ligne d’horizon se dilue dans les nuances de gris pareilles à celles des lochs Ecossais. Où l’on s’attend à voir surgir des bêtes extraordinaires sur les berges irisées de sel.

Avec les premières chaleurs le paysage s’éclaircit. Le gris laisse place aux dégradés de bleus, de l’azur du ciel au turquoise de la mer. Sur les berges arides, les cristaux salés tels des gerbes d’étincelles.

Nous nous enfonçons maintenant dans le désert. L’horizon projette le regard à perte de vue. Magnétisme de ces perspectives stérriles où nous nous enfonçons vers Petra, cité légendaire des Nabatéens annoncée comme l’une de 7 merveilles du monde.

Apparaissent enfin des falaises rocheuses au creux desquelles se niche la petite cité moderne de Pétra, antichambre de ce que les jordaniens nomment leur « trésor ».

Depuis le parking, un chemin piétonnier nous conduit au pied de la muraille rocheuse. Puis nous empruntons un étroit sentier sinueux serpentant au creux des roches calcaires.

La légère descente facilite la marche au fond de cet étroit canyon naturel. Au-dessus de nos têtes, en parfaite harmonie avec la couleur orangée des abruptes parois, la fine bande de ciel bleu dessine la symétrie colorisée du chemin où nous marchons, comme la route céleste de ces lieux. Au détour d’un virage, tels des lasers, les rayons du soleil inondent de leur lumière crue l’étroit passage réservé aux humains. Facile, la longue progression distille ses mystères entre ses méandres serrés et les signes laissés par les Nabatéens, quelques gravures et sculptures érodées par les siècles. On croit être arrivé mais le chemin tourne de nouveau en s’enfonçant davantage dans le relief. Puis, à l’issue d’un dernier détour, la perspective s’ouvre enfin sur une lumière orangée un peu éblouissante. On plisse les yeux. Presqu’irréelles, se dévoilent des colonnes inspirées de temple grec. Comme sortant des entrailles de la terre, nous débouchons sur une place sablonneuse inondée de soleil. Face à nous en majesté, le « Trésor ». L’impression est tout simplement saisissante : un temple de 45 m de haut sculpté directement dans la roche. Six colonnes monumentales sous un tympan surmonté de six autres au-dessus desquelles des aigles (dont les têtes ont disparu) encadrent une sorte de calice à l’origine de bien des fantasmes de trésor. Quel effet sur le visiteur non averti ! Une sorte de sidération de celle, peut-être, d’une arrivée au paradis pour peu qu’on puisse l’imaginer... Peut-être le but des concepteurs de ce chef d’œuvre absolument unique, tellement bien caché qu’il ne fut révélé aux occidentaux par des archéologues européens qu’au début du 19ème siècle.

Ici rien n’a été construit à proprement parler. Aucun assemblage de pierres ou ajout d’autres matériaux, mais une sculpture géante directement taillée dans la roche. Comme le résultat d’une puissance divine. Une prouesse réalisée pour l’éternité !

Bien sûr, « non loin de là » il y avait eu les pyramides d’Egypte plus de 2000 ans auparavant. Monumentales, on les aperçoit de loin. On s’en approche doucement. L’effet de surprise n’a rien à voir. A leur pied elles nous écrasent de leurs impressionnantes et parfaites proportions dressées vers le ciel en nous ramenant à notre modeste condition de mortel. Ici c’est différent. L’éblouissement est total. En un instant le temple se découvre et nous projette vers l’au-delà.

Depuis plus de 200 générations quelques privilégiés ont pu faire l’expérience de cette découverte. Maintenant nous en sommes.

 


 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

merci pour ce partage...