lundi 28 février 2011

Y'a pas d'problème !

Marchant dans la forêt à la recherche des saveurs épicées, nous sommes un peu ici comme dans la caricature du citadin qui ne voit le poulet que prêt à rôtir, tant nous utilisons certains condiments sans avoir la moindre idée de ce à quoi ils ressemblent dans leur état naturel : surprise de découvrir les lianes du poivrier poussant sur l’acacia, les fleurs oranges de clous de girofle, les gousses de vanille telles des haricots verts, l’écorce de cannelle ou encore le noyau de la noix de muscade, dans une symphonie de senteurs exotiques au cœur de la forêt tropicale.

De retour vers Stonetown, nous croisons un marché au plastique, couleurs vives des innombrables articles ménagers bas de gamme « made in China ».
Plus loin un chantier naval de construction de felouques où s’exercent encore des savoir-faire ancestraux de charpentiers de marine.

12h30 : Flo et moi sommes attablés au café Livingstones donnant sur la plage d’embarquement-débarquement de Stonetown où, en continu, d’énormes cargo-barges chargent et déchargent produits manufacturés et denrées nécessaires aux habitants de l’île. Désordre indescriptible mais pour tout dire très distrayant. Le clou du « spectacle » est lorsqu’il s’agit de faire monter ou sortir des véhicules sur les bateaux. Imaginez la scène : les barges sont littéralement posées sur la plage, proues abaissées en de large plateforme d’accès. De l’autre côté, en haut de la plage, les conducteurs partent plein gaz vers la gueule béante sensée les recevoir, et restent immanquablement plantés à quelques mètres de la rampe d’accès. Ensuite, dans un désordre invraisemblable, chacun s’agite pour désensabler le véhicule enfoncé jusqu’aux essieux ; jusqu’au suivant… Hilarant mais un peu triste.
Flo qui n’y tient plus se lève de sa chaise prête à prendre la direction des opérations en déclarant tout de go a qui veut l’entendre :
- Franchement il n’y aurait qu’à mettre quelques plaques métalliques de l'armée !
(Pourquoi pas Chérie, mais où est l'armée ? Heureusement que personne ne comprend, nous sommes en pays anglophone…)
Puis d’ajouter un peu laconique :
- Après tout ils s’y mettent tous seuls dans la m…
(Reconnaissons ici la touche très personnelle d'une grande spécialiste du "désablage" devant l'éternel...)
Un gars du coin qui regarde la scène se retourne vers moi tout sourire :
- No problem Sir, no problem!

L’Afrique a parfois des cotés qui échappent à notre logique rationnelle d’Européens.

Nous roulons vers le nord de l’île. Petite route en mauvais état pleine de « rustines » pour tenter de contenir l’épidémie de nid de poule qui ne sont d’ailleurs ici pas bien dodues.
Les villages se fond plus rares.
A notre droite une dense forêt de palmiers, tandis qu’à notre gauche nous apercevons la mer au détour des courbes du ruban de mauvais asphalte. Quelques ponts antédiluviens où les véhicules ne peuvent se croiser agrémentent notre progression jusqu'au village de Kwenda Rocks, bungalows de vacances sur plage de sable blanc. Sûr que les prochains jours vont être intenses.

Stonetown

20 minutes après le décollage, l’impeccable ATR42 de la compagnie locale touche en douceur le tarmac de Stones Town, capitale de Zanzibar, bref vol parabolique au dessus du bras de mer turquoise piqueté d’ilots paradisiaques séparant l’île principale de l’archipel du continent.

Un taxi nous conduit vers le cœur de la vielle ville coloniale chargée d’histoire, plaque tournante du commerce d’esclaves jusqu’ à l’abolition, où raisonne encore d’illustres histoires de flibusterie.
Stone Town a gardé le charme désuet de ces vielles citées impériales, comme ici le temps s’était arrêté à la fin du 19ème et que depuis les hommes pensaient les blessures du passé en occupant l’espace sans plus y plus faire attention. Etrange atmosphère un peu nostalgique, mélange de honte et de fierté où la suractivité a depuis longtemps laissé place à la nonchalance.
Le cœur de la ville n’est pas accessible en voiture, dédale de ruelles étroites où les petits commerces alternent avec les habitations cachées parfois par d’exceptionnelles portes sculptées hors d’âge.

Nous déambulons au gré de notre sens de l’orientation, sans autre objectif que de se laisser surprendre.
Ici une cour au bout d’une impasse où jouent des enfants, là une boutique poussiéreuse où l’on trouve encore d’improbables accessoires navals marqués de sceaux britanniques du temps de la marine à voile, là encore le marché des produits alimentaires avec, dans un vrombissement d’insectes, leurs spectaculaires étalages de viandes et poissons « frais ».
Puis, au bout la ruelle, la mer bordée d’une plage de sable blanc à la lisière de laquelle poussent des cocotiers de carte postale. Au large, entre le chapelet d’îles, poussées par leur unique voile triangulaire gonfler par le brise de l’Océan Indien, sous un ciel moutonneux voguent de grandes felouques ; un peu comme si le temps n’avait pas de prise sur certaines choses de la mer.

dimanche 27 février 2011

Vers Zanzibar

A bord du confortable triple 777-200 de KLM nous volons vers Dar Es Salaam, moment de tranquillité au dessus de l’agitation de « La terre des hommes » devenue village mondial où il ne fait pas bon être dictateur : Kadhafi n’en a plus que pour quelques jours, Moubarak vient d’abdiquer et Ben Ali serait mourant, victimes de la révolution de la communication planétaire instantanée.
L’avion a permis aux hommes de parcourir rapidement le monde, l’internet de communiquer sans délai avec nos semblables, d’où qu’ils soient. En moins d’un siècle nous sommes entrés dans l’ère de la globalité où la notion de frontière n’a plus vraiment de sens ; en tout cas pas le même que celui pour lesquelles elles avaient été érigées : contrôle des échanges commerciaux et des communications en protégeant population et gouvernements…

Courte escale à Kilimandjaro Airport où débarquent quelques treckeurs tentés par l’ivresse des hauts sommets, puis saut de puce vers Dar Es Salaam.
Il est minuit. Formalités rapidement expédiées, puis « taxi de nuit » pour les quelques centaines de mètres jusqu’au Transit Hôtel à travers des ruelles de terre battue défoncées et mal éclairées où déambule quelques jeunes hommes désœuvrés.
Surprise, malgré notre réservation nous ne sommes pas enregistrés pour la (courte) nuit, et l’hôtel est plein. Welcome in Africa ! A l’accueil la jeune fille nonchalante semble quelque peu désemparée avant de nous annoncer, après quelques appels téléphoniques en swahili, qu’il y a une solution - comme si nous avions douté – dans un autre hôtel à proximité. Reste à trouver le moyen de transport adéquate.
- No problem I call my driver. He’s coming…
10 minutes, puis 20. Je commence à m’impatienter.
- He is coming Sir…
Puis 30, puis 40 (nous ne sommes ici à priori pas dans le même espace-temps)… quand finalement un taxi local vient nous chercher.
Nous repartons au ralenti à travers des ruelles défoncées et poussiéreuses. Il est 1 heure du matin et je me demande où nous allons atterrir.
Nous arrivons finalement à un hôtel.
- No room available sir! Sorry… nous dit le gardien lorsque nous nous présentons à la porte d’entrée. (Pas de chambre disponible Monsieur ! Désolé…)
Là ça ne va pas le faire. J’insiste gentiment. (Keep cool Fred, pas d’lézard, c’est les vacances). Une jeune fille apparait enfin indiquant qu’elle a une solution pour nous ; la chambre connexe à la porte d’entrée… On ne discute pas, il est temps d’essayer de dormir bercés par les aller et venus dans l’établissement, les portes qui claquent et les propositions de service de nuits.
Welcome in Tanzania !