vendredi 19 août 2022

Plus léger que l'air

 
Il est fort possible que Friedrischafen ne vous dise rien, ou pas grand-chose.
Peut-être une petite connotation impériale très 19ème siècle ?
Pas faux, mais pas seulement. En plus du lieu de villégiature de la bonne société teutonne de cette époque sur les rives du Lac de Constance, en Allemagne, elle fut (est), le théâtre d’une saga unique dans l’histoire du vol humain piloté.
Sous la houlette du génial inventeur Ferdinand Von Zeppelin, sont nées ici les légendaires machines qui portent son nom. En réalité les plus grandes structures volantes jamais construites qui, dans l’imaginaire collectif, occupe une place à part.
Imaginez un engin volant de la taille d’un paquebot, plus de 220 mètres - trois fois plus long qu’un A380 - évoluant avec grâce presque en silence au-dessus de vos têtes. Ce fut le cas des grands Zeppelins dans les années 1930.
Plus léger que l’air, ils transportèrent autour du monde jusqu’à plus d’une centaine de passagers à la fois dans un luxe et confort inégalés : cabines individuelles avec cabinets de toilette, cuisine de qualité, salons et autres services hauts de gammes intégrant la possibilité d’envoyer des messages radiotélégraphiés pendant le vol... 
 
Voyager prenait alors une toute autre dimension. A 3000 mètres d’altitude et 120 km/h, il fallait trois jours pour traverser l’Atlantique dans une véritable navigation céleste au sens le plus strict du terme. L’équipage devait faire croiser le vaisseau dans les airs, contournant les zones de mauvais temps, naviguant au soleil et aux étoiles, avec compas et sextant, dont les coordonnées étaient soigneusement reportées au crayon sur de grandes cartes papier. La notion de voyage au long cours atteignait alors son paroxysme tant ces odyssées en trois dimensions en étaient la quintessence.
Imaginez aussi le prestige romantique des hommes pilotant de telles machines. Et que dire de la fierté de leurs constructeurs, ingénieurs et ouvriers ayant œuvré à leurs réalisations !
Lorsque l’on parcourt les allées du musée Zeppelin, on prend conscience de la beauté de l’œuvre et de son gigantisme. L’enveloppe géante rigide faite de dizaines de milliers de pièces d’aluminium soigneusement assemblées et rivetées : les photos et reproduction montre un mécano de la taille d’une cathédrale. Quelle audace de l’imaginer ! La réalisation tenait du génie. Et ce poste de pilotage unique, que l’on dirait tout droit sorti de l’imaginaire de Jules Verne, où des barres de bateau permettaient de gouverner l’engin sur ses trois axes, tandis que les mécaniciens soignaient les moteurs du dirigeable comme on le ferait de gros animaux délicats.
 
Aujourd’hui, ces dinosaures ont disparu. Victimes de l’évolution technologique que Darwin
n’aurait pas démentie, et dont les gagnants ont été les plus rapides : les avions. Mais pas seulement. Sans doute ont-ils aussi été victimes des circonstances, le cataclysme du régime Nazi auquel Von Zeppelin et ses successeurs s’étaient clairement opposés, l’accident (ou le sabotage) du Hindenburg à son arrivée dans le New-Jersey en 1937, et la 2ème guerre mondiale au sortir de laquelle la monde avait changé.
 
Pourtant, quand on musarde aujourd’hui sur les bords du Lac de Constance à Friedrischafen, et que le regard se perd sur les perspectives des flots scintillants au coucher du soleil, impossible de ne pas apercevoir les lointains descendants de ces géants promenant des touristes pour une expérience à nulle autre pareille, voler avec grâce dans une belle machine plus légère que l’air.
 
 
 

Aucun commentaire: