Debout face au grand miroir de la
chambre d’hôtel où je suis reçu, me voilà pris d’un doute affreux. L’image qu’il
me renvoie a quelque chose de surréaliste, celle d’un grand type élégant en
costume noir, chaussures impeccablement cirées, veste fermée sur une chemise
blanche à col cassé, boutons de manchette, nœud papillon, et au dessus… ma tête
! Je ne vais tout de même pas descendre comme ça, déguisé en James Bond.
Sauf qu’on n’est pas dans un film et
que je suis attendu au bar dans 5 minutes.
Allez, haut les cœurs, ce n’est qu’un
« mauvais moment » à passer.
19H28, j’ouvre la porte de la chambre
pour me diriger vers l’ascenseur.
Devant moi, un type en costume noir marche
d’un pas décidé sur la moquette épaisse du couloir.
Tien, son pantalon est un peu court et ses chaussettes « raboulent ».
En entrant dans la cabine nous
échangeons un « good evening Sir » convenu. Il n’a visiblement pas l’air
surpris de me voir affublé d’un tel accoutrement. Je dois donc être normal dans
le contexte.
L’apéritif est servi dans une salle
très cosy un peu sombre dans laquelle nous pénétrons par une lourde porte en
bois sculpté au seuil de laquelle se tient un chambellan habillé grand siècle
anglais, veste rouge brodée, chemise à jabot et pantalon noire bouffant. Au
moment de pénétrer dans la pièce il m’arrête avec tact en prononçant un « Sir ? »
soutenu par un regard interrogateur. Un instant d’hésitation avant que je ne
comprenne qu’il faille me présenter.
- My
name is Grimaud, … Frédéric Grimaud.
-
Sorry ?
Je répète doucement :
-
Fré-dé-ric
Gri-maud.
-
Thank
you Sir me glisse t-il discrètement, avant de frapper le sol de sa longue canne
et d’annoncer à très haute voix à l’assemblée un « Mister Freyedeyeric Gouimaude »
aux consonances Shakespeariennes.
Pour une entrée, c’est une entrée…
Il y a déjà là toute une petite société,
hommes en smoking et dames multicolores façon sapin de Noël. Je m’approche du
bar et commande une vodka-Martini on the rocks, au shaker please. Tant qu’à
jouer dans le film, autant y aller carrément.
En fait assez rigolo d’être le
français de service, celui qui les a fait bien sourire lors de la conférence de
l’après-midi, et que des Moneypenny hors d’âge aiment prendre à partie sur le
registre du charme désuet des ladies britanniques. De bon aloi je me prête au
jeu, sourires un peu forcés cou serré dans la chemise du smoking. Jusque là
tout se déroule bien…
20h15 pile, comme un seul homme les
convives se dirigent vers la salle du dîner de gala. Des tables rondes
accueillent les invités placés selon un protocole précis. J’ai le privilège d’être
assis à la table des Présidents en compagnie d’un écossait en kilt, d’un
humoriste connu affublé d’un gilet en soie rouge du plus bel effet sous sa
veste de smoking, d’un géant de 2 mètres aux allures de Hulk quand il est
gentil, et de quelques personnalités visiblement coutumières de se genre de
mondanités si j’en juge par leur généreux tour de taille. Malheureusement pas
de James Bond girl à ma table… On ne peut pas tout avoir.
L’humour anglais est heureusement
plus savoureux que leur cuisine et le repas se déroule fort agréablement,
entrecoupé de remises de quelques distinctions à des professionnels méritants, dans
la plus pure tradition britannique.
Minuit passé. Les visages commencent
à montrer quelques signes de fatigue. Cols desserrés, vestes déboutonnées, certaines
chemises arborant quelques décorations alimentaires.
Et tandis que certains commencent à s’éteindre
doucement, d’autres s’esclaffent à grands éclats de voix gutturaux. Il est
temps de s’éclipser.
Dommage, sur le parking aucune Aston
Martin ne m’attend.
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