mercredi 20 avril 2011

Vertige stellaire

1 heure du matin. Curieusement quelques oiseaux gazouillent encore au beau milieu de la nuit. Il fait juste un peu frais et la lune formée au deux tiers donne au jardin des couleurs argentées. Moment de calme absolu.
L’œil rivé à l’oculaire du télescope comme à travers le hublot d’un vaisseau spatial je suis déjà loin, volant au dessus de notre satellite, saisissantes images de la surface constellée de cratères d’impacts météoriques entourant de vastes plaines basaltiques appelées mers par les anciens, du temps où l’observation sans instruments pouvait en effet laisser imaginer les taches sombres comme des océans.
Par le petit bout de la lorgnette, simplement assis là sur un tabouret je suis comme avalé par ces grands espaces sélènes où l’esprit s’évade, extrême sensation de liberté, de celle ressentie au sommet d’une montagne lorsque le regard se perd vers les vallées lointaines, où bien assis sur la dune au milieu du désert encore glacé, quand, face au levant, il s’agit de ne pas manquer la caresse du premier rayon de soleil.

A l’Est un astre brillant à la jolie couleur jaune se distingue des étoiles ordinaires, Saturne vers laquelle je pointe l’instrument pour plonger au cœur du système solaire. Captivant spectacle des anneaux donnant à la planète un air de soucoupe volante si souvent déclinée dans les jeux d’enfants. Un peu au large, le point orange de son satellite principal Titan tourne inexorablement avec ses petites sœurs autour de l’astre annelé dans un ballet cosmique bien réglé.

Au nord-ouest le grand W de la constellation de Cassiopée domine la voute céleste au cœur de la voie lactée. En cherchant un peu on trouve assez facilement le double amas ouvert de Persée. A cet endroit situé à des années lumières, des milliers d’étoiles convergent dans un gigantesque emballement gravitationnel qui m’aspire aux confins du cosmos. Le corps parcourus de frissons, je suis pris d’un indicible vertige où le temps se confond avec l’espace, incroyable sensation d'apesanteur, de totale liberté simplement assis là, au milieu de mon jardin.

dimanche 10 avril 2011

Dolce Vita

Tandis que le soleil tombe sur l’horizon, l’Embraer 145 de Régional caresse le sommet de l’Europe pour redescendre paresseusement vers Venise, glissant dans l’air calme et cristallin de ce début de printemps.
A la gauche de l’appareil, déjà étincelantes de mille feux, en longue finale nous apercevons la cité des Doges à travers les petits hublots de l’étroit fuselage avant un parfait kiss landing sur le tarmac du modeste aéroport.

Tout sourire Giovanni nous accueille chaleureusement. Il est déjà tard et nous allons manger la pasta dans l’un de ces merveilleux petits restaurants du Nord de l’Italie, où tout juste entré c’est comme si l’on faisait parti de la famille : gentillesse du patron, sourire de la serveuse, prévenance du garçon de salle.
Dans un décor simple mais soigné, on s’installe sans plus de manière avant d’ouvrir la carte des menus, partition d’une symphonie culinaire aux milles saveurs ensoleillées, plats simples dont la seule lecture (bien que très approximative pour qui ne pratique pas la langue de Léonardo) aiguise l’appétit comme aucune autre.
Ne sachant où donner des papilles je confie le choix des plats à notre hôte, certain du plaisir de déguster des plats exceptionnels : 3 sortes de pâtes fraîches fondantes accompagnées de petits légumes de saison, une joue de veaux confite aux herbes aromatiques – à tomber par terre – accompagnée d’un parfait Cabernet-Sauvignon, puis, pour terminer, quelques douceurs autour d’un expresso que seul les Italiens savent faire – concentré de nectar de café d’une force et douceur incroyable aux des notes de chocolat et de noisette.
- On est bien ! lance Giovanni.
Tu parles qu’on est bien… comme des coqs en pâte. Et Giovanni l’Epicurien de se lancer dans un français customisé de jolies notes Italiennes sur sa théorie des incomparables vertus du « bien manger » pour faciliter la conclusion des affaires, expliquant avec force convictions et arguments choisis le rationnel de l’approche :
- Tou comprendes, quand on mange biene on prend dou plaisir...
Argument évidemment indiscutable.
- Et quand tou prends dou plaisir tou te détends…
… alors les tensions éventuelles, tou vois, elles diminouent tout doucement…
- Je te suis Giovanni,
- Et en prenant dou plaisir les rapports de force d’estompent…
Et si tou bois en même temps oune bone vino, ça facilite encore les choses. Tout ça c’est natural, tou comprends ?
Si je comprends…
- Et alors seulement tou peux commencer les affaires.
Tou vois, on ne devrait jamais regarder les dépenses de repas…

Rien à ajouter ni à enlever. Tout est parfait et la démonstration imparable.