samedi 22 février 2020

Veille de Carnaval


Dans la ville règne comme une sorte de légèreté. De celle ressentit chez nous, quand les décorations étincelantes créent l’atmosphère joyeuse des périodes de Noël. Et d’ailleurs, c’est un peu comme si, avec leurs étoiles scintillantes suspendues au-dessus des rues piétonnières, les guirlandes lumineuses installées pour les fêtes de fin d’année faisaient des heures supplémentaires.

Ici les gens parlent fort. Et la petite musique des conversations à bâton rompu sur les terrasses des bars à tapas ressemble à la bande son d’un film en VO.
Quelques vitrines étalent costumes et accessoires de fête, tandis que l’on croise des passants tout sourire, visages maquillés, affublés de tenues de parade avec paillettes, plumes et rubans chamarrés. 

Au hasard, on s’arrête prendre un « café solo » à la terrasse ombragée d’une gargote des vieux quartiers coloniaux. Délicieuse ambiance surannée sous des palmiers hors d’âge qui auraient tant à raconter.
Regarder les gens est un passe-temps de voyageur à l’affut de ces différences qui font le charme de ces petits moments hors du temps, où l’on se laisse porter par l’ambiance de lieux différents de ses repères habituels. Et nous ne boudons pas notre plaisir.
Venant d’on ne sait où, le son de percussions ajoute une touche sonore inattendue. Il se prépare quelque chose… Puis la couleur unique de cris d'enfants montant de la cours d’une école de quartier. Fermer les yeux, se laisser porter, profiter de l’instant.
Au détour d’une ruelle, guidé par parents et maîtresses, un groupe de tous petits déguisés en dragons parade à la queue leu leu. La ville retient son souffle. Demain les habitants de Santa Cruz de Tenerife vont se lâcher pour l’un des plus beaux carnavals du monde.



mercredi 19 février 2020

Instant parfait


Au-dessus de 3000 mètres d’altitude, la limpidité du ciel n’a d’égal que son bleu indigo qu’aucune pierre précieuse ne saurait égaler. Seuls quelques privilégiés peuvent apprécier cette lumière cristalline magnifiant le paysage : alpinistes sur leurs balcons à flanc de montagne, aviateurs dans leurs cockpits, ou encore astronomes depuis la coupole entrouverte de leurs observatoires d’altitude avant que les étoiles ne s’allument.

Gravir les pentes du volcan El Teide sur l’île de Tenerife – archipel des Canaries – offre toutes ces dimensions.
Sortie des entrailles de la terre sous la poussée du magma incandescent, le pic s’élève en un cône presque parfait jusqu’à 3700 mètres. Sur ses pentes régulières, des coulées de laves refroidies – fleuves figés d’improbables ruissellements rocheux – s’effondrent à la base du volcan en un capharnaüm minéral d’une puissance saisissante.
Plus bas, des petits cratères aux proportions parfaites prolongent la perspective plongeant sous la couche nuageuse. La nature en grand, encore « sauvage » comme l’on dit souvent. Drôle d’expression quand même. Comme si, ce qui n’a pas été façonné par l’Homme, gardait un caractère farouche… Alors que tout n’est que beauté et harmonie. Le paysage semble posé sur un tapis cotonneux recouvrant, comme pour nous le cacher, le brouhaha de la terre façonnée par l’Homme où nous nous sentons en sécurité.
Et si, ici, l’air est plus rare, la pureté des molécules stimule le cerveau comme nul par ailleurs.

Au large, comme au ralenti, un liner glisse en final vers l’aéroport international, avant de disparaître dans la couche dense de cumulus.
De mon belvédère, pas d’autre bruit que ceux de mon propre corps. Histoire de se sentir bien vivant. Seuls indices de présence humaine, au loin, telles des champignons géants, les coupoles blanches de l’observatoire astronomiques attendent la nuit pour braquer leurs instruments vers les profondeurs de l’univers.
Rien à ajouter ni à enlever à cet instant parfait.


samedi 1 février 2020

Démocratie

En haut du Centennial Olympic Parc d’Atlanta, l'Atrium du CNN Center est un endroit à ne pas manquer. Des tables – disposées dans ce vaste square couvert, autour duquel on peut acheter la junk-food locale – accueillent visiteurs de toutes origines venus ici humer l’air du journalisme d’information branché en continue sur l’actualité de la planète : défilement de breaking-news sur les écrans géants où les images se succèdent, comme un kaléidoscope de la dynamique du monde.
Sont assis là des hommes d’affaires tapant frénétiquement sur les claviers de leurs laptops derniers modèles, des ouvriers du bâtiment mangeant un bout à deux pas de leur chantier sur Marietta Street, des étudiants installés sur les marches de l’escalier monumental grimpant jusqu’au globe terrestre dominant le vaste hall. Et en perspective, une bannière étoilée, impeccablement tendue entre de plus petits drapeaux aux couleurs de CNN, complètent ce décor des années 90 qui mériterait sans doute un petit rafraichissement.

J’attrape un café au Starbucks corner et m’installe au hasard à une table déjà occupée par une famille d’Indonésiens, ou peut-être de Bengalis. On se sourit sans se parler. Ils sont entre eux. Je suis tout seul. Nous sommes de passage.

« Les faits, rien que les faits », rappelle une charte affichée à l’entrée des lieux. Et le fait marquant du moment est le procès en destitution contre Donald Trump.
Comme une mauvaise série B, les images un peu surréalistes des dépositions et réquisitions, en direct devant le sénat des Etats-Unis. Et ce qui pourrait sembler un peu ridicule prend ici une toute autre dimension. Rien de moins que l’illustration XXL de ce qu’est la démocratie. Celle-là même qui peut porter au pouvoir le plus improbable des Présidents, puis tout aussi bien le remettre en cause, pour faits de corruption et de trafic d’influence, devant ceux qui l’ont élu. Et cela se déroule en temps réel, aux yeux de tous, chacun pouvant se faire ainsi sa propre opinion.
Cela pourrait sembler surfait, exagéré, peut-être même un peu vulgaire. Comme un spectacle de décadence. Mais finalement, ce à quoi nous assistons n’est autre que l’essence de la liberté d’expression. Celle où pouvoirs et contre-pouvoirs s’expriment librement, sans filtre, avec subjectivité, permettant de se faire sa propre opinion.
Trump ne sera probablement pas destitué, encore soutenu au sénat par une majorité conservatrice campée sur des valeurs dépassées. Pour autant, la procédure est bien en cours.

Quel autre pays dans le monde peut se targuer d’une telle transparence ?