samedi 20 octobre 2012

Les petits Bouddha



Petit bonhomme nerveux, habillé en survêtement un peu défraîchi, M. Wang est notre « nouvel amis » chargé d’intercéder pour nous auprès de la nouvelle administration de Pixian, suite au départ de l’équipe dirigeante précédente arrivée en fin de mandat. C’est un ancien militaire d’environ 45 ans qui garde certains stigmates de « sa guerre » contre les nord-vietnamiens au début des années 80, en fait quelques escarmouches au canon de chaque côté de la frontière, mais dont il parle comme un fait d’arme remarquable, avec une émotion mal maîtrisée, comme si, en plus de difficultés auditives, le son du canon lui avait aussi touché quelques neurones, traumatisme exprimé par un visage au front marqué d’étonnantes rides asymétriques au dessus d’un œil gauche fuyant.
Comme vétéran, fort de ses quelques connaissances - anciens militaires recasés au sein de l’administration - il veut nous faire profiter de ses relations avec un zèle quelque peu exagéré, trop heureux de trouver là une nouvelle reconnaissance suite à une traversée du désert au terme de sa carrière dans l’armée.
Nous discutons autour d’un déjeuner quand je le vois s’emporter sur un sujet apparemment sensible. Il est question des Iles Diaoyu - Senkaku pour les Japonais - que ces derniers revendiquent pour partie ; en fait un minuscule archipel au large des deux pays qui ravive des vieilles rancœurs de manière plus où moins rationnelle entre ces voisins aux histoires entremêlées…
-      Pour le provoquer gentiment je lui demande ce qu’il faudrait faire contre ces « impérialistes Japonais » ?
-      La guerre ! La guerre ! La guerre ! répond-il en gesticulant avec force conviction.
J’en ai presque la chair de poule…
Avant d’ajouter l’œil en coin :
-      Oui mais pas celle des soldats, des navires et des avions… mais la guerre économique, électronique et spatiale… Le reste n’est PLUS là que pour faire illusion.
En appuyant fortement sur le « PLUS ».

J’avoue que sa réponse ne me laisse pas indifférent. Je ne peux imaginer qu’elle soit le fruit de sa seule réflexion, mais plutôt celle d’une approche géopolitique insidieusement distillée par le pouvoir central dans l’opinion, même celle des militaires. Intéressant.
Nous reprenons le fil de nos discussions business, et la nécessité de rencontrer telle et telle personne pour débloquer une situation compliquée qui traine depuis des mois. Et je finis pas m’impatienter un peu. Certes la Chine est « le pays des relations », mais il y a des limites aux tergiversations que j’aimerais maintenant abréger au profit de décisions plus rationnelles que relationnelles. J’insiste donc sur la nécessité de toucher directement le plus haut niveau pour gagner un temps précieux, et coûteux…
-      Oui Fred, nous comprenons bien m’explique mon ami Shuchen, mais pour obtenir la grâce du grand Bouddha, il ne faut jamais oublier de faire allégeance aux petits Bouddha. Et celui-ci en fait parti.
Laconiquement je lui réponds : La messe est dite !
Pas sûr qu’il ait fait le lien.

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