dimanche 22 mars 2015

VIP


Le téléphone sonne dans la chambre de l’hôtel.
-       Monsieur, votre voiture est arrivée m’annonce gentiment l’hôtesse.
-       Merci Mademoiselle, je descends.

Dans le lobby le chauffeur m’attend en arborant une affichette à mon nom. Je le salut et il me conduit à la Mercedes noire dernier cris garée ostensiblement devant l’entrée, allant jusqu’à m’ouvrir avec classe la porte arrière gauche pour que je m’installe plus facilement sur la vaste banquette fleurant bon le cuir de qualité.
Puis nous partons dans le flot de la circulation dense de Bangkok, vers le siège social d’un groupe important dont je dois rencontrer le Président, l’un des hommes les plus puissants d’Asie.
Trente minutes plus tard nous arrivons au pied de la tour, siège social de l’entreprise. Même pas le temps d’ouvrir la porte de la voiture, une charmante hôtesse montée sur talons aiguilles s’en charge pour moi, m’invitant à la suivre sur un tapis rouge, sous le regard des dizaines de personnes présentent dans le vaste hall dont j’imagine qu’ils se demandent quel est cet occidental ayant rendez-vous avec leur Président, ici une véritable icône vivante.
Devant l’ascenseur réservé, une seconde hôtesse dans le même stéréotype prend le relais pour me conduire au dernier étage et m’accompagner jusqu’à la salle de réception, visiblement le saint des saints.
D’ici la vue sur la ville est imprenable : de la brume d’humidité et de pollution, émergent quelques grattes ciels au-dessus de plus modestes constructions plus ou moins hétéroclites. Entre les tours, les autoroutes aériennes dessinent au-dessus des habitations de jolies courbes, donnant au paysage urbain des allures de citée du futur, comme on peut les voir dans les BD de science-fiction.

Deux hommes m’attendent déjà et se confondent en salutations exagérées avant de m’inviter à m’assoir. Ils sont sur leur 31, visiblement impressionnés par l’audience qui m’est réservée.
Tandis que nous bavardons du temps qu’il fait, s’ouvre un grande porte à doubles battants. Entouré de deux photographes, costume marine impeccable, chaussures vernies, cravate de soi rouge et or, Monsieur le Président s’avance vers moi en arborant un sourire contenu. Nous nous serrons chaleureusement la main sous le crépitement des flashes tandis que ses deux collaborateurs reculent discrètement.
Le Président m’invite à m’assoir à ses côtés sur un vaste fauteuil de bois précieux sculpté recouvert de coussins de soi. Entre nous, sur une table basse un sublime bouquet de fleurs fraiches distille de délicieuses effluves exotiques.
Tandis que les flashes continuent de crépiter, j’essaie de faire bonne figure tout en peinant à trouver une position confortable entre les trop gros coussins encombrant mon fauteuil. Un dernier petit sourire aux photographes et ils se retirent enfin.
S’installe alors à ma droite le traducteur de mon hôte. Nous parlons en anglais qu’il comprend parfaitement mais ne pratique pas.
Les discussions peuvent enfin démarrer après cet accueil digne d’un chef d’état dont je demande s’il est à mon attention ou plus certainement le film normal de la vie de VIP de mon hôte.


jeudi 12 mars 2015

La journée des femmes



Du pacifique à la mer de Chine, d’un coup d’ailes, pour se retrouver à Nha Trang sur la côte Vietnamienne où nous inaugurons notre nouvelle écloserie de crevettes. Moment toujours plein d’émotion où les impressions se bousculent : sentiment d’achèvement d’une création ex-nihilo, mêlé à l’appréhension du démarrage de quelque chose d’inédit. Rien d’autre finalement que la vie normale de l’entrepreneur qui entreprend, avec la volonté de construire quelque chose d’utile, et la conviction que cela va réussir, sans avoir pu encore le constater…
Tandis qu’afin d’éloigner les mauvais esprits les dragons dansent sur le podium dressé pour l’occasion, deux petites filles accroupies à même le sol de terre battu jouent aux osselets comme si de rien était.
A l’avant de la tribune les rangs des officiels, au fond notre armée de p’tits hommes bleus, les employés de la nouvelle unité qui ne cachent pas leur plaisir d’être là, particulièrement  les femmes dont c’est aujourd’hui la journée internationale.
Passée presqu’inaperçue en Europe, et l’on comprend un mieux pourquoi en découvrant qu’elle fut lancée à l’initiative de Lénine dans les années 1920, elle est ici réellement empreinte de sens. Jour férié consacré aux femmes qui ont ici un rôle important dans la société, véritablement à l’égal des hommes, avec quelque chose de plus, la féminité, qualité si souvent décrite par les auteurs romantiques et qui fait chavirer, selon les termes consacrés, le cœur des hommes.
Mais sommes-nous bien sûr que cela se passe au niveau de cœur ?
Si tel était vraiment le cas, les relations hommes femmes n’en seraient sans doute que plus simples. Or nous savons tous que cela ne se passe qu’au niveau du cœur, et qu’au contact de personnes du sexe opposé – en l’espèce ne devrait-on pas plutôt dire complémentaire – toute une série de stimulations déboulent « en masse », rendant parfois les choses bien compliquées. Quand l’homme et la femme redeviennent plus ou moins consciemment mâle et femelle.

N’est-il pas amusant de se demander aussi pourquoi cette journée de la femme est à l’initiative d’un homme. D’aucuns diront que c’était à des fins politiques. Sans doute, mais politique et séduction ne sont souvent pas bien éloignés. Alors ne serions-nous pas là dans une illustration même du propos : quand les mâles cherchent à séduire ils paradent et fond des cadeaux.

Ici, l’occasion de cette journée donne plus encore aux femmes l’opportunité d’afficher leur féminité, tandis que les hommes leur offrent des fleurs, mélange naturel de couleurs et de fragrance aux vertus subtilement aphrodisiaques.
Reconnaissons qu’il est tellement agréable de prendre soin des femmes. Disant cela je perçois la connotation parfaitement machiste du propos, me demandant quand les femmes prendront l’initiative de fêter la journée internationale de l’homme, car oui, elle existe vraiment, depuis 1999, le 19 Novembre.  Et je ne souviens pas en avoir jamais entendu parler. Encore moins par une femme…


vendredi 6 mars 2015

Hotel California



Qui ne connait pas la chanson « Hotel California » ? Le slow légendaire des Eagles, rien moins que l’une des chansons du siècle selon certains amateurs, qui a fait danser des générations d’adolescents, peut-être même encore de nos jours.
En prêtant l’oreille on découvre des paroles étranges, et la chanson se termine dans une sorte de délire psychédélique. Mais la mélodie est jolie. Et l’une des questions est de savoir si l’Hotel California de la chanson existe vraiment ou s’il s’agit d’un lieu imaginaire, effet de substances  hallucinogènes. Des « philosophes » spécialistes des années 70 se posent encore la question. J’ai peut-être la réponse…

Depuis la Paz, en roulant plein Sud on traverse en oblique la péninsule de Baja California pour arriver tout droit sur le joli village de Todos Santos en bordure du Pacifique, parait-il l’un des 20 plus beaux villages du Mexique. Pourquoi pas.
Certes l’endroit est plaisant avec ses airs d’oasis saharienne en bordure de mer.
On s’arrête au hasard dans un café en brique rouge. Derrière l’entrée, large double porte de bois, grande ouverte façon hacienda, on découvre une terrasse ombragée où il fait bon siroter une téquila. Ici de nombreux routards ont posés leurs sacs pour quelques jours, stéréotypes des baba cools américains, peau tannée par le soleil, chemises légères en lin ou coton ouvertes sur des corps émaciés, cheveux clairs et filasses en bataille. Ici rien ne va vite. Mais c’est vrai pourquoi se presser ? Ils sont coool.
Puis nous flânons en ville sans autre but que de découvrir les petites galeries d’artistes venus chercher ici l’inspiration.
En descendant la rue principale, des motos immatriculées aux US garée en épis devant une façade ocre attisent ma curiosité. Au-dessus d’arcades abritant une terrasse : « Hotel California ». D’accord, même si ça ne veut rien dire au premier abord, entrons : l’endroit est agréable et donne sur un patio ombragé propice à la « réflexion ». C’est d’ailleurs ce que semblent faire nos motards barbus et chevelus, sur fond de musique américaine des années 70, un vieux standard de Crosby, Still & Nash… 
Serait-ce donc bien l’endroit qui inspira Eagles, devenu lieu de pèlerinage de quelques nostalgiques ?
Je risque la question auprès de Gustavo.
-       Pourquoi pas ? me répond-il, avec un sourire au coin des yeux.
Puis d’ajouter :
-       En tout cas c’est ce que disent les gens d’ici, et surtout ce que croient les visiteurs.

Suffisant pour entretenir la légende…