jeudi 17 août 2023

L'éducation contre la domination

 
Arrivant dans une grande ville, le voyageur s’enquiert souvent des lieux remarquables et tombe généralement sur cathédrales, châteaux et musées, plus rarement sur les universités. Or s’il est bien des lieux à visiter, ce sont ceux où se développent les savoirs.
Ouvertes aux étudiants, les universités ne devraient-elles pas l’être aussi aux visiteurs de passage ? Juste pour aller flâner dans les allées, jeter un œil aux amphithéâtres, éventuellement y déjeuner au restau U pour y croiser les étudiants, et surtout avoir accès aux bibliothèques, lieux magiques concentrant la connaissance dans les ouvrages classés sur les étagères.
Cette seule perspective m’a toujours enchanté, comme celle d’un paysage profond depuis le sommet d’un col de montagne d’où l’on voit si loin que l’imagination relaye la seule vision. On sait bien que l’on ne pourra pas tout explorer, mais l’horizon dégagé élargit le champ des possibles. Comme dans une bibliothèque où l’on sait que l’on ne pourra pas tout lire, mais le seul fait de s’y trouver offre de fabuleuses perspectives d’exploration. Il faudrait avoir bien plus de 2 vies pour se donner le temps nécessaire à l’érudition.
N’avez-vous jamais touché un livre très ancien ? De ceux, si précieux, qu’il faut mettre des gants pour ne pas en abîmer les feuilles hors d’âge ? Je veux parler ici de manuscrits du moyen-âge ou de la renaissance. Impossibles à lire pour le commun des mortels, mais d’une beauté incomparable par le ce qu’ils racontent, souvent agrémentés de sublimes enluminures ou dessins des auteurs illustrant leurs pensées. Cela vous transporte dans le grand tourbillon de la connaissance, celui ininterrompu que le genre humain a développé au long des générations jusqu’à aujourd’hui.
En ces temps anciens, quelques érudits pouvaient se targuer de « toutes les connaissances du monde » tant les livres étaient rares et précieux. Aujourd’hui nous avons tous le cerveau augmenté – certains grincheux diront diminué, car il est bien connu que c’était mieux avant – par l’accès instantané au savoir de "Goople" sur nos smartphones. Mais avons-nous vraiment conscience de comment ce fut possible ?
Flâner dans une bibliothèque peut nous y aider.
 
L’arrivée sur Salamanque est impressionnante tant la Cathédrale écrase la ville de sa masse imposante. Comme souvent dans ces villes médiévales, elles sont le phare de la cité vers lequel converge les visiteurs. Celle-ci n’échappe pas à la règle. Impossible donc de l’éviter, et pourquoi le faudrait-il tant l’ouvrage est remarquable, plus encore de l’intérieur.
Mais Salamanque abrite aussi l’une des plus anciennes universités Européennes. Depuis presque 1000 ans on y enseigne les sciences, la philosophie, les arts, la médecine, le droit, ..., initiative du Roi Alphonse IX pour des raisons de souveraineté vis-à-vis de ses influents voisins. Il avait tout compris Alphonse. L’éducation contre la domination. Sans doute son heureuse initiative n’a pas tout résolu. Mais sans aucun doute a t-elle contribué aux progrès de notre civilisation Européenne.
La bibliothèque est un joyau impossible de visiter. Dommage. Mais l’on peut s’en rapprocher jusqu’à la magnifique entrée de l’université, en fait 2 simples portes de bois sous un imposant tympan de pierres ouvragées où, par une observation attentive, on découvre mille et un détails, en réalité des messages des promoteurs du lieu aux étudiants et visiteurs : l’autorité royale, Dieu, la vie, la mort, les sciences, la philosophie, la justice, sans oublier la petite grenouille posée sur un crâne, minuscule détail de l’ensemble mais qui, selon la légende, portait bonheur aux étudiants qui parvenaient à l’identifier.

  

mardi 15 août 2023

Pélerinage à Nazaré

 

Nazaré au Portugal est aux surfeurs ce que sont le Mans ou Indianapolis pour les fans de sport automobile. L’endroit où il faut aller au moins une fois dans sa vie pour ressentir les vibrations uniques au format XXL d’un sport poussé à son extrême.
Nous rejoignons la côté Atlantique sauvage depuis le nord à travers une jolie forêt de pins maritimes. En cette fin d’après-midi il est temps de trouver le spot parfait avec si possible vue sur l’océan. Flo a repéré un endroit possible. Nous quittons donc la route pour s'enfoncer dans les bois sur un chemin sablonneux vers l'Ouest. Moins d’un kilomètre pour déboucher sur la dune où sont déjà stationnés pêle-mêle quelques vans.
 
En surplomb depuis la dune la vue est à couper le souffle. L’océan s’étale sur 180° le long d’une plage rectiligne à perte de vue, panorama noyé dans une brume de mer apportant au paysage une note à la fois poétique et mystérieuse. Aucune autre construction humaine que quelques éoliennes dominant la forêt ne sont visibles. La nature à l’état brut où s’est invitée une dimension technologique qui ne gâche rien.
Un chemin chaotique descend jusqu’à mi-hauteur de la plage quelques 50 mètres en contrebas. J’y descends prudemment en mode 4x4 sans y trouver surface assez plate pour un bivouac confortable. Nous remontons sur la dune pour stationner, entre des bosquets de plantes grasses, sur le sable doux où Gemini fait des merveilles. Puis avant que le soleil ne tombe sur l’Atlantique, nous descendons sur la plage immense jouer avec le vent en faisant virevolter le cerf-volant vert. Toujours magique de piloter une machine volante même depuis le sol.
 
Nazaré n’est plus très loin. Il faut l’aborder à pied par la Praia do Norte. Nous laissons donc le van sur un terrain vague non loin de la plage, pour se diriger à pied vers le phare rouge emblématique d’où sont filmés les folles glisses des meilleurs surfeurs du monde.
Les pieds dans l’eau froide nous marchons vers l’eldorado encore perdu dans la brume. Rien d’extraordinaire apparemment en cette saison, même si le drapeau rouge est hissé. Mais tout de même de jolis rouleaux dont on aperçoit au large l’onde en formation. Car c’est en octobre que la conjonction des phénomènes naturels créer des vagues de plus de 20 mètres. Vous avez bien lu, vingt mètres ! En fait rien de moins que la plus haute vague du monde que certains n’hésitent pas défier. J’ai tout de même du mal à croire qu’ils n’hésitent pas devant un telle force de la nature. Les films montrant leurs exploits sont hallucinants par la démesure qu’ils mettent en scène : une muraille d’eau en mouvement de laquelle de minuscules petits personnage en équilibre sur des planches semble chuter, laissant derrière eux un éphémère virgule d’écume avant que la vague ne s’effondre dans un fracas de fin du monde. Juste irréel !
 
Au pied du phare, un fortin transformé en musée où sont exposées les surfs des anges de la glisse assortis d’une courte biographie de chacun d’eux sous un portrait choisi. Hall of fame d’une très petite communauté dont beaucoup aimerait se revendiquer. Il n’y a qu’à voir tous les « van lifer’s » venus ici presque en pèlerinage tenter de ressentir les bonnes ondes de leurs idoles. Et aussi quelques gourous, Jésus de Nazaré un peu illuminés prêchant les évangiles selon Sebastian Steuder, recordman de la vague avec plus de 26 mètres. 
 
 

lundi 14 août 2023

Portugal inesperado

 

On entre au Portugal comme en Amérique Latine. Ironie de l’histoire de ce petit pays dont l’influence culturelle l’a largement dépassé. Et même si les Brésiliens sont les seuls à parler portugais - tandis que les voisins sont hispanisants - dans la concurrence de découvertes-conquêtes entre ces deux pays, l’empreinte du Portugal sous l’égide notamment de Vasco de Gama et Magellan est certainement supérieure à celle laissée par la langue parlée.
Il faut dire qu’avec le trait de côte le plus avancé du continent européen dans l’Atlantique, il y avait de quoi stimuler l’imagination des navigateurs les plus audacieux. Et ils sont partis au large pour d’incroyables odyssées, rapportant des récits extraordinaires à l'origine des routes commerciales stimulant les appétits coloniaux d’une longue période de prospérité. Celle-ci permit le développement de cités remarquables, constructions civiles et religieuses grâce à la fortune de quelques grandes familles de mèche avec le clergé.
Regarder les cartes de ces découvreurs est fascinant. Traçant des lignes à travers des océans inexplorés, ils rejoignaient des terres inconnues à la rencontre des peuples autochtones. Les premiers contacts devaient être des moments absolument uniques dont la charge émotionnelle n’était sans doute pas si différente « qu’une rencontre du 3ème type ».
 
Puis c’est comme si le pays s’était assoupi, perdant de son influence, laissant même aux affres du temps son patrimoine architectural. Cycle des nations comme celui des entreprises entre périodes de croissance et déclin. Jusqu’à l’époque contemporaine et le régime autocratique de Salazar dans les années 70.
Je garde en mémoire de cette époque des souvenirs très précis de collégien, familles portugaises immigrées mettant leurs enfants à l’école pour apprendre le français, tandis que leurs papas venaient donner main forte aux ouvriers de la construction.
En 1986 la Portugal rejoint l’UE. Début difficile. Mais depuis les années 2000, grâce à l’Europe le pays retrouve une période de prospérité et, telle une belle endormie, redonne vie à son patrimoine exceptionnel.
 
Nous nous arrêtons à Ponte de Lima, Braga, Guimaraes, Porto...
A chaque fois c’est un enchantement. Partout des travaux de reconstruction et d’embellissement de cités millénaires ayant connu leurs périodes de prospérité avant de tomber en léthargie. Comme si l’indolence du Fado avec inhibé pour un temps l'énergie du pays.
Des églises baroques bien sûr pour ce peuple que la religion a façonné. Egalement des musées et monuments joliment mis en valeur. Mais surtout, de parts et d’autres de rues le plus souvent pavées, des maisons aux façades exceptionnelles, céramiques colorées et balcons ornés de fers forgés. Et comment ne pas s’arrêter dans ces restaurants où poisson et fruits de mer sont délicieusement préparés ?
En cette saison, flâner à Porto le long du fleuve Douro est un ravissement. Malgré un soleil intense, l’air océanique maintien la température à un niveau agréable. Puis l’on monte dans la vieille ville par des ruelles pavées abruptes débouchant sur des places où il fait bon siroter d’excellents cafés. La gare vaut de détour. Atmosphère du début du siècle dernier où les trains arrivent en bout de lignes sous une très haute toiture baroque en fer ajourée d’un lanterneau pour évacuer la vapeur...
Nous nous arrêtons visiter l’exceptionnelle Eglise Sao Francisco et son musée. Tandis que je musarde dans l’entrée, une famille se présente à la billetterie. Puis, sans aucune retenue la mère de famille (française) se retourne vers son conjoint et ses deux enfants :
-        Non mais ça va pas. Dix euros pour entrer dans une église. On n’est quand même pas des pigeons !
Je ne peux m’empêcher de lui répondre :
-        Mais c’est bien plus qu’une église, l'histoire de notre culture Européenne Madame.
Elle me fixe dans les yeux en haussant les épaules et quitte les lieux avec sa petite troupe.
Au moins on sait qui tient la baraque dans cette famille !
 
 

vendredi 11 août 2023

7 bonnes raisons de se rendre à St Jacques de Compostelle

Tant de choses ont été écrites sur les voyages à Saint Jacques de Compostelle qu’une de plus n’aura absolument aucun impact sur les lecteurs indulgents de mes petites chroniques.

Alors avec Flo nous nous sommes donc reposés les « bonnes questions » et vous soumettons les conclusions de notre profonde réflexion du jour :

-        Parce simple curiosité pour ce lieu unique. Une envie d’ailleurs que Saint Jacques de Compostelle représente comme d’autre bout du monde. Regardez bien la carte, c’est le far-ouest de l’Europe.

-        Pour l’expérience spirituelle. Il n’y a qu’à voir le nombre de personnes touchées par la grâce, ou (trans)portées par leur foi, déambulant seules ou en groupe, voire en procession portant haut des oriflammes dans la vieille ville, pour ne pas en douter. Notez bien que la rédemption n’en est qu’une infime dimension, mais qu’elle peut représenter beaucoup pour celles et ceux qui auraient tant de péchés à expier. Mais nous n’en connaissons pas...

-        Simplement intrigué par le symbole de la coquille Saint Jacques. Rien à voir avec celle de la baie Saint Brieuc comme le prétend un certain « philosophe » du même nom (Jacques) de notre entourage...

-        Par amour de Saint-Jacques. Je vieux bien, mais il ne faut tout de même pas exagérer. Bonne fête à tous les Jacques !

Pour le dépassement de soi quand il s’agit de s’y rendre à pieds le long des chemins de randonnée. Mais comme dit Flo, si c’est pour le sport par besoin d’aller à Saint Jacques. De grands GR peuvent parfaitement faire l’affaire.

Mais alors pourquoi donc cette grande randonnée a une aura si particulière ? Certainement liée à l’engagement de tous les pèlerins qui ont empruntés ces chemins depuis plus de 1000 ans dans leur quête de quelque chose.

A moins que ça ne soit par snobisme ?

-        Par ce qu’on y mange d’excellents poulpes accommodés des différentes façons. Grillés ou en sauce, ils sont délicieux.

-        Par ce que c’est juste très joli : sa cathédrale bien sûr, mais aussi ses palais, cloitres, ruelles médiévales où il fait bon aller un peu au hasard, sans oublier son marché pour y déjeuner.