dimanche 21 août 2022

Biens temporels contre biens célestes

 
Et maintenant on fait quoi ?
          -  Il est peut-être temps de rentrer tu ne crois pas...
-        - Déjà ?
-        - Puisqu’il faut s’y résoudre regardons la carte.
-        - Les hospices de Beaune ?
-        - Pourquoi cette idée ?
-        - J’sais pas. C’est sur notre route et il parait que c’est très joli.
  
De bon matin nous entrons dans les hospices par une petite porte qui ne paye pas de mine donnant sur une rue pavée. Déjà quelques visiteurs se pressent en ce lieu qui, dans mon imaginaire ignorant, est étroitement lié à la culture viticole Bourguignonne. Mais c’était sans compter sur la découverte d’un lieu unique crée au 15ème siècle par Nicolas Rolin et Guigone de Salins.
Ces deux-là étaient visiblement très amoureux mais vivaient dans la crainte de Dieu, ou plutôt du jugement dernier. Lorsqu’il serait question d’évaluer les mérites de la vie terrestre contre ceux à venir de la vie éternelle. Sacré enjeu qui, à l’époque, et sans doute pour certains encore de nos jours, hantait l’existence jusqu’à en diaboliser l’issue.
Alors, pour assurer le coup, Nicolas et Guigone, surtout Nicolas au tout début – avaient-il plus de pêchés à se faire pardonner – décida de créer une fondation de bienfaisance dédiée « au soin des pôvres ». Il faut dire que chancelier des Ducs de Bourgogne, Nicolas avait été richement doté. De là à culpabiliser sur l’intégrité de ses émoluments et de les absoudre en réinvestissant une partie significative dans cette œuvre ? Car Nicolas ne s’en cacha pas : « ... dans l’intérêt de mon salut, désireux d’échanger contre des biens célestes, les biens temporels [...] je fonde, et dote irrévocablement en la ville de Beaune, un hôpital pour les pauvres malades ... »
On ne peut plus clair le Nicolas.
 
Mais ne boudons pas notre plaisir. La découverte des hospices est un ravissement tant l’œuvre est grandiose. De là-haut, Nicolas et Guigone peuvent être fiers de leur contribution terrestre presque 600 ans après leur initiative. Et il faut bien reconnaître que cette perspective prend une dimension vertigineuse tant l’œuvre a prospéré au long des siècles. Pas de doute qu’ils aient atteint leur objectif dans ses dimensions temporelles et intemporelles.
 
Le bâtiment est à lui seul majestueux, savamment construit sur une petite rivière permettant d’en disposer à volonté tant pour l’approvisionnement en eau que l’évacuation des déchets. On n’est jamais trop pratique.
La pièce maîtresse de la construction est une très grande salle où sont disposés latéralement les lits des malades isolés par des cloisons de bois et des rideaux.
La charpente monumentale de la construction, richement ouvragée, donne sur un plafond vouté joliment décoré de couleurs chaudes. En perspective, la chapelle attenante d’où la lumière divine éclaire un crucifix à travers un élégant vitrail polychrome. Entrer dans ce lieu était certainement déjà une partie du traitement promulguée aux indigents de passage qui échappaient, pour un temps, à leurs conditions misérables et bénéficiaient de soins prodigués par des religieuses dévouées.
 
Il y aurait tant d’autre à dire sur ces hospices. Le plus remarquable est très certainement l’ensemble des services annexes développés pour les besoins de la cause. Tout particulièrement des techniques thérapeutiques et de pharmacopées, et leurs évolutions au long des siècles : depuis les saignées et lavements permettant "d’évacuer les miasmes d’un corps croupis", jusqu’aux techniques de radiologie contemporaines. Car, tout à fait remarquable, avant de devenir un passionnant musée, l’hôpital à fonctionné jusque dans les années 1970 !
 
Et au fait, le lien avec la culture viticole bourguignonne ?
Bien oui, jusqu’à une période pas si ancienne, l’eau généralement insalubre n’était pas recommandée comme boisson... Et de la même façon que de bonnes Abbayes avaient développé les techniques de brassage de bière pour la rendre buvable, ici on développa la vinification qui, de fonction purement pratique, a été portée au pinacle de la viticulture.
 
 

vendredi 19 août 2022

Plus léger que l'air

 
Il est fort possible que Friedrischafen ne vous dise rien, ou pas grand-chose.
Peut-être une petite connotation impériale très 19ème siècle ?
Pas faux, mais pas seulement. En plus du lieu de villégiature de la bonne société teutonne de cette époque sur les rives du Lac de Constance, en Allemagne, elle fut (est), le théâtre d’une saga unique dans l’histoire du vol humain piloté.
Sous la houlette du génial inventeur Ferdinand Von Zeppelin, sont nées ici les légendaires machines qui portent son nom. En réalité les plus grandes structures volantes jamais construites qui, dans l’imaginaire collectif, occupe une place à part.
Imaginez un engin volant de la taille d’un paquebot, plus de 220 mètres - trois fois plus long qu’un A380 - évoluant avec grâce presque en silence au-dessus de vos têtes. Ce fut le cas des grands Zeppelins dans les années 1930.
Plus léger que l’air, ils transportèrent autour du monde jusqu’à plus d’une centaine de passagers à la fois dans un luxe et confort inégalés : cabines individuelles avec cabinets de toilette, cuisine de qualité, salons et autres services hauts de gammes intégrant la possibilité d’envoyer des messages radiotélégraphiés pendant le vol... 
 
Voyager prenait alors une toute autre dimension. A 3000 mètres d’altitude et 120 km/h, il fallait trois jours pour traverser l’Atlantique dans une véritable navigation céleste au sens le plus strict du terme. L’équipage devait faire croiser le vaisseau dans les airs, contournant les zones de mauvais temps, naviguant au soleil et aux étoiles, avec compas et sextant, dont les coordonnées étaient soigneusement reportées au crayon sur de grandes cartes papier. La notion de voyage au long cours atteignait alors son paroxysme tant ces odyssées en trois dimensions en étaient la quintessence.
Imaginez aussi le prestige romantique des hommes pilotant de telles machines. Et que dire de la fierté de leurs constructeurs, ingénieurs et ouvriers ayant œuvré à leurs réalisations !
Lorsque l’on parcourt les allées du musée Zeppelin, on prend conscience de la beauté de l’œuvre et de son gigantisme. L’enveloppe géante rigide faite de dizaines de milliers de pièces d’aluminium soigneusement assemblées et rivetées : les photos et reproduction montre un mécano de la taille d’une cathédrale. Quelle audace de l’imaginer ! La réalisation tenait du génie. Et ce poste de pilotage unique, que l’on dirait tout droit sorti de l’imaginaire de Jules Verne, où des barres de bateau permettaient de gouverner l’engin sur ses trois axes, tandis que les mécaniciens soignaient les moteurs du dirigeable comme on le ferait de gros animaux délicats.
 
Aujourd’hui, ces dinosaures ont disparu. Victimes de l’évolution technologique que Darwin
n’aurait pas démentie, et dont les gagnants ont été les plus rapides : les avions. Mais pas seulement. Sans doute ont-ils aussi été victimes des circonstances, le cataclysme du régime Nazi auquel Von Zeppelin et ses successeurs s’étaient clairement opposés, l’accident (ou le sabotage) du Hindenburg à son arrivée dans le New-Jersey en 1937, et la 2ème guerre mondiale au sortir de laquelle la monde avait changé.
 
Pourtant, quand on musarde aujourd’hui sur les bords du Lac de Constance à Friedrischafen, et que le regard se perd sur les perspectives des flots scintillants au coucher du soleil, impossible de ne pas apercevoir les lointains descendants de ces géants promenant des touristes pour une expérience à nulle autre pareille, voler avec grâce dans une belle machine plus légère que l’air.
 
 
 

lundi 15 août 2022

Douceur Slovène

 
Tout juste descendu des nuées d’altitude des Dolomites, nous rejoignons Lubiana, capitale de la Solvénie, où nous enfourchons nos vélos pour une découverte de la ville en musardant (pas tout à fait) au hasard.
Règne ici la « coolitude » singulière d’un peuple qui a pris son destin en main d’une manière tout à fait remarquable. Issue de l’ex-Yougoslavie, la Slovénie est née de la volonté ce ceux qui y habitent de former une nation libre, indépendante et prospère. Au moment de la scission de la Yougoslavie, ils ont évité de sombrer dans une guerre destructrice – moins de 70 morts dans des escarmouches avec l’armée Yougoslave – pour, avec seulement 2 millions de citoyens, construire une société où il fait bon vivre.
Peu de ressources naturelles autre qu’une très belle nature, pas beaucoup plus d’industrie, mais des principes et une rigueur dans la mise en œuvre d’un projet de société qui force l’admiration. A tel point qu’en moins de 15 ans ils ont rejoints l’UE et dépassé le niveau de vie de Portugais ou des Grecs.
Comment est-ce possible ?
Une constitution formulée par des hommes et des femmes de conviction, des règles claires -  notamment budgétaires - appliquées avec rigueurs, apparemment peu de corruption, une système éducatif moderne. Et cela se voit. Le pays est tenu. Les gens travaillent et payent leurs impôts sans rechigner, probablement conscient que si peu nombreux ils doivent agir collectivement pour tirer leur épingle du jeu dans le concert des nations dites développées. C’est « propre et carré », le patrimoine architectural entretenu et réhabilité (ou en cours), la culture semble foisonner et, tout à fait remarquable, l’absence d’étalage de richesses ostentatoires dans les rue de la capitale, mais une certaine douceur de vivre choisie et assumée.
Evidemment tout n’est certainement pas rose, et notamment la démographie atone. Mais le
charme agit et l’on se laisse porter par l’atmosphère de cette ville (et de ce pays) qui, bien que modeste et discret, aurait sans doute à nous apprendre sur une certaine manière du bien vivre ensemble, cette valeur essentielle qui semble s’évanouir dans les fractures de notre société peut-être trop gâtées pour simplement se rendre compte de la chance de vivre dans une « grand pays » comme le nôtre.

 

 

vendredi 12 août 2022

Le 8ème jour Dieu créa Les Dolomites

Randonner dans les Dolomites est une expérience sensorielle dont je doute pouvoir vous restituer toute l’intensité, tant elle est puissante du point de vue esthétique qu’émotionnelle.

Partir au petit matin permet de profiter de la caresse des premiers rayons du soleil et de leur incroyable mise en lumière du chef œuvre naturel qui nous attend. Se lever tôt, prendre un café et démarrer sans tarder dans la fraîcheur d’altitude. Le corps se met doucement en mouvement, stimulé par la marche d’approche engagée nous conduisant à près de 3000 m vers les "Tre Cime di Lavaredo", merveilles géologiques de ces montagnes crayeuses dont l’érosion a sculpté les massifs en une multitude de cimes acérées comme des flèches de cathédrales.

Sur 360°, entre ombre et lumière les reliefs se superposent tel les décors d’un théâtre géant. Les masses calcaires illuminées par les premières lumières prennent alors les couleurs chaudes du levant, tandis que les nuages vaporeux qui s’y accrochent ajoutent un mystère presque surnaturel au panorama.

On ne sait plus où donner de la tête tant il y a voir. Tout semble si parfait avec l’ascension de l’astre du jour qui fait tourner les ombres en dissipant les dernières brumes matinales...

Nous franchissons un petit col ouvrant la perspective sur les les 3 cimes. Telles les tours d’un château fort elle se dressent face nous, majestueuses, dominant le paysage de leur masse imposante dans un équilibre parfait. 

La course se poursuit de refuge en refuge. Comme de la neige légère ajoutant une touche de poésie au paysage, des crêtes s’écoulent l'érosion calcaire formant des congères dans les cicatrices rocheuses. Plus loin l’artiste a posé un lac émeraude reflétant les nuages, nouvelle perspective inattendue au tableau. S’arrêter pour admirer. Subjugués par tant de beauté on en perd la notion du temps. Seul l’instant compte, suspendu par la puissance esthétique de cet environnement unique. On ne parle pas. Et d’ailleurs que pourrait-on (se) dire ?

Reprendre la progression vers un petit col où a été installé un mât soutenu par 3 haubans ornés de drapeaux à prières dispersant leurs songes vers l’univers. Impossible de ne pas s’y arrêter pour rendre grâce à cette nature et au moment qui nous est offert.

Le soleil est maintenant haut dans l’azur d’un bleu profond. L’indigo unique des montagnards et des aviateurs qui ont la chance de le voir à chaque vol lorsque l'avion transperce la couche nuageuse.

Quel jour sommes-nous ? Quelle heure est-il ? Tout cela n’aurait plus d’importance si nous ne devions reprendre bientôt le cours habituel de nos existences. 

  

 

 

 

 

mercredi 10 août 2022

Dolce Vita

 
L’ambiance sur les bords du Lac de Garde à ce quelque chose d’unique que l’on ressent aussi peut-être sur la Riviera Française ou Italienne : une très belle lumière irisée par les flots qui donne un air de fête au paysage, des bateaux, de jolies maisons de caractère au milieu de parc arborés d’élégants cyprès au port altier, des gens « riches », vieux beaux et belles promenant leurs chiens, des familles de vacanciers en goguettes, quelques belles voitures également, et cette légèreté romantique où il fait bon musarder avec son âme sœur dont on se sent du coup plus proche.
 
On s’arrête regarder passer les gens à la terrasse d’un café en sirotant espresso, ristretto ou macchiato, profitant de la brise légère tempérée par les eaux. Puis, sans parler, tandis que les pensées divaguent, le regard se perd sur les flots ondoyants.
 
-      On n’est quand même pas mal...
-   Tu crois ?
-      Ben oui j'trouve.
-      On reprend un café ?
-      Pourquoi pas...
 
Et l’on retombe dans cette douce indolence propre aux vacanciers qui, pour une courte parenthèse, se laissent porter sans contrainte par le temps qui passe.
 
Reprendre les vélos et flâner sur le chemin côtier, entre les piétons, sans plus d’objectif. Faire demi-tour par ce que c’est juste le moment et revoir le paysage à l’envers en croisant les gens dépassés à l’aller. S’arrêter pour acheter quelques fruits frais à un marchand ambulant et se reposer la question importante du moment :
-       T'as envie de faire quelque chose ?
-       Non, rien de particulier. Peut-être se baigner ce soir ? Et toi ?
-       Juste continuer comme ça. 
 
 
 

lundi 8 août 2022

Gratitude

 
Hautes Alpes Italiennes : nous stoppons dans un cul de sac sur les hauteurs de la vallée de Cogne. Un bout du monde où la route s’arrête pour laisser place à une nature encore vierge au cœur du parc naturel « Gran Paradiso », le bien nommé.
D’ici partent une multitude de sentiers de grandes randonnées, promesses de belles découvertes doublées de sensations uniques si l’on accepte l’engagement physique nécessaire pour y accéder.
Ca commence toujours doucement à la sortie d’un village. Là où randonneurs et alpinistes démarrent pour aller au large, une journée ou plusieurs selon la longueur de la course. 
Après avoir vérifié la météo, on part toujours plein d’entrain, cœur léger, bien chaussés, matériels et pique-nique dans le sac à dos, casquette et lunettes de soleil. L’objectif de la journée est un lac d’altitude.
Il fait encore frais. Nous remontons le lit d’un torrent à l’eau bleue verte s’écoulant « joyeusement » entre les rochers arrondis. Ce bruit, reconnaissable entre tous, presqu’entêtant si nous ne le connections à une certaine idée de nature préservée qui rappelle les vacances à la montagne de notre enfance.
La pente du sentier devient plus forte, tout comme le courant. Le bruit plus soutenu aussi, presque disproportionné, comme s’il se passait quelque chose dans la montagne qui se dresse face à nous. En contre-jour une bruine légère diffracte un arc-en-ciel évanescent. Puis l’on découvre une cascade tombant des rochers en surplomb. Toujours magiques ces chutes d’eau que l’on ne se lasse pas de regarder comme les flammes d’un feu de camp.
De forte, la pente devient raide, voir abrupte. Succession de marches rocheuses entre les racine d’arbres centenaires de la dense foret de conifères. Grimper demande un réel engagement physique avec cette sensation que ça n’en finira jamais.
Le sentier serpente entre les arbres dans une agréable pénombre rafraîchissante. Tels des rayons laser, quelques rares rayons du soleil traversent la canopée jusqu’au sous-bois humide et odorant. On croit apercevoir la sortie de la forêt vers les alpages, mais c’est une fausse impression. Monter encore en gérant son souffle plus court par l’altitude.
C’est alors la délivrance. Derrière les arbres de vastes prairies d’alpage verdoyant s’étalent sous nos yeux. Tels de gros animaux au repos, quelques rochers agrémentent ce paysage en pente douce dominé par les sommets acérés alentour, monde d’une autre dimension minérale, brute, inhospitalière.
Derrière nous, la ligne du Mont-Blanc et des Grandes Jorasses s’étale en majesté, blancheur immaculée piquetée de quelques flèches de cathédrales léchées par les premiers cumulus en formation. Vision qui à elle seule vaut la ballade tant par ses dimensions que l’imaginaire qu’elle génère. Souvenir de belles ascensions engagées qui reviennent en masse et feraient bien replonger dans de tels projets...
 
Nous sommes à un peu plus de mi-parcours, maintenant à découvert sous un soleil radieux. Encore un col à franchir pour découvrir le lac d’altitude. Nous apercevons le passage étroit au creux d’un V formé entre deux montagnes. Il parait à quelques encablures mais les distances sont trompeuses. Il faut reprendre l’effort, celui de nos lointains aïeuls dont c’était la raison de vivre. « Vivre et survivre » dans le milieu naturel dont nous sommes issus. Alors que pour nous il n’est plus question que de plaisir, celui de ce contact intime, si rare, avec la nature.
 
Encore quelques centaines de mètres et c’est la récompense. Se découvre sous nos yeux un joyau naturel. Niché au creux du relief, le petit lac bleu, miroir naturel reflétant le paysage alentour. Instant de communion parfait avec les éléments qui nous accueillent. 
Rien à ajouter ni enlever, juste contempler avec gratitude.
 
 
 

dimanche 7 août 2022

La fin du monde...

En route vers l’Italie, nous traversons la France dans une ambiance caniculaire de fin du monde : plus de 40° à l’ombre et 54° au soleil indiquent les thermomètres de Gemini. Vous avez bien lu, cinquante-quatre degrés ! Cela me fait penser à l’atmosphère dans l’album de Tintin, L’Etoile Mystérieuse. Les radios ne parlent que de ça : réchauffement climatique, sécheresse historique, incendies gigantesques, restriction d’eau, impacts agricoles, effets sur la santé... Sans parler des réseaux sociaux où des oiseaux de mauvais augures relaient toutes sortes de théories plus ou moins fumeuses sur les raisons d’une « catastrophe annoncée ». 
Comme dit Flo, c’est un peu flippant !
 
Climatisation à fond, dans notre vaisseau la température reste supportable. Derrière les vitres brûlantes l’air vibre comme au-dessus d’un brasier. Le bitume des routes secondaires ressemble à du réglisse fondu et le tapis herbeux de bord de chaussée n’est qu’un souvenir. Même les arbres perdent leurs feuilles rabougries par la brulure du soleil, tandis que les cours d’eau ne sont plus qu’un souvenir. C’est vrai que la situation est assez anxiogène, au point de presque nous culpabiliser de voyager au long cours.
Car il s’agit bien de la thèse de certains : changer radicalement de mode de vie, passer en mode décroissance pour sauver la planète. Consommer moins. Se déplacer moins. Peut-être communiquer moins aussi. Tout cela au nom d’une idée consistant à penser que les responsables du fléau étant principalement les activités humaines - ce qui n’est pas faut - il serait donc possible de revenir en arrière en rembobinant le film de nos existences au nom d’un « c’était mieux avant ».
Ben oui, simple vu comme cela. Mais sans doute ni réaliste ni possible. Car le genre humain est ainsi fait qu’il se projette vers un avenir meilleur par l’innovation. Ce comportement singulier qui nous a fait inventer le feu et développer sans cesse de nouvelles solutions aux problèmes rencontrés. C’est là toute l’intelligence de notre espèce. L’essence des progrès qui nous ont permis de prospérer, au point de dominer la planète et jusqu’au point de déséquilibre actuel. Car le constat est là, incontestable, comme un nouveau défi à notre créativité qui va devoir imaginer de nouvelles options. Et ce ne sera pas en revenant en arrière mais bien en innovant pour la production d’énergie, la mobilité, l’industrie, l’agriculture, les services et j’en passe. 
 
Pour cela il va donc falloir travailler dur. Ce qu’on fait nos parents pour nous offrir le « confort moderne ». Peut-être même plus dur qu’avant. Surement pas revenir en arrière.
 
En attendant passons tous un bel été ! Chaud !

 

vendredi 5 août 2022

Du Matrimandir à l'Abbatiale de Conques...

A peine remis de nos pérégrinations Indiennes que nous voilà repartis pour un road-trip Européen à bord de notre fabuleux Gemini (camion de voyage aménagé sur base Mercedes Sprinter 4x4. Une merveille pour les ballades au long cours en totale autonomie...)

Comme un fait exprès, la première étape nous fait arriver à Conques, où un ami nous attend pour une visite de l’Abbaye, haut lieu des chemins de Compostelle, nichée dans l’Aveyron au creux de l’étroite vallée du Dourdou.

La porte principale de la solide abbatiale de pierres rouges donne sur une petite place pavée circulaire autour de laquelle s’enroulent de jolies maisons moyenâgeuses à colombage. L’unité architecturale simple et remarquable a été préservée de l’outrage du temps. Et il ne fait aucun doute qu’aujourd’hui encore les bâtisseurs retrouveraient l’esprit de leurs constructions. Imaginer revoir l’arche de la Défense dans son environnement à « l’identique » en l’an de grâce 2922...

Si l’abbatiale construite sur 8 générations est en tant que telle remarquable, le tympan – sculpture ornant sa porte principale – est un rare chef d’œuvre qui nous plonge en deux dimensions dans la mythologie profonde de la chrétienté : de gauche à droite « le bien » et « le mal » représentés par les saints élus au paradis et les damnés de l’enfer. De bas en haut le passé et l’avenir. Et bien sûr Jésus, Dieu le rédempteur bienveillant, au-dessus de tout.

Comme un miracle, cette sculpture d’une remarquable précision a traversé les siècles sans une égratignure. S’y dégage une vraie joie, comme dans une bande dessinée simple et expressive à l’attention des pèlerins de passage pour la plupart illettrés. Juste regarder pour comprendre l’histoire illustrée et colorisée - dont il reste d’ailleurs encore quelques traces polychromes - avant d’entrer dans le lieu de culte. Aujourd’hui exposée dans une annexe sécurisée, y trônait en majesté la statue-reliquaire de Sainte Foy. L’impression devait être tout à fait saisissante. Depuis la jolie place claire inondée de soleil, on entrait dans la pénombre de l’imposante abbatiale. Par différence il y faisait presque noir. On avançait religieusement entre les hautes piles, le regard très certainement aimanté par la statue en or rehaussée de pierre précieuses scintillantes sous le faible éclairage de bougies en appoint des rayons lumineux tombant des vitraux.

Que pouvaient ressentir ces pèlerins devant tant de magnificence ? Eux qui pour la plupart vivaient dans de rudes conditions sans la moindre idée des beautés du vaste monde.

De tels moments ne pouvaient que conforter leurs croyances, cette foi chrétienne prônée par un clergé qui, à l’époque, en récoltait pleinement les fruits par le truchement d’un modèle économique parfait : se faire payer les peines de la vie terrestre contre l’assurance du paradis.