jeudi 30 mai 2013

Un aller simple pour Mars ?



Presque par hasard, je suis tombé ce week-end sur un article relatant des projets de vols habités vers Mars. Il s’agit d’initiatives privées tentant de palier aux absences d’ambition des agences spatiales gouvernementales, faute de moyens, sans doute, mais surtout de volonté politique.
On parle de milliards d’Euros, montants certes importants mais qui restent somme toute modestes comparés aux astronomiques budgets militaires des grandes puissances dont nous nous targuons de faire parti.
Je sais bien que ça n’a rien à voir, mais je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec les budgets consacrés à l’armement. On dit plutôt « la défense » pour en justifier le rationnel. Et remarquez bien l’hypocrisie de la sémantique si l’on considère que, dans un monde globalisé où chaque nation chercherait seulement à se défendre, il n’y aurait du coup plus d’agresseur. Il faudrait alors complètement revoir l’approche militaire dans le cadre des conflits actuels qualifiés de « dissymétriques » : attaques terroristes contre un pays. 

Mais pour en revenir à notre sujet, force est de constater que pour diverses raisons, dont budgétaires, on repousse aux calanques Grecs des projets ambitieux pourtant capables de mobiliser les énergies et les talents autour de valeurs universelles positives qui, irrésistiblement, nous poussent à explorer le monde pour découvrir ce que se cache au-delà de l’horizon.

Au 19ème siècle, Jules Verne faisait rêver le public avec ses extraordinaires romans d’aventures narrant la découverte de zones encore inconnues de notre petite planète et même au-delà.

A l’aube du siècle dernier, de nombreuses « terra incognita » restaient encore à explorer : déserts, pôles, forêts profondes, hautes montagnes, abysses. Des hommes intrépides s’y sont essayés au prix d’audacieuses expéditions bien souvent financées sur fonds privés, comme ceux de la National Geographic Society ou d’autres clubs regroupant de riches hommes d’affaires fans de science et d’aventure.
Et, jusqu’à très récemment, cela passionnait encore le grand public.
Rappelez-vous les reportages de Cousteau sur les fonds marins ou encore d'Haroun Tazieff sur les volcans.
Il y eut aussi l’épopée de l’aviation avec les pionniers des lignes postales préfigurant les vols longs courriers, jusqu’à l’arrivée des premiers jets que les badauds venaient voir décoller depuis les terrasses de Orly le dimanche après-midi, imaginant pouvoir un jour partir d’un coup d’ailes à l’autre bout du monde à bord de ces magnifiques machines volantes.

Puis ce fut la proche banlieue de notre petite planète avec le lancement, à la surprise générale, du premier « Spoutnik », suivi de la course à la lune où nous étions rivés sur nos écrans TV noir et blanc, ébahis par le spectacle des décollages des puissantes fusées Saturne 5 à Cap Canaveral, puis les premiers pas de Neil Amstrong sur notre satellite sous les commentaires enflammés d’Albert Ducrocq ; aventure encore inégalée.
A l’époque tout semblait possible et l’on rêvait naïvement de tourisme spatial.

Imaginez aujourd’hui un voyage de 6 mois vers Mars à bord d’un vaisseau de quelques m3.
Imaginez, en s’en éloignant, découvrir l’image de notre planète dans son entièreté, sphère « bleue comme une orange » flottant dans l’espace comme seul aujourd’hui encore les équipages des missions lunaire ont pu la contempler. Puis la découverte en un seul coup d’œil de l’ensemble terre-lune, vision extraordinaire de notre berceau qui rapetisse pour ne devenir que 2 astres brillants au milieu du firmament.
Imaginez un instant perdre ce lien visuel qui nous relie avec l’humanité, comme on coupe un cordon ombilical.
Puis cette sensation incroyable de voguer « seul » dans le cosmos, en direction d’une autre planète apparaissant d’abord comme une simple étoile orangée, perdu dans le vide et le silence sidéral. A leur époque, qu’ont bien pu ressentir les équipages de Christophe Colomb au milieu de l’océan voguant vers l’ouest en direction de terres inconnues ?
Et imperceptiblement, le point orangé qui se rapproche pour apparaitre comme un petit disque ocre coiffé de calottes glacières immaculées, puis devenir un globe impressionnant marqué de spectaculaires reliefs, montagnes et canyons où jadis l’eau s’est écoulée.
Et la mise en orbite autour de ce nouveau monde, avant un atterrissage à travers son atmosphère tenues jusqu’à l’instant magique où le vaisseau s’immobilise dans un nuage de poussière rouge, sous un ciel gris illuminé par la lumière irisées d’un soleil apparaissant comme minuscule.
Imaginez alors l’instant où le silence se fait.
Vous n’entendez plus que les pulsations de votre cœur battant encore à tout rompre et croisez le regard de vos équipiers en vous disant, ça y est, nous y sommes, pionniers d’une nouvelle civilisation extra-terrestre.

Sans doute pensez-vous que tout cela ressemble à de la science-fiction, extrait d’un épisode de Star-Trek.
Mais aujourd’hui la technologie existe permettant ce type de voyage sans retour. Aller simple, car on ne dispose pas encore de la technologie suffisante pour être en mesure de ramener sur Terre un équipage après un atterrissage sur Mars.
Un ingénieur Hollandais vient de lancer le projet "Mars One": envoyer tous les 2 ans, à partir de 2023, un équipage de 2 personnes pour un tel voyage afin d’établir une colonie permanente sur ce nouveau monde. Et le plus étonnant est que les volontaires se bousculent. Déjà plus de 70 000 inscrits sur internet…
Autre alternative peut-être plus réaliste, aller « plus simplement » faire le tour de la planète, sans se poser, et revenir sur Terre propulsé par la force gravitationnelle de Mars, une « odyssée de l’espace » de plus 500 jours proposée par le milliardaire Denis Tito, premier touriste spatial ayant dépensé plus de 20 M$ au début des années 2000 pour passer quelques jours en orbite terrestre à bord du vaisseau Russe Soyouz.

En réalité tout cela a bien peu de chance d’aboutir aussi rapidement.
Mais est-ce si différent des initiatives prises par les pionniers des temps anciens soutenus par des sponsors tel que mentionné au début de cette chronique ?
Nul doute que nous irons maintenant vers Mars avant longtemps. Et la surprise pourrait bien venir d’initiatives d’Hommes avant-gardistes sollicitant les contributeurs individuels du monde entier pour réunir les moyens financiers nécessaires. Combien d’entre nous seraient prêts à investir 100 Euros sur un tel projet ? 

Au moment où de nouvelles règles doivent s’établir pour gouverner un monde globalisé en pleine mutation, ne serait-il pas formidable que la communauté des terriens se mobilise autour de tels projets dont les ressorts s’appuient sur le meilleur du genre humain : curiosité et dépassement personnel ?

dimanche 19 mai 2013

Addiction



Paris - Buenos Aires, plus de 13 heures de vol de nuit, longue diagonale sur la petite planète où l'on croise l'équateur, change d'hémisphère et passe sans transition du printemps à l'automne.
Les premières lueurs de l'aube australe ont quelque chose de différent, une transparence un peu crue donnant aux couleurs des reliefs à nuls autres pareils.
L’hiver approche et les filles portent de jolis pulls en laine colorée.
Un café ; même si je n'en bois jamais. Il a ici une saveur particulière, couleur d'encre mais d'une douceur exquise que je déguste avec un sandwich jambon-fromage-salade.
Assis à la terrasse d'un petit bar je profite de l'air vif de ce début de journée quand un bus passe dans la rue : "Aconcagua express line". Mon cœur s'emballe en repensant à l'expédition de l'an dernier et je ne peux m'empêcher d'esquisser un petit sourire en revoyant quelques images. (Cf. récit de l'aventure dans les archives du blog en remontant à février 2012).
...
Rosario, sur les rives du fleuve Parana.
Avec quelques uns de mes coéquipiers brésilien, américain et canadien, je participe au lancement de notre nouvelle marque mondiale en génétique porcine "Choice Genetics", avant première en collaboration avec notre dynamique distributeur Argentin : réception parfaitement organisée, présentations bien rodées, très bonne ambiance.
C'est le break de fin d'après-midi et je m'échappe un peu du brouhaha pour profiter de l'environnement exceptionnel.
La grande terrasse du lieu de la manifestation donne sur le fleuve qui selon les gens du coin serait ici le plus large du monde, s'étalant sur 45 km entre d'étroites bandes de terre... Quoi qu'il en soit le volume d'eau qui s'écoule est impressionnant, force tranquille de millions de m3 descendant doucement du cône sud, alimenté par les pluies tropicales du Brésil et du Paraguay.
Quelques oiseaux exotiques s'ébattent dans les arbres longeant la berge, sifflements inhabituelles pour des oreilles d'européen.
Je ferme les yeux pour profiter de l'instant en prenant quelques grandes respirations, quand des images de montagnes me traversent de nouveau l'esprit. Pour tout dire, depuis plusieurs mois elles ne me quittent plus vraiment, depuis la descente du sommet de l'Aconcagua, une petite voix lancinante qui me pousse vers d'autres cimes, et ce nom mythique qui tourne en boucle, devenu nom commun quand il s'agit de qualifier l'impossible : Everest. Et j'ai beau me raisonner, me dire que ça n'a pas de sens, que ce n'est pas pour moi, tenter de rationaliser les risques / bénéfices, mais rien n'y fait. J'en ai le ventre noué comme aux meilleurs moments de cette addiction aux déserts qui m'avait touché il y a bien longtemps, suite à une  première expédition saharienne montée après avoir acheté à la boutique du coin, sur un coup de cœur, la carte Michelin de l'Afrique l'Ouest et ses immenses étendues de sables jaunes aux noms évocateurs comme « Grand Erg Oriental » ou encore « Tanezrouft ». Ce sont aujourd'hui d'autres mondes bruts et minéraux qui me font frissonner : Himalaya, et l'un de ses sommets mythiques, le Cho-Oyu, 8300 m, objectif "raisonnable" à tenter l'an prochain avant, peut-être, d'envisager l'impossible.
Le soleil se couche. Un cargo orange descend tranquillement le courant vers l'estuaire du Rio de la Plata, presque une mer intérieure entre Buenos Aires et Montevideo.
Doucement quelques bancs de brume s'élèvent sur le fleuve.

On m'appelle. Allez, il faut y retourner, le boulot n'est pas encore terminé pour aujourd'hui.

jeudi 9 mai 2013

Petit Road trip en "muscle car"



Au cœur de Montréal, arrêté à un feu tricolore, l’œil rivé sur le GPS de mon smartphone en attendant le passage au vert, quand un gars à bord d’une camionnette à notre hauteur sur la file de droite nous fait signe de baisser la vitre. Un peu surpris j’appuis sur le bouton de la commande électrique.
-      Super car mon gars ! Ca fly bien ? nous lâche t-il avec enthousiasme, tout sourire et des étoiles plein les yeux.
-      Ben oui, une bonne voiture de location…  que j’lui réponds, tandis que le feu passe au vert.
J’écrase alors la pédale de droite et la voiture s’envole effectivement, poussée par les 400 CV du puissant V8 Hemi de 5,7 litres de cylindrée, au son des grandes orgues de Bach démarrant dans les octaves les plus basses, de celles qui vous prennent aux tripes à faire trembler les fonds baptismaux de cathédrales, pour s’envoler vers des notes plus aigües de la marche nuptiale, moment de jubilation, tandis que l’aiguille du compte-tour s’affole comme celle d’un chronomètre perdant la notion du temps, corps plaqué au fond du siège. Et déjà il faut freiner sur le feu suivant.
...

Sur ce coup nous avons eu de la chance.
Débarquant il y 2 jours des USA, nous nous sommes présentés au comptoir Avis prendre la voiture de location réservée depuis la France. Aucun véhicule de la catégorie intermédiaire commandée n’étant plus disponible, l’agent nous propose une Fiat 500. Aïe, sûr ça ne va pas le faire à 3, dont 2 femmes... avec armes et bagages. Le gars nous propose alors un véhicule de catégorie supérieure en montrant à l’écran une BMW série 3 noire à coté d’une superbe auto rouge à bandes blanches, quelque chose de très discret dans le style Starsky et Hutch si vous voyez ce que je veux dire.
-      La rouge est aussi disponible, mais c’est plus cher précise t-il avec un large sourire.
En insistant un peu, Flo réussit à le convaincre de nous la laisser pour le même prix. Ce que veulent les femmes… Et nous voilà au volant d’un rutilante Dodge Challenger RT rouge, moteur Hemi V8 5,7 litres et jantes chromées de 20 pouces, véritable "muscle car" américaine. Rien de très discret. Mais comme dit Nina, on s’en fout, ici personne ne nous connait.

...

-      Tu prends à droite sur l’avenue Lorimier en direction du pont Jacques Cartier, me dit Flo.
Nous roulons doucement, façon road-movie, dans le flux de la circulation sur le bel ouvrage métallique, toutes vitres et toit ouverts, histoire de profiter du temps magnifique sans rien manquer de la symphonie mécanique du gros bouilleur à 8 cylindres.
Nous passons sur l’île Sainte Hélène puis rejoignons l’île Notre Dame sur la Rivière Nord du Saint Laurent. C’est bien là, inscrit en gros : « Circuit Gilles Villeneuve ». Et aussi étonnant que cela puisse paraître, nous voilà directement sur la piste, à bord d’une vraie voiture de sport, entre rails de sécurité et grillages de protection ; de quoi passer à l’acte… 
Petit coup d’accélérateur : WROOOOAP ! 
Mais au milieu de la bande d’asphalte des plots délimitent l’espace. A gauche réservé aux vélos et rollers…, à droite aux voitures, avec une limitation à 30 ! Fin du rêve d’un instant et triste destin pour une piste où se sont écrites quelques belles pages de l’histoire de la F1.


samedi 4 mai 2013

Grand-Messe à Montréal



23h, perchés sur un belvédère dominant Montréal, nous profitons de la vision de nuit toujours magique d’une grande citée moderne brillant de mille feux, comme une guirlande de Noël s’étalant à perte de vue de part et d’autre du fleuve Saint Laurent.
 
De retour du match de hockey, play-off de la coupe Stanley entre l’équipe des « Canadiens » de Montréal et les « Sénateurs » d’Ottawa, Luc, notre hôte de quelques jours, fait un petit crochet pour nous faire découvrir, non sans une certaine fierté, le flamboyant spectacle de sa ville natale. Et effectivement cela vaut de détour.

Même si nous sommes encore sous le coup de la défaite, ayant évidemment encouragé l’équipe Québécoise en scandant le « go habs go ! » qui va bien, quel plaisir que ce grand moment  de communion avec les partisans (comprendre supporters en bon français…) soutenant leur équipe favorite dans une ferveur quasi religieuse, sorte de grand-messe où l’on vient en famille partager un intense moment de bonheur et d’émotion.
Imaginez plus de 20 000 personnes dans une enceinte fermée plongeant sur une patinoire brillante comme un diamant, au dessus de laquelle une sono du diable crache des décibels à gogo tandis que les écrans géants et autres effets de lumières, tels les éclairs d’un violant orage, flashent le public pris d’une incroyable ferveur ; version contemporaine de quelques unes des plus belles réalisations de la Renaissance Italienne où l’on découvrait au peuple d’impressionnantes voutes décorés par les plus grands artistiques de l’époque, peintures multicolores évoquant avec force les choses du ciel et de la terre, à la fois enthousiasmantes et terrifiantes.
Et là vous pensez que j’exagère et devrais aller plus souvent au stade pour me soigner. Mais vous vous trompez. Car ce que nous avons vu n’a vraiment rien à voir avec le coté soporifique de bien des matchs de foot. L’intensité est ici multipliée par 10 quand on considère que les joueurs pénètrent dans l’arène dans un roulement ininterrompu d’entrées-sorties pour un engagement moyen de 45 secondes (oui, vous avez bien lu quarante cinq secondes), tels des gladiateurs casqués et équipés de véritables armures pour un vrai combat physique. Im-prés-sion-nant !

Regard perdu dans les étoiles électriques de la ville, ce retour au calme me ramène étrangement à notre visite matinale de la Basilique Notre Dame de Montréal.

Entrer dans une église est toujours un moment singulier où l’on plonge, qu’on le veuille ou non, dans une ambiance particulière faite de recueillement et de dévotion propice à l'introspection, où l’on réfléchit au sens de la (sa) vie, aux valeurs fondamentales de l’humanité, à l’état du monde, dans un décors solennelle : ici sous un magnifique plafond bleu profond égayé d’étoiles argentées, douce pénombre illuminée de scintillantes « lumières célestes » à travers de merveilleux vitraux figuratifs, avec sourdine de grandes orgues en musique de fond.
Il ne fait aucun doute que tous ces ingrédients incitent à la méditation.
Déambulant dans le vaste édifice je laisse aller mes pensées en suivant les tableaux toujours frappants de la passion du Christ, dans un style de peinture classique presque identique à celui de l’église de mon village associée pour toujours aux commentaires acerbes et culpabilisants du curé de ma petite enfance, au long des 14 stations du chemin de croix où nous devions pour chacune d’elle réciter une prière, et ne peux m’empêcher une nouvelle fois de me demander pourquoi montrer tant d’horreur et de souffrance quand d’autres religions exhortent au contraire une certaine idée du bonheur et de la sérénité par des figuratifs illustrant joie, abondance et félicité.
Chemin faisant, je croise des visiteurs du monde entier, croyants ou simples curieux venus découvrir le bel édifice. L’instant est agréable.
Arrivant au fond de la basilique au terme de ce saisissant « retour vers le futur », je tombe sur une vaste chapelle connexe où un office est célébré, moment particulier pour les pratiquants qui se retrouvent à cimenter ensemble les fondamentaux de leur foi. Il est vrai que nous sommes en semaine, mais je suis tout de même frappé par le petit nombre de fidèles, surtout par leur âge. La chrétienté décline ici aussi, et cela me ramène à la lecture récente du petit recueil de mémoires d’un oncle aujourd’hui âgé, relatant entre autre l’engagement des jeunes de son âge, à une époque finalement pas si lointaine où Catholicisme était synonyme de modernité et de progrès. Les jeunes s’y engageaient alors volontiers avec enthousiasme, participant à des cérémonies festives ou l’on sortait les oriflammes et défilait derrière la fanfare du village, étrange parallèle avec la ferveur vécue ce soir au « Centre Bell », profane cathédrale érigée aux Dieux du stade.