mercredi 21 août 2013

Cuisine Vietnamienne


"Temple Club", un bon restaurant du centre ville de Saigon.
Décors postcolonial soigné : boiseries patinées, murs de briques, plafond blanc d’où descend un grand ventilateur, tableaux d’époques ; le tout dans une agréable ambiance lumineuse tamisée. Nous sommes installés à une table ronde dans un coin de la salle principale. J’ai invité les responsables de nos équipes travaillant au Vietnam où notre Groupe se développe rapidement tant en volailles, porc, qu’aquaculture, avec des implantations physique sur le pays. Ils sont Vietnamiens bien sûr, mais aussi Européens et Américains. Et c’est un privilège que d’animer cette équipe en travaillant avec des hommes aux cultures si différentes au service d’un même projet d’entreprise.

Des serveurs zélés tirés à 4 épingles nous apportent la carte dont la seule lecture stimule les papilles : rouleaux de printemps, porc au caramel, poulet curry, soupes et autres délicieux desserts. Même si c’est un peu-surfait la cuisine est de qualité.
Pourtant la gastronomie n’est pas l’objectif principal du dîner, mais le prétexte pour créer du lien en partageant un moment agréable et informel permettant de dépasser les différences, ou plutôt de les faire apprécier comme autant de saveurs complémentaires d’un même plat aux riches saveurs.
Qu’y a-t-il de commun entre une Américain de 1m90 pour 100 kg et un Vietnam de 1m60 et 55 kg « tout mouillé », lorsque face à l’assiette le premier avale un steak capable de nourrir la famille entière du second ?
Que ressent un Européen se retrouvant à l’autre bout du monde dans un cadre colonial ressemblant aux maisons bourgeoises de nos provinces ?
Apprécie t-on un plat de la même façon qu’il soit avalé à la fourchette ou mis en bouche entre deux baguettes ?
Chacun ne voient donc forcément pas le monde de la même façon. Et c’est justement la beauté de la situation : combiner des talents complémentaires comme les ingrédients d’une excellente recette associant saveurs sucrées-salées et épices à priori peu compatibles. Risqué, mais lorsque ça fonctionne, le résultat produit des goûts inattendus et sublimes.

Et si le management était aussi une affaire de cuisine ?
Il y a la recette, celle que l’on trouve dans les livres et que chacun peut se procurer. Mais il y a surtout le tour de main, toute la sensibilité du cuisinier qui peut faire la différence quand il s’agit de mettre un peu plus de ceci, un peu moins de cela, de goûter, de cuire avec précision, d’ajouter du liant à la sauce pour améliorer l’onctuosité du plat et permettre d’exhaler des flaveurs inattendues.

jeudi 15 août 2013

Brève histoire d'espace - temps



Quelque part au dessus de la Russie, à bord du paquebot volant A380.
Je n’arrive pas à dormir comme souvent en avion. Un peu boudiné dans un siège de classe économique, je me lève me dégourdir les jambes dans les allées du pont inférieur. Quelle fantastique machine ! Plus de 500 passagers volant à 900 km/h et 10 000 mètres d’altitude vers l’Asie en toute sécurité. Dans quelques heures nous nous poserons en douceur à Bangkok seulement 12 heures après voir quitté Paris. Et dire qu’il fallait des semaines, le plus souvent par mer, à l’époque de nos grands-parents.

Machinalement je jette un œil à travers un hublot. En bas les étoiles artificielles de l’activité humaine scintillant jusqu’à la ligne d’horizon où elles s’estompent pour laisser place à un ciel piqueté d’astres étincelants.
Assis sur le siège escamotable de l’équipage commercial devant une sortie de secours, je profite d’un spectacle dont je me lasse jamais, imaginant qu’un jour peut-être, le génie humain permettra de s’en approcher.
Les distances ne se comptent plus alors en heures de vol, mais en années-lumière (le temps qu’il faut à la lumière pour nous parvenir), et l'image de l’univers que nous observons est celle du moment où les particules lumineuses sont parties dans notre direction. Si au niveau « local » de notre système solaire cela peut sembler marginal - la lumière du soleil mettant par exemple 8 minutes à nous parvenir (tout de même) -  ça ne l'est plus a l'échelle de l'univers où, en définitive, plus l'on regarde loin, plus l'on regarde tôt. Notre image du cosmos est donc celle d’un passé lointain, des centaines, des milliers, ou des millions d'années, puisque les photons émis aujourd'hui ne sont pas prêts de nous atteindre.
Alors peut-être pensez vous que ça nous fait "une belle jambe", jusqu'au moment où vous en déduisez logiquement qu’en observant le ciel, on remonte le temps !
N’est-ce pas une enivrante perspective que de se sentir alors une infime particule d'un monde qui en réalité n'est plus du tout l'image que nous percevons, mais autre chose de très différent qui, bien que s’étant déjà passé, ne nous est pas encore parvenu ? Et du coup se dire qu'à l'échelle cosmique nous vivons très en retard sur la réalité des choses, habitants d'une petite planète bleue quelque part dans un univers qui n'existe déjà plus tel que nous le comprenons…
Vous me suivez ?
Mais alors, que se passerait-il si nous pouvions voyager dans l'espace à très grande vitesse en direction d'étoiles lointaines ?
Nous touchons là une intéressante et vertigineuse notion d'espace-temps découverte par le génial Albert Einstein :
Par rapport à un observateur resté immobile à  regarder  l'étoile dans la direction de notre voyage, nous verrions les évènements se dérouler avant lui ; en quelque sorte nous remonterions le temps… tandis que l’observateur qui aurait braqué sur nous un puissant télescope, nous verrait logiquement vieillir moins vite.
Et là vous vous demandez sans doute où je veux vous emmener ?
Nulle par ailleurs que de partager avec vous une fascinante facette de la beauté cachée du cosmos dans lequel nous évoluons.
Et se dire que les voyages sont peut-être un secret  de jeunesse « éternelle ».
Allez, portez-vous bien.

vendredi 9 août 2013

Le Ventoux par les deux bouts



Pente à 9,5%, sommet à 10 km… Cela fait déjà plus d’une heure que je pédale et il en reste autant jusqu’au sommet. Ca monte, ça monte dur, et je suis bien, dans ma bulle, quelque part en ciel et terre,  concentré sur cet effort dont l’objectif est d’atteindre une deuxième fois cette semaine, mais cette fois-ci par le versant nord, le sommet du Ventoux en vélo, col légendaire du Tour de France, hors catégorie de 21 km à 8% de moyenne jusqu’à presque 2000 mètres.
Le corps et la machine ne fond plus qu’un. Je sens l’air circuler dans mes poumons, bouche et narines grandes ouvertes pour ne pas perdre une molécule d’oxygène.
En ce début de matinée le temps est idéal et je profite de la belle lumière de Provence chère à tant de peintres, Cézanne, Gauguin, Van Gogh...
Avec l’altitude, la couche d’inversion retient les brumes dans la vallée et le ciel prend cette teinte de lagon à nulle autre pareille, comme si la montée n’était finalement qu’une plongée dans un océan étincelant aux contrastes uniques.
200 mètres devant, deux autres cyclistes en ligne de mire. J’hésite à faire l’effort pour tenter de les rejoindre. Ca pourrait valoriser mon égo de sportif, mais je crains les éventuelles conséquences pour la suite de la montée et préfère poursuivre mon effort seul.
Au détour d’un belvédère, 2 jets militaires passent à ma hauteur, spectaculaire virage à gauche sur l’angle avant de plonger vers la vallée dans un bruit tonitruant de réacteurs amplifié par les reliefs. J’en ai la chaire de poule, envieux du plaisir que doivent prendre les pilotes volant sur de telles machines dans ces paysages magiques.
Puis le silence revient et le cliquetis de la chaine dans le dérailleur comme une petite musique rassurante.
Rester concentré sur ma respiration cadencée au rythme de pédalage… J’avance, « la tête dans le guidon », effort soutenu en restant le plus relâché possible pour éviter toute dépense inutile d’énergie.

Pédaler, pédaler encore, mais dans quel but ? Aucun enjeu de compétition ? Juste se mesurer à soi-même, se dépasser, pour le plaisir de se sentir vivre. Y aurait-il là aussi un peu de prétention ? Tu parles, un gars parmi les milliers d’autres cyclistes anonymes qui s’y collent probablement pour les mêmes bonnes ou mauvaises raisons. Rien à voir avec les cracks du Tour de France dont la cette montée n’est que le final d’une étape de montagne après déjà 2 semaines de course. Respect !

De temps en temps l’esprit s’évade…
Début de semaine, flânant avec ma femme dans les rues du vieil Arles, nous entrons dans une petite et charmante librairie de quartier. En bougeant les livres je tombe sur un petit fascicule dont le titre m’interpelle : « L’ascension du Mont Ventoux ». Mais là rien à voir avec le Tour, juste une belle lettre de Pétrarque, poète et érudit Italien du 14ème siècle, comptant à son confesseur, vers 1340, son ascension pédestre du Ventoux : intéressante digression sur le goût de l’effort, le dépassement de soi tant physique de spirituel, et la modestie. Et je ne peux m’empêcher de repenser à quelques délicieux passages du récit où il décrit avec beaucoup de justesse la bataille entre souffrance du corps et volonté « supérieure » de l’esprit. 700 ans après rien n’a changé et le vélo n’arrange rien. N’en déplaise aux esprits chagrins qui pensent que les cyclistes n’ont que des cuisses…

Pente à 8%, sommet 5 km.
Je passe un court moment en danseuse pour soulager mon postérieur. C’est dur. Je me fais dépasser par un autre cycliste qui monte comme une fusée. Sûr il a un très beau vélo. Mais c’est toujours celui qui pédale qui fait la différence.
J’essaie de générer quelques images positives pour me stimuler, moments forts de la vie capables d’entrer en résonance avec l’effort en cour. Et c’est la montée du versant Sud il y a 3 jours qui me revient en mémoire, quand cette moto de sport m’a dépassé en trombe et que je me suis dit qu’il prenait de bien grands risques sur cette route étroite semée d’obstacles mobiles. Puis plus tard, alors que j’approchais du sommet, presque rendu à la stèle commémorant le décès de Tom Simpson lors du Tour 67, des sirènes hurlantes montent le col à vive allure. Quelques centaines de mètres plus loin, la route est barrée. Deux corps sans vie recouverts de couvertures sont allongés sur la route, le motard et un cycliste dont les machines sont pulvérisées. Terrible et inutile gâchis. J’en ai encore la rage au ventre et suis pris de frissons de colère décuplant mes forces jusqu’au sommet.

Dernier kilomètre sur une pente à plus de 10%. 
Je ne peux plus échouer, moment d’euphorie jusqu’à la borne indiquant « Sommet altitude 1912m ». Ca y est. C’est fait. Le Ventoux par les deux bouts.

jeudi 1 août 2013

A chacun sa place au soleil



C’est l’été dans l’hémisphère nord et la période de vacances qui commence pour l’hémisphère gauche de notre cerveau, celui des fonctions analytiques et rationnelles tellement mises à contributions au long de l’année.
Tout un chacun aspire alors à sa place au soleil pour se laisser aller à des activités (inactivités) de détente, s’affranchissant des contraintes habituelles au profit parfois de l’autre soi, celui du cerveau droit, des émotions, des intuitions, de la créativité ; comme si la pression du quotidien ne permettait de se libérer des obligations habituelles, de la routine, que par petits moments dédiés à cela : les vacances.

Alors on y va de sa place au soleil pour se « lâcher », prendre du bon temps en quittant ses vêtements ordinaires pour se retrouver un peu boudiné dans des tenues légères et colorées et se dire « cette fois-ci c’est certain, je reprends le sport à rentrée », tandis que l’on profite sans retenue des apéros à rallonge avant les chipolatas barbecue - chips. La nature est parfois injuste…

Mais là n’est pas le seul paradoxe des vacances.
Place au soleil dit-on. Et chacun comprend bien la signification de l’expression.
En réalité ne devrions-nous pas dire, place au soleil au cas où ? Car la première chose que nous recherchons, une fois arrivé au soleil, n’est-ce pas la bonne place à l’ombre pour y étaler sa serviette ou siroter un verre à la terrasse d'un café ?
Et comme on n’est plus à une contradiction près, recherchant la tranquillité, on va s’agglutiner auprès des milliers d’autres vacanciers en quête de cette félicité estivale tellement attendue !

Mais attention, je fais ici appel à votre cerveau gauche. Or vous êtes peut-être en vacances. Pas sûr que les connexions se fassent et c’est tant mieux.

Allez, profitez bien de votre été !