Petit bonhomme nerveux, habillé en
survêtement un peu défraîchi, M. Wang est notre « nouvel amis » chargé
d’intercéder pour nous auprès de la nouvelle administration de Pixian, suite au
départ de l’équipe dirigeante précédente arrivée en fin de mandat. C’est un
ancien militaire d’environ 45 ans qui garde certains stigmates de « sa
guerre » contre les nord-vietnamiens au début des années 80, en fait
quelques escarmouches au canon de chaque côté de la frontière, mais dont il
parle comme un fait d’arme remarquable, avec une émotion mal maîtrisée, comme
si, en plus de difficultés auditives, le son du canon lui avait aussi touché
quelques neurones, traumatisme exprimé par un visage au front marqué d’étonnantes
rides asymétriques au dessus d’un œil gauche fuyant.
Comme vétéran, fort de ses quelques
connaissances - anciens militaires recasés au sein de l’administration - il veut
nous faire profiter de ses relations avec un zèle quelque peu exagéré, trop
heureux de trouver là une nouvelle reconnaissance suite à une traversée du
désert au terme de sa carrière dans l’armée.
Nous discutons autour d’un déjeuner
quand je le vois s’emporter sur un sujet apparemment sensible. Il est question
des Iles Diaoyu - Senkaku pour les Japonais - que ces derniers revendiquent pour
partie ; en fait un minuscule archipel au large des deux pays qui ravive
des vieilles rancœurs de manière plus où moins rationnelle entre ces voisins
aux histoires entremêlées…
- Pour le provoquer gentiment
je lui demande ce qu’il faudrait faire contre ces « impérialistes
Japonais » ?
-
La
guerre ! La guerre ! La guerre ! répond-il en gesticulant avec
force conviction.
J’en ai presque la chair de poule…
Avant d’ajouter l’œil en coin :
-
Oui
mais pas celle des soldats, des navires et des avions… mais la guerre
économique, électronique et spatiale… Le reste n’est PLUS là que pour faire
illusion.
En appuyant fortement sur le
« PLUS ».
J’avoue que sa réponse ne me laisse
pas indifférent. Je ne peux imaginer qu’elle soit le fruit de sa seule
réflexion, mais plutôt celle d’une approche géopolitique insidieusement distillée par le
pouvoir central dans l’opinion, même celle des militaires.
Intéressant.
…
Nous reprenons le fil de nos
discussions business, et la nécessité de rencontrer telle et telle personne
pour débloquer une situation compliquée qui traine depuis des mois. Et je finis pas
m’impatienter un peu. Certes la Chine est « le pays des relations »,
mais il y a des limites aux tergiversations que j’aimerais maintenant abréger au
profit de décisions plus rationnelles que relationnelles. J’insiste donc sur la
nécessité de toucher directement le plus haut niveau pour gagner un temps
précieux, et coûteux…
-
Oui
Fred, nous comprenons bien m’explique mon ami Shuchen, mais pour obtenir la
grâce du grand Bouddha, il ne faut jamais oublier de faire allégeance aux
petits Bouddha. Et celui-ci en fait parti.
Laconiquement je lui réponds :
La messe est dite !
Pas sûr qu’il ait fait le lien.