mercredi 12 août 2020

Fin de road trip

 

 

 

 

 

 

 

L’ambiance de la salle de petit déjeuner du « Carré d’Aix » à quelque chose d’Audiard. On y retrouve les veuves des Tontons Flingueurs dans des dialogues truculents. Du coup on ne parle pas, on écoute.

Extraits :

- La p’tite de la piscine des thermes n’est quand même pas très délicate. Elle nous asperge sans ménagement avec sa lance à pompier. 

- C’est vrai, et l’eau est froide ...

- Oui, mais il parait qu’ils ne peuvent pas monter au-dessus de 37°.

- Ah bon. C’est nouveau ? Ce s'rait pas à cause du Covid ? 

- Heureusement, la p’tite Polonaise qui nous fait la gym, elle, elle s’y connait.

- C'est sûr qu’elle a les bons diplômes, malgré son accent...

...

- Moi j’suis là avec mes filles. La grosse de 65 ans et la petite de 62 ans...

 

- Oh, c’est qu'vous en avez d’la chance !

 

- J’les adore. Elles sont si mignonnes mes p’tites chéries.

... 

- On sait plus qui croire avec le Covid.

 

C’est bien vrai. Mais quand même, faut faire attention. 

 

- Vous avez raison. Heureusement, c’est plus les hommes... 


  - Le mien est parti il y a 15 ans. Il était si gentil...

***

D’Aix les Bains, pour revenir vers l’Ouest, les départementales nous font passer par les Dombes. Cette zone marécageuse autrefois insalubre, asséchée après la révolution, est aujourd’hui parsemée d’étangs entre des villages aux écoles fermées depuis bien longtemps. Sur les places, des monuments aux héros de la Grande Guerre, stigmates soigneusement entretenus d’un passé glorieux où la ruralité était encore le cœur du pays.

On s’arrête à la supérette du coin acheter de quoi piqueniquer. Accueil cordial du jeune homme, tenant sans doute à bout de bras, l’établissement au service des quelques centaines d’âmes vivant encore ici. Et toujours les masques obligatoires, alors que nous ne sommes que trois au milieu de « nulle part » ...

Sur la route, une pancarte indique un observatoire astronomique. Allez savoir pourquoi nous décidons de les suivre jusqu’à un plateau isolé idéalement placé. On s’arrête au début du chemin conduisant, à pied, jusqu’au lieu d’observation : promenade agréable dans les sous-bois débouchant sur une lande bien dégagée. Une jeune fille nous « accueille » en indiquant que l’observatoire n’est pas ouvert. Je réponds que c’est juste pour marcher entre les coupoles. 

 

-       Pas possible Monsieur, l’observatoire n’ouvre qu’à 15h !

 Je la fusille du regard, elle n’a rien compris. 

-       Tout juste s’il elle nous avait demandé de mettre notre masque !

 

-       Tu exagères tout de même. Elle ne fait que son travail.

 

-       Son travail ? Tu parles. Il s’agit surement d’une association. Nous ne faisions que passer, sans entrer dans les installations, juste pour sentir les ondes. Je déteste ce type de comportement autoritaire sans appréciation réelle de la situation. 

 

-       Tu n’es vraiment qu’un grand indiscipliné.

 

-       C’est bon. Passons notre chemin !

***

40° indique le thermomètre de la voiture. Dehors il fait une chaleur étouffante.

 

-        Tu sais quoi ?

 

-       Non, mais tu vas me le dire...

 

-       Je viens de regarder le GPS. Nous pourrions être à la maison vers 20h30 ce soir. T’en penses quoi ? A conditions de passer par l’autoroute évidemment.

 

-       Tu es sûr ?

 

-       Si je te propose...

 

-       Alors allons-y.

Nous retrouvons l’autoroute, son flot de voitures chargées pour les vacances, et ses convois de poids lourds sillonnant l’Europe. Fin de la parenthèse enchantée où le temps ne comptait plus.

 

-       C’était bien tes vacances ?

 

-       Géniales ! On ne s’est pas pris la tête. Et toi ?

 

-       Pareil. J’étais bien accompagné.

 

 

 

lundi 10 août 2020

La Riviera des Alpes...


Aix-Les-Bains sur les bords du Lac du Bourget, la Riviera des Alpes disent les slogans publicitaires. Rien que ça !

A eux seuls, ces deux noms ont déjà quelque chose de vintage. La grande époque des stations thermales où l’aristocratie y prenait ses quartiers d’été pour profiter des eaux aux vertus magiques. Quand l’aérodrome du Bourget qui n’a rien à voir - si ce n’est la concordance de nom et d'époque - était le hub des premiers vols commerciaux, et où Charles Lindbergh, du haut de ses 25 ans, touché par la grâce divine réussit la première traversée de l’Atlantique Nord à bord du monomoteur Spirit Of Saint Louis, et s'y posa saint et sauf le 20 mai 1927.

Nous descendons au « Carré d’Aix », hôtel hors d’âge tenu par une Italienne qui ne l’est pas moins. La dame comme le lieu sont charmants. Et l’établissement, idéalement situé à deux pas du Casino.

Marcher au hasard dans les rues d’Aix est une immersion dans une époque que les moins de 100 ans ne peuvent pas connaître... Une « éternité » qui nous replonge dans l’extravagante insouciance des années folles et son architecture un rien prétentieuse. On croyait alors au progrès. Les inventions, comme l’on disait, promettaient un avenir radieux au plus grand nombre. Jusqu’à ce que l’inconsistance des politiques d’alors conduise au désastre de la seconde guerre mondiale, seulement 20 ans après la précédente.

Mais ce qui frappe ici, est le nombre de personnes âgés, petits enfants des contemporains de La Belle Epoque, comme un balbutiement de l’histoire, presque la fin d’un cycle.

Dans la rue, tous sont masqués, comme apeurés par le contexte inédit du moment. Surtout des vieilles dames, preuve s’il en est encore besoin, qu’elles résistent mieux à l’usure du temps.

-        - Et si nous allions au Casino ?

-       - Nous n’avons pas la tenue...

-       - Car il faut une tenue maintenant ?

-       - Regardons les gens qui y rentrent... 

     - T’as raison, rien de très spécial.

Nous échouons à la première tentative. Tenue correcte acceptée, mais faute d’une pièce d’identité. Heureusement l’hôtel est à 2 pas...

Nous entrons masqués comme tous les clients. Mais s’agit-il de clients ou de pigeons ? Car l’endroit, aussi clinquant soit-il, ressemble à un attrape-nigauds. Les strass semblent agir sur le public comme des appâts de pêche. Bienvenue dans le monde merveilleux des rêves de fortune instantanée où l’on sa fait plumer !

 -       -  Sais-tu comment on joue ?

-       - Par vraiment... On n’a qu’à faire comme dans James Bond : commander un Martini on the rocks au shacker et s’installer à une table de jeu.

-      -  Sauf qu’on ne connait pas les règles...

-       - On pourrait peut-être se les faire expliquer ?

-       - Tu parles. Rabattons-nous sur quelque chose de plus simple. Les batteries de machines à sous nous attendent.

-       - T’as raison. As-tu des sous ? Regarde, la machine prend directement les billets.

-       - A moins qu’elle ne les dévore. C’est d’ailleurs le but de ce business.

-       - Que tu es rabat-joie...

-       - Bon d’accord, commençons pas 20 Euros.

Un billet avalé, puis on appuie sur les boutons d’une machine programmée pour gagner. Même si au tout début elle donne l’illusion de vouloir nous laisser empocher un peu d’argent. Alors on se prend au jeu en remettant les « gains ». Puis on finit par tout perdre.

 -    -  On essaie un autre coup ?

-       - Il ne me reste que 10 Euros en cash.

-      -  Allez...

Même scénario, même résultat !

C’est donc allégés de 30 Euros que nous déambulons dans le temple du jeu pour observer les gens. Et il y en a des « pauvres gens », totalement hypnotisés par le scintillement des écrans et le tintement des pièces de monnaie tombant dans les gobelets. Surtout des femmes âgées que l’on vole, profitant de la solitude du crépuscule de leur vie. Quelques curieux aussi, comme nous, qui s’y essayent sachant pertinemment qu’en entrant ils ont déjà perdus. A moins que ce ne soit le simple prix à payer pour profiter du spectacle de déchéance offert en ces lieux.

-       - Et si on allait diner ?

-       - T’as encore un peu de sous ?

-       - T’inquiète...

 

 

 

samedi 8 août 2020

De la Provence indolente au grand théâtre des Alpes

 

Du plateau des Cévennes, le hasard de nos pérégrinations nous mène en Provence où la chaleur étouffante nous plonge dans l’indolence de ses paysages arides écrasés par le soleil du midi.

Ici tout semble marcher au ralenti, sauf peut-être le crissement entêtant des cigales, comme celui, en soirée, des grenouilles au bord des marigots. Allez savoir pourquoi l’on tolère, dans leur contexte, des bruits autrement plus forts que bien des nuisances de voisinages… 

 
Les villages aux volets fermés ponctuent les départementales tortueuses. Nous contournons par le Nord le Mont-Ventoux et son allure de glace à la vanille s’abandonnant sous la canicule.
Puis nous rejoignons la route des Baronnies de Provence surplombée par quelques imposants châteaux construits sur des promontoires naturels. Quand le pouvoir s’affichait à l’aune de la position dominante sur le paysage.
Au gré des sinuosités de l’approximative bande d’asphalte, des fragrances de lavande titillent nos narines. La récolte tire à sa fin, et les champs perdent leur belle couleur bleutée pour la tenue d’hivers, longues bandes parallèles comme des balais brosses.
 
Les contreforts montagneux annoncent le grand théâtre des Alpes où l’on s’engage avec délectation. Les ondulations laissent place à des reliefs plus marqués. Les vallées se resserrent et l’horizon disparait derrière des massifs rocheux tels des murs infranchissables. La route commence à serpenter vers des cols mythiques. Nous n’avons que l’embarras du choix. La Madeleine, puis la Croix De Fer que l’on attaque avec gourmandise, laissant s’exprimer la puissance du bolide. Sortie d’épingles en 2ème, puis franche accélération en 3ème puis 4ème pour apprécier la poussée virile et le feulement du 6 cylindres turbo, avant de sauter sur les freins en rétrogradant rageusement, histoire de profiter des râlements rauques de la machine. Et recommencer jusqu’au prochain virage…

La forêt laisse place aux alpages avant d’atteindre le sommet sous un soleil radieux. En perspective, le majestueux Mont-Blanc, les aiguilles acérées des écrins, et le cône sommital du mythique Cervin. Nous en avons la tête qui tourne tant la vue est à couper le souffle.

Nous partons randonner sur les sentiers d’altitude respirer l’air pur de cette grande nature. Nul besoin de parler, juste jouir du spectacle comme des privilégiés, éphémères rois du monde fixant les images inoubliables de cette promenade pour les jours de mauvais de temps.

On s’arrête au hasard dans un petit hôtel de montagne donnant sur une vallée profonde, et l’on s’installe à la terrasse siroter un café en dégustant un bon livre…

         -       On va où demain ? 

-       Regarde donc la carte…

-       Par-là ?

-       Et pourquoi pas plutôt par-là ?

-       N’es-tu pas un peu contrariant ?

-       Pas du tout puisque nous n’avons pas de plan.

-       C’est vrai, j’avais oublié.

-       Alors d’accord. Allons donc à Aix-les-Bains par le lac d’Annecy.