jeudi 22 novembre 2012

Qualité Allemande



Compteur calé à 200 km/h sur la voie de gauche de « l’autobahn », je roule vers Hanovre attentif aux appels de phare des puissantes berlines ou autre coupés sportifs déboulant à très haute vitesse sur ma modeste Opel de location qui ne peut donner plus. Dieu que c’est bon de rouler en Allemagne ! Malgré les problèmes d’avion ce matin au départ de Nantes, nous serons finalement à l’heure pour la présentation que je dois donner ce soir devant un aréopages de clients venu du monde entier à l’occasion de ce grand salon international.

Le salon se déroule sur le parc des expositions où s’est tenue l’expo universelle « ratée » de 2000 avec, à l’époque, une affluence moitié moindre qu’attendue. Il faut bien reconnaitre que l’Allemagne n’est sans doute pas la destination rêvée des visiteurs étrangers, encore moins Hanovre. Heureusement que l’efficacité ne fait pas tout sinon nous serions sans doute encore plus mal lotis face à nos puissants voisins.

Le parc des expositions est immense et parfaitement organisé, tant pour l’acheminement des visiteurs depuis le centre ville par un efficace système de trame, que le système d’enregistrement des entrées, les services de restauration, la propreté des lieux et la tenue irréprochable des toilettes, tous ces « détails » qui montrent le vrai professionnalisme.
Mais là ne sont pas les points les plus remarquables. Non, ce qui est ici le plus frappant est la puissance affichée des entreprises allemandes, « insolante » prospérité économique dans une Europe en difficulté. Certes ils jouent ici sur leur terrain, mais il n’y pas que ça. Après la chute du mur, l’Allemagne a fait le choix courageux de la réunification – surement n’avait-elle pas d’autre choix – et cela a coûté la sommes astronomique de 1500 milliards d’Euros, bien au-delà de toutes les prévisions. Elle en récolte maintenant les dividendes, juste retour, n’en déplaise aux esprits chagrins pleurant sur la concurrence déloyale de notre voisin quant aux conditions salariales.

Certainement tout n’est pas parfait ici aussi, mais les gens travaillent d’abord puis négocient ensuite les conditions d’amélioration de leur emploi, au lieu de contester à priori. Cette grande différence devrait peut-être nous inspirer.

Discutant de l’efficacité remarquable de notre grand voisin avec un collègue vivant en Allemagne, un brin provocateur je l’interroge alors sur le coté « fun » des Allemands.
Sa réponse :
-      Ils ont une vie sociale au long de la semaine. En finissant le travail tôt et dinant de bonne heure, il leur reste du temps pour se retrouver dans des lieux chaleureux, juste pour le plaisir d’être ensemble et développer des relations extra-professionnelles.
Et d’ajouter :
-      En France les gens attendent le week-end pour se faire plaisir. Sur la semaine c’est chacun pour soit, « métro, boulot, dodo ! ». Va dans un café de ville moyenne à 21h. Tu te retrouves tout seul avec les quelques poivrots du coin.

Et s’ils avaient vraiment raison ?

samedi 17 novembre 2012

Black tie party



Debout face au grand miroir de la chambre d’hôtel où je suis reçu, me voilà pris d’un doute affreux. L’image qu’il me renvoie a quelque chose de surréaliste, celle d’un grand type élégant en costume noir, chaussures impeccablement cirées, veste fermée sur une chemise blanche à col cassé, boutons de manchette, nœud papillon, et au dessus… ma tête ! Je ne vais tout de même pas descendre comme ça, déguisé en James Bond.
Sauf qu’on n’est pas dans un film et que je suis attendu au bar dans 5 minutes.
Allez, haut les cœurs, ce n’est qu’un « mauvais moment » à passer.

19H28, j’ouvre la porte de la chambre pour me diriger vers l’ascenseur.
Devant moi, un type en costume noir marche d’un pas décidé sur la moquette épaisse du couloir. Tien, son pantalon est un peu court et ses chaussettes « raboulent ».
En entrant dans la cabine nous échangeons un « good evening Sir » convenu. Il n’a visiblement pas l’air surpris de me voir affublé d’un tel accoutrement. Je dois donc être normal dans le contexte.

L’apéritif est servi dans une salle très cosy un peu sombre dans laquelle nous pénétrons par une lourde porte en bois sculpté au seuil de laquelle se tient un chambellan habillé grand siècle anglais, veste rouge brodée, chemise à jabot et pantalon noire bouffant. Au moment de pénétrer dans la pièce il m’arrête avec tact en prononçant un « Sir ? » soutenu par un regard interrogateur. Un instant d’hésitation avant que je ne comprenne qu’il faille me présenter.
-      My name is Grimaud, … Frédéric Grimaud.
-      Sorry ?
Je répète doucement :
-      Fré-dé-ric Gri-maud.
-      Thank you Sir me glisse t-il discrètement, avant de frapper le sol de sa longue canne et d’annoncer à très haute voix à l’assemblée un « Mister Freyedeyeric Gouimaude » aux consonances Shakespeariennes.
Pour une entrée, c’est une entrée…

Il y a déjà là toute une petite société, hommes en smoking et dames multicolores façon sapin de Noël. Je m’approche du bar et commande une vodka-Martini on the rocks, au shaker please. Tant qu’à jouer dans le film, autant y aller carrément.
En fait assez rigolo d’être le français de service, celui qui les a fait bien sourire lors de la conférence de l’après-midi, et que des Moneypenny hors d’âge aiment prendre à partie sur le registre du charme désuet des ladies britanniques. De bon aloi je me prête au jeu, sourires un peu forcés cou serré dans la chemise du smoking. Jusque là tout se déroule bien…

20h15 pile, comme un seul homme les convives se dirigent vers la salle du dîner de gala. Des tables rondes accueillent les invités placés selon un protocole précis. J’ai le privilège d’être assis à la table des Présidents en compagnie d’un écossait en kilt, d’un humoriste connu affublé d’un gilet en soie rouge du plus bel effet sous sa veste de smoking, d’un géant de 2 mètres aux allures de Hulk quand il est gentil, et de quelques personnalités visiblement coutumières de se genre de mondanités si j’en juge par leur généreux tour de taille. Malheureusement pas de James Bond girl à ma table… On ne peut pas tout avoir.

L’humour anglais est heureusement plus savoureux que leur cuisine et le repas se déroule fort agréablement, entrecoupé de remises de quelques distinctions à des professionnels méritants, dans la plus pure tradition britannique.

Minuit passé. Les visages commencent à montrer quelques signes de fatigue. Cols desserrés, vestes déboutonnées, certaines chemises arborant quelques décorations alimentaires.
Et tandis que certains commencent à s’éteindre doucement, d’autres s’esclaffent à grands éclats de voix gutturaux. Il est temps de s’éclipser.
Dommage, sur le parking aucune Aston Martin ne m’attend.

dimanche 4 novembre 2012

"Pour que l'automobile reste toujours un plaisir !"



Monter dans une voiture de sport ancienne a toujours une saveur particulière, de celles que l’on ressent en entrant dans un petit restaurant de village du Périgord, quand, en franchissant le seuil, des flaveurs pleines de promesses – cuisine familiale à l’ail et graisse d’oie – émoustillent les papilles nasales et vous mettent l’eau à la bouche.

On ouvre la porte de l’Alpine, et ce sont les relents de vapeurs d’essence et d’huile mélangées remontant du compartiment moteur qui embaument l’habitacle. Certaines (j’en connais…) détestent, moi j’adore.
On s’assoit, je devrais plutôt dire s’allonge dans les sièges baquets collés au plancher, devant le petit volant à 3 branches siglé du logo de la marque. La planche de bord en plastique noir très années 80 donne sans fantaisie toutes les indications importantes, puis le regard plonge sur le long capot, fine pointe de flèche de cette voiture élancée.
Tourner la clé de contact et le V6 turbo démarre instantanément, encore froid se stabilise autour 1200 tour/mn dans un ronronnement de gros matou tranquille le temps de monter en température. Coup d’œil sur la pression d’huile – nominale – avant d’enclencher la première sur le petit levier de vitesse tombant pile sous la main. L’ergonomie de cette sportive est parfaite.

Nous partons en bande pour une promenade dans le bocage Vendéen derrière Eric, notre ouvreur, à bord de sa belle anglaise, une TVR V8 aux accents de grandes orgues de Bach. Il y a aussi Benoit avec une superbe Porsche Carrera rouge de 30 ans d’âge, Jo avec une Carrera plus récente, et Jacques dans une jolie Mazda cabriolet MX5 récemment acquise.

Rouler en convoi sur les petites routes du bocage est une exquise récréation. Il n’est pas ici question de compétition ou de performance, seulement du plaisir épicurien de conduire une vraie voiture de sport, de celles qui fond encore un peu de bruit entre les montées en régimes, quand les notes se perdent dans les aigües, et les rétrogradages rageurs, sans brutalité, tout en souplesse, privilégiant la fluidité de pilotage, les belles trajectoires en appui sur un filet de gaz, jouant sur le grip des roues arrières de ces autos à propulsion.

C’est de début de l’automne, la nature gorgée d’eau rougeoie entre les nuées sur un ciel chargé. Je suis la 911 de Benoit qui soulève des gerbes de feuilles orangées en passant dans les sous bois de châtaigniers, écrasant au passage les bogues tombées sur la chaussée de la départementale. L’image est simplement belle, pur instant de bonheur un peu égoïste.
De temps en temps le rythme s’accélère, histoire de sentir la poussée des chevaux vapeurs dopés par le souffle du turbo du gros V6, puis un freinage appuyé accompagné d’un talon pointe sur le petit pédalier inversé avant l’entrée dans une courbe.
Ne pas s’euphoriser, juste profiter de ce moment de vraie conduite ; « pour que l’automobile reste toujours un plaisir », selon le slogan fort à propos d’un de nos constructeurs nationaux.

jeudi 1 novembre 2012

Pied de cochon Catalan



Il est des restaurants où l’on regrette ne pas avoir fait l’effort de lire le menu...

L’action se déroule en Catalogne où je suis invité à déjeuner par des clients Espagnols.
En plat principal, mes hôtes choisissent un pied de cochon, parait-il spécialité de la maison annoncé comme le meilleur de la région. Sans plus réfléchir je suis le mouvement.
Pour patienter, en guise d’entrée, de délicieuses tranches de tomates fraîches au gros sel sous un filet d’huile d’olive, croutons de pain grillé, quelques légumes confits, escargots, et cœurs d’artichauts frits. Un délice. Je n’ai plus vraiment faim, mais attends tout de même la suite pleine de promesse. Elle finit par arriver.
Sur de grandes assiettes ovales, les pieds coupés en deux dans le sens le sens de la longueur, quelques frites, une salade. On ne peut pas dire que l’aspect soit des plus appétissants, mais le fumet est agréable.
Mes voisins attaquent avec appétit. Je tente de les imiter en essayant de piquer un bouché entre les os et la couenne. Pas si facile car la fourchette « zippe » sur la matière quelque peu gélatineuse... Je commence alors à trier en jouant du couteau et de la fourchette, espérant trouver un morceau de viande sur "la bête", mais plus je cherche, moins je trouve : uniquement des cartilages, du gras, des petits os.
A ma surprise les autres semblent se régaler.
Serais-je tombé sur un « mauvais pied », ou est-ce moi ?
J'essaie une bouché (petite), mais doit retenir un haut le cœur au moment d’avaler la substance tiède et gélatineuse, de celui qui m’était arrivé il y bien longtemps en Chine au cours d’un repas où l’on avait servi du tendon de chameau. L’effet « petite madeleine » de Proust façon pied de cochon…
-      C’est bon ? me lance un de mes hôtes.
-      Délicieux… répondis-je sans conviction, un large sourire hypocrite aux lèvres ; vous savez de ceux que l’on fait parfois lors d’une soirée un peu chic et que « machine » vous raconte, sans que vous n'ayez rien demandé, son ex-tra-or-di-nai-re rencontre avec telle célébrité de la jet-set.
Ma réponse qui ne peut faire illusion semble comme tomber comme un splash dans mon assiette encore pleine de cochonnaille disséquée en petits morceaux empilés sur les bords, comme celle des enfants laissant la couenne du jambon blanc. J’en ai le rouge au front et fais le maxi pour tenter de faire illusion en picorant les frites perdues dans ce carnage culinaire.
Le repas s’étire en longueur, avec la désagréable impression que l’on m’attend. Pas d’autre choix que de continuer de faire semblant en grignotant des petits morceaux. Je finis pas caler prétextant une légère indisposition. Moment de solitude gastronomique...