Presque par hasard, je suis tombé ce
week-end sur un article relatant des projets de vols habités vers Mars. Il s’agit
d’initiatives privées tentant de palier aux absences d’ambition des
agences spatiales gouvernementales, faute de moyens, sans doute, mais surtout
de volonté politique.
On parle de milliards d’Euros,
montants certes importants mais qui restent somme toute modestes comparés aux astronomiques
budgets militaires des grandes puissances dont nous nous targuons de faire
parti.
Je sais bien que ça n’a rien à voir,
mais je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec les budgets consacrés à
l’armement. On dit plutôt « la défense » pour en justifier le
rationnel. Et remarquez bien l’hypocrisie de la sémantique si l’on considère
que, dans un monde globalisé où chaque nation chercherait seulement à se défendre,
il n’y aurait du coup plus d’agresseur. Il faudrait alors complètement revoir
l’approche militaire dans le cadre des conflits actuels qualifiés de « dissymétriques » :
attaques terroristes contre un pays.
Mais pour en revenir à notre sujet,
force est de constater que pour diverses raisons, dont budgétaires, on repousse
aux calanques Grecs des projets ambitieux pourtant capables de mobiliser les énergies
et les talents autour de valeurs universelles positives qui, irrésistiblement, nous
poussent à explorer le monde pour découvrir ce que se cache au-delà de
l’horizon.
Au 19ème siècle, Jules
Verne faisait rêver le public avec ses extraordinaires romans d’aventures
narrant la découverte de zones encore inconnues de notre petite planète et même
au-delà.
A l’aube du siècle dernier, de
nombreuses « terra incognita » restaient encore à explorer :
déserts, pôles, forêts profondes, hautes montagnes, abysses. Des hommes
intrépides s’y sont essayés au prix d’audacieuses expéditions bien souvent
financées sur fonds privés, comme ceux de la National Geographic Society ou
d’autres clubs regroupant de riches hommes d’affaires fans de science et
d’aventure.
Et, jusqu’à très récemment, cela
passionnait encore le grand public.
Rappelez-vous les reportages de
Cousteau sur les fonds marins ou encore d'Haroun Tazieff sur les volcans.
Il y eut aussi l’épopée de l’aviation
avec les pionniers des lignes postales préfigurant les vols longs courriers,
jusqu’à l’arrivée des premiers jets que les badauds venaient voir décoller
depuis les terrasses de Orly le dimanche après-midi, imaginant pouvoir un jour
partir d’un coup d’ailes à l’autre bout du monde à bord de ces magnifiques
machines volantes.
Puis ce fut la proche banlieue de
notre petite planète avec le lancement, à la surprise générale, du premier
« Spoutnik », suivi de la course à la lune où nous étions rivés sur
nos écrans TV noir et blanc, ébahis par le spectacle des décollages des
puissantes fusées Saturne 5 à Cap Canaveral, puis les premiers pas de Neil
Amstrong sur notre satellite sous les commentaires enflammés d’Albert Ducrocq ; aventure
encore inégalée.
Imaginez aujourd’hui un voyage de 6
mois vers Mars à bord d’un vaisseau de quelques m3.
Imaginez, en s’en éloignant, découvrir
l’image de notre planète dans son entièreté, sphère « bleue comme une orange »
flottant dans l’espace comme seul aujourd’hui encore les équipages des missions
lunaire ont pu la contempler. Puis la découverte en un seul coup d’œil de
l’ensemble terre-lune, vision extraordinaire de notre berceau qui rapetisse
pour ne devenir que 2 astres brillants au milieu du firmament.
Imaginez un instant perdre ce lien
visuel qui nous relie avec l’humanité, comme on coupe un cordon ombilical.
Puis cette sensation incroyable de voguer
« seul » dans le cosmos, en direction d’une autre planète apparaissant
d’abord comme une simple étoile orangée, perdu dans le vide et le silence
sidéral. A leur époque, qu’ont bien pu ressentir les équipages de Christophe Colomb au milieu de l’océan
voguant vers l’ouest en direction de terres inconnues ?
Et imperceptiblement, le point orangé
qui se rapproche pour apparaitre comme un petit disque ocre coiffé de calottes
glacières immaculées, puis devenir un globe impressionnant marqué de
spectaculaires reliefs, montagnes et canyons où jadis l’eau s’est écoulée.
Et la mise en orbite autour de ce
nouveau monde, avant un atterrissage à travers son atmosphère tenues jusqu’à
l’instant magique où le vaisseau s’immobilise dans un nuage de poussière rouge,
sous un ciel gris illuminé par la lumière irisées d’un soleil apparaissant
comme minuscule.
Imaginez alors l’instant où le
silence se fait.
Vous n’entendez plus que les
pulsations de votre cœur battant encore à tout rompre et croisez le regard de
vos équipiers en vous disant, ça y est, nous y sommes, pionniers d’une nouvelle
civilisation extra-terrestre.
Sans doute pensez-vous que tout cela
ressemble à de la science-fiction, extrait d’un épisode de Star-Trek.
Mais aujourd’hui la technologie
existe permettant ce type de voyage sans retour. Aller simple, car on ne
dispose pas encore de la technologie suffisante pour être en mesure de ramener
sur Terre un équipage après un atterrissage sur Mars.
Un ingénieur Hollandais vient
de lancer le projet "Mars One": envoyer tous les 2 ans, à partir de 2023, un
équipage de 2 personnes pour un tel voyage afin d’établir une colonie
permanente sur ce nouveau monde. Et le plus étonnant est que les volontaires se
bousculent. Déjà plus de 70 000 inscrits sur internet…
Autre alternative peut-être plus
réaliste, aller « plus simplement » faire le tour de la planète, sans
se poser, et revenir sur Terre propulsé par la force gravitationnelle de Mars, une
« odyssée de l’espace » de plus 500 jours proposée par le milliardaire
Denis Tito, premier touriste spatial ayant dépensé plus de 20 M$
au début des années 2000 pour passer quelques jours en orbite terrestre à bord
du vaisseau Russe Soyouz.
En réalité tout cela a bien peu de
chance d’aboutir aussi rapidement.
Mais est-ce si différent des initiatives
prises par les pionniers des temps anciens soutenus par des sponsors tel que mentionné
au début de cette chronique ?
Nul doute que nous irons maintenant vers
Mars avant longtemps. Et la surprise pourrait bien venir d’initiatives d’Hommes
avant-gardistes sollicitant les contributeurs individuels du monde entier pour
réunir les moyens financiers nécessaires. Combien d’entre nous seraient prêts à
investir 100 Euros sur un tel projet ?
Au moment où de nouvelles règles
doivent s’établir pour gouverner un monde globalisé en pleine mutation, ne
serait-il pas formidable que la communauté des terriens se mobilise autour de
tels projets dont les ressorts s’appuient sur le meilleur du genre
humain : curiosité et dépassement personnel ?
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