samedi 24 septembre 2011

"L'avenir n'est plus ce qu'il était !"

Par les temps qui courent, voyager au Vietnam procure une incomparable sensation de sérénité.
Je ne parle évidemment pas des déplacements erratiques, englué dans le flot vrombissant d’essaims de petites motos - bien que l’ambiance reste toujours très bonne enfant - mais du contact avec les gens d’ici, comme s’ils avaient quelque chose de plus, un supplément d’âme exprimant naturellement le goût du bonheur, plaisir simple d’être ici et maintenant, traduit sans plus de manière par des relations non seulement toujours souriantes et courtoises, mais aussi joyeuses. Cela est d’autant plus frappant que ce peuple aurait de bonnes raisons d’en vouloir à l’occident qui l’a si souvent mal traité. Mais il n’en est rien apparemment. Et leur sens de l’accueil n’a d’égal que leur gentillesse spontanée. De là à imaginer que certains l’aient interprété comme de la faiblesse voir de la soumission ?
Tant les français que les américains ont à leur époque chèrement payé cette grossière erreur de jugement qui, remise en perspective, ne donne que plus de valeur à ce peuple magnifique capable de résister puis de dépasser les agressions.
Ne toucherions-nous pas ici à la vraie sagesse ?

Dans le lobby de l’hôtel quelques écrans diffusent en « live » les nouvelles du monde, successions de courbes en dents de scie descendantes montant l’effondrement spectaculaire des bourses occidentales, images de salles de marché où des traders surexcités semblent perdre les pédales, analyses de la situation par des spécialistes bien coiffés en costumes sombrent et cravates rouges ou bleues, Rolex au poignet gauche agitant de la main droite leur stylo Mont-Blanc telle une baguette magique. Puis ce sont les politiques occidentaux qui défilent pour expliquer qu’il n’y a aucune raison de paniquer, qu’il faut rester confiant tout en se serrant la ceinture ; sans aucun courage pour dire très clairement que le monde change vraiment, qu’en occident nous avons vécu au dessus de nos moyens, qu’il s’agit maintenant de payer la note tout en acceptant de partager la richesse avec le reste du monde dont nous avons bien profité. Ceux-là même qui nous regardent maintenant avec un peu de mansuétude, peut-être pas tout à fait fâchés par ce qui « nous » arrive.

« Le futur n’est plus ce qu’il était » a dit un jour Yogi Berra (très grand joueur Base Ball américain des années 60) signifiant, dans son style inimitable, que l’avenir ne se déroule plus selon les attentes du passé. Il avait sacrément raison.
Nous sommes dans une période de ruptures majeures où les modèles issus du passés n’apporteront pas la réponse aux défis qui nous attentent. Et le pire, c’est que personne ne semblent vouloir en parler franchement.

Préparons-nous à changer, à reconstruire sur de nouvelles bases un modèle économique et social capable de prendre en compte les nouveaux enjeux d’un plus grand partage de la richesse au niveau mondial, tout en gérant de manière mieux raisonnée la consommation des ressources disponibles.
Car je suis tout fait convaincu que c’est bien de cela dont il s’agit.
Le reste n’est que spéculation financière parfois immorale dont les principaux bénéficiaires prennent aujourd’hui une raclée. Devrions-nous vraiment les plaindre ?

samedi 10 septembre 2011

Tango ou Samba ?

Buenos Aires est de ces villes qui ont une âme et dont on ne peut rester indifférent. Pas vraiment belle, ni moche non plus, mais avec ce je ne sais quoi de charme un peu suranné.
Ici la « 5ème Avenue » s’appelle « L’Avenue du 9 juillet » (jour de l’indépendance). Il y avait la plus belle Avenue du monde, la plus longue aussi, alors les argentins ont inventé la plus large et l’affiche fièrement. Il faut bien dire qu’ils n’y sont pas allés de main morte : mieux vaut retenir sa respiration pour traverser, avec pas moins de 8 files de voitures, 4 dans chaque sens, plus les contres allées et les larges trottoirs scrupuleusement entretenues chaque matin par les résidents des pas de porte avec force jets d’eau, ballets brosse et huile de coude. Au moins ici il ne reste ni mégot, ni papiers gras, ni crotte de chien. Pour autant l’avenue ne présente pas de grand intérêt, sauf peut-être une curieuse obélisque érigé au milieu.
C’est plutôt du coté des passants qu’il faut regarder. Le matin des « nounous pour chiens » promènent en laisse de véritables meutes très éclectiques avec toute sorte de représentants de l’espèce canine - du plus gros au plus petit et de toutes les couleurs - que les maîtres leur ont confié pour la journée ; assez étonnant. Le soir on retrouve les maîtres sur leur 31 marchant tranquillement bras de dessus bras dessous, comme s’ils se rendaient à un bal de tango Argentin, Messieurs en costumes italiens cheveux gominés coiffés en arrière, Mesdames fardées et perchées sur des talons hauts cliquetant sur le pavé. Drôle de représentation façon sud européenne très années 30.

S’arrêter dans un café est ici un plaisir : commander un cortado (expresso à la mode espagnole) et le siroter tranquillement juste en observant les gens commentant l’actualité dans la langue de Cervantes soutenue de gestuelles latines très expressives.

Trafic intense dans les rues ou des bus hors d’âge aux chromes encore rutilants chargent et déchargent des grappes de passagers pressés. Dans le flot de la circulation, des milliers de petits taxis jaunes et noirs sillonnent la ville en tous sens, au gré des courses commandés par les passagers souvent entassés à 3 sur l’étroite banquette arrière. Quelques vieilles Ford Falcon, très joli modèle fabriqué ici dans les années 70 continuent d’assurer le service de conducteurs désargentés.

En ville de nombreux théâtres aux façades défraîchies présentent des spectacles de tango commercial aux touristes essentiellement venus de pays voisins. Ah le tango Argentin, danse de séduction certes, mais surtout hymne à la virilité locale que la gente masculine ne se prive pas ici d’exhiber : cheveux gominés, costumes à l’Italienne, chaussures lustrées impeccables - ou chemises ouvertes sur torses velus, ceinturons de cuir et bottes - selon que l’on soit citadin ou gaucho venu faire sont petit tour en ville. Plutôt rigolo, même si je force un peu le trait.

Le foot est ici une deuxième religion, entretenue par la rivalité avec le grand voisin Brésilien. Il faut dire que les relations entre les deux pays a parfois quelque chose de grand guignolesque pour qui voit cela de loin. C’est Tango contre Samba et les plaisanteries fusent entre les deux pays à la matière de celles entre Belges et Français. Sauf que nous n’avons ni tango, ni surtout Samba, dommage… et que la musette ne fait plus fantasmer grand monde.
Mais pour en revenir sur les relations tumultueuses entre Argentins et Brésilien, je me demande s’il n’y aurait pas derrière tout cela qu’une histoire de jalousie entre deux cultures latines hautes en couleurs ? D’un côté les Brésiliens envieux de la virilité Argentine quelque peu machiste exprimée dans le Tango, de l’autre les Argentins envieux (on les comprend) de la sensualité féminine brésilienne exprimé dans la samba.
Théorie « à 2 balles », je vous l’accorde, qui bien sûr n’engage que moi ; et encore…

dimanche 4 septembre 2011

Vol de jour

Samedi fin d’après-midi, nouveau départ vers l’Amérique Latine : 45 minutes de voiture jusqu’à l’aéroport de Nantes pour un petit vol vers Paris attraper la connexion du vol de nuit vers Sao Paulo. Pas vraiment envie de partir en plein week-end, mais les « optimisations d’agenda » sont parfois (souvent) nécessaires.

Le temps est à l’orage, ciel chargé de spectaculaires cumulonimbus bourgeonnant verticalement, tel des choux fleurs géants dont le sommet se heurte à la stratosphère en dessinant de gigantesques enclumes. L’avion zigzague doucement entres ces énormes usines électriques volantes qu’il faut mieux éviter si l’on veut ne pas se faire secouer violemment. La lumière décroissante de cette fin d’après-midi ajoute au spectacle, belle partie de pilotage pour ceux qui ont la chance de tenir les commandes.
Atterrissage agité sous les trombes d’eau à Charles de Gaulle. Au freinage les aérofreins moteurs propulsent une gerbe de bruine épaisse vers l’avant de l’appareil, comme s’il se trouvait piégé dans une tornade d’où il ne parvenait pas à s’extraire.

Retour au calme dans l’aérogare. Sans plus d’explication un SMS m’indique que le vol pour Sao Paulo prévu ce soir est reporté à demain matin 8h. Merde ! Le programme déjà tendu va se compliquer et il va falloir se taper un vol de jour.

Soirée sans intérêt dans un hôtel sans âme aux frais d’Air-France. La moindre des choses. En fait l’appareil que nous devions prendre serait resté en Asie pour problème technique, et il a fallu en préparer un autre. D’accord, mais dans ce cas ils auraient quant même pu prévenir plus tôt.

Chargement particulièrement lent de l’appareil, par bus, au large de l’aérogare 2F.
Nous finissons par décoller à 9h.
C’est parti pour un long vol de jour contre le temps, 11 heures pour dessiner une belle trajectoire vers le sud-est croisant l’équateur au dessus de l’Atlantique.
A travers le hublot, loin sous l’appareil, les petits cumulus clairsemés ressemblent à de délicates fleurs de coton flottant au dessus de l’océan qui projettent leurs ombres furtives sur les flots moutonneux.
De temps à autre on distingue un navire laissant derrière lui un sillage d’écume telle une fléchette sur la mer, comme une réponse à l’éphémère trainée de condensation dessinée dans l’azur par notre triple 7.
A l’horizon, ciel et mer se confondent dans un dégradé laiteux marqué d’une fine ligne brune semblable à la tranche d’une galaxie photographié par Hubble.
A bord quelques hublots restés ouverts diffusent d’éblouissants rayons de lumineux, tel des rayons laser illuminant la cabine. Nous ne sommes plus vraiement sur terre, envahis par une douce torpeur, bercés par le ronronnement régulier des moteurs de notre beau « vaisseau » blanc.
...
Heure d’arrivée 14h57 indique le moniteur de contrôle. Encore 6 heures de vols tandis que nous fonçons à 900 km/h vers le Brésil sans réelle impression d’avancer, paradoxe du voyageur aérien pour qui, malgré la vitesse de déplacement, le temps continue de s’écouler lentement.