vendredi 30 octobre 2020

Le Ventoux sinon rien !

Les nouvelles du matin ne sont pas bonnes. Avant même l’annonce officielle du Président prévue pour ce soir 20h, les médias sérieux distillent les infos sur le reconfinement à venir qui pourraient démarrer dans 2 jours. Pas d’autre choix que d’écourter notre randonnée sur les pistes du TET si vous voulons respecter la règle. Bien peu de chose à côté des conséquences d’une telle décision sur la vie des gens, tout particulièrement les impacts économiques. Mais lorsqu’il s’agit de sauver des milliers de vies, elle s’impose évidemment.

A regret nous rebroussons donc chemin vers Rognes, à proximité d’Aix-en-Provence, là où nous avons laissé voiture et remorque.

Un peu au hasard, nous nous engageons sur les belles pistes au Nord du Luberon. Pilotage facile et décontracté de nos machines parfaitement adaptées à ce type de terrain. Debout sur les larges cales pieds, corps souple en léger déséquilibre vers l’avant de la moto, nous roulons coulé, profitant de la glisse légère de la machine à l’accélération, agréable sensation de surfer dans la nature.

Au croisement de 2 directions, on s’arrête profiter du paysage et décider de la direction à prendre en se disant qu’on a bien de la chance d’être là. 

Au Sud l’imposant Mont Ventoux domine le paysage de son dôme blanc et pelé. 

        -  Et si on allait voir là-haut ? Allez savoir pourquoi les sommets m’ont toujours attiré...

-     -   Tu veux nous congeler ou quoi ?

-      -  Allez, on ne fera que passer...

-      - D’accord allons-y donc voir.

Depuis Malaucene nous reprenons la route vers le col. Des panneaux indiquent qu’il est fermé pour cause de travaux, sauf pour les vélos. Nous n’avons que 2 roues...

Par beau temps, avec ses perspectives vertigineuses, la longue montée est de celle, magnifique des Grands Cols, comme le fameux Tizi’n’test dans le haut Atlas Marocains. C’est drôle comme je l’apprécie différemment de la dernière fois où je l’avais faite en vélo. Totalement concentré sur l’effort, j’avais totalement manqué les panoramas à couper le souffle offert aux visiteurs. A ne manquer sous aucun prétexte. Tandis que des panneaux nous rappellent l’interdiction de passer, nous dépassons de vaillants cyclistes dans leurs derniers kilomètres d’ascension, superbe effort de plus 20 km à 8% de moyenne.

Puis le sommet d’où l’on découvre un panorama 360° à couper le souffle : à l’Est la ligne de crêtes enneigées des Alpes, au Nord les ondulations du Massif-Central derrière la pleine de Limagne, au Sud le paysage boisé du Luberon et ses petites parcelles striées des plantations de lavande.

Et même si l’aventure s’achève prématurément ici, pour un instant nous sommes les rois du monde !


 

 

mercredi 28 octobre 2020

Sur la Trans Euro Trail

Plus d’un an que nous attendions une nouvelle randonnée moto dans le Grand Sud Marocain. Pour Didier et moi, partir avec nos fils pour une méharée dans les grands espaces sur des machines équipées pour le désert était un rêve. Sahara, nom magique qui à lui seul nous transporte dans les paysages des milles et une nuit : dunes ondulantes entre des oueds arides, horizons infinis dont la ligne s’évapore en mirages éphémères. Et à chaque fois ce grand frisson de liberté absolue. Celui qui vous envahit et vous fait percevoir votre modestie dans l’immensité de l’univers...

Mais c’était évidemment sans compter sur le CoViD qui chamboule le monde, restreignant notamment notre liberté de mouvement comme nul ne l’aurait imaginé il y a encore quelques mois. Période inédite dans l’histoire de l’humanité que certains n’ont pas encore compris. Constater, par exemple, que ce virus à fait aux Etats-Unis déjà plus de morts que la seconde guerre mondiale pour ce pays, repose le sujet à sa juste importance. Car il s’agit bien d’une guerre mondiale contre un ennemi invisible mais dévastateur.

Pour autant le monde ne s’arrête pas de tourner, et il est bon de pouvoir s’évader quelques jours hors du tumulte et de la morosité ambiante. A défaut de grand Sud Marocain, ce sera donc le grand sud de la France, le long de la TET – Trans Euro Trail – longue piste permettant de traverser off-road toute l’Europe en totale liberté et légalité.

Quelques jours avant le départ, de nouvelles contraintes de protection nous sont imposées avec les couvre-feux. Et des rumeurs de durcissement circulent, dont limitation de circulation...

Alors partira, partira pas ? Malgré l’incertitude ambiante nous décidons d’aller prendre l’air en pleine nature. On verra bien. Et s’il faut rentrer précipitamment nous aviserons.

...

Sous un soleil radieux, nous abordons la piste aux alentours de Forcalquier. Petits chemins caillouteux entre les arbustes arborant les couleurs chatoyantes de l’automne. La belle lumière de saison magnifie les nuances de ces paysages encore sauvages. L’air vif aux senteurs de champignons emplit nos poumons. Bien campés sur les cale-pieds de nos machines nous progressons prudemment. En perspective vers le Nord, le Mont Ventoux, tandis qu’à l’Est la ligne des Alpes souligne l’horizon de ses sommets déjà enneigés. L’image est parfaite et l’on comprend que le Luberon ait pu inspirer tant d’artistes peintres. Puis nous retrouvons pour un moment les petites routes de Provence reliant d’improbables villages perchés, comme s’ils avaient été posés là juste pour embellir le paysage.

Quelques courses, masqués, à la supérette du coin. Puis nous remontons vers un improbable cul-de sac, une 15aine de kilomètres se terminant par une bonne piste jusqu’au Gite du Lièvre où nous arrivons sous une belle lune gibbeuse.

Demain (ce soir) le Président de la République doit annoncer de nouvelles mesure de protection. Serons-nous en mesure de poursuivre notre randonnée ?

 

samedi 10 octobre 2020

Trajectoire

A la queue leu leu sur la ligne de départ, sous les ordres du starter les autos attentent le signal pour s’élancer sur la côte de La Pommeraye, courte spéciale de 2,5 km sur route fermée.

Devant nous, au-dessus des voitures la chaleur des moteurs fait vibrer l’air brûlant. Comme s’il agissait d’une friture mécanique. A bord de l’Alpine, malgré le système de ventilation à plein régime et les portes entre-ouvertes, la chaleur est étouffante.

Les départ s’échelonnent toutes les 20 secondes. Bientôt notre tour, derrière une très jolie R5 turbo « Calberson ».

Dans nos combinaisons bleues toutes neuves, sanglés au fond des sièges baquets, casqués, gantés, déjà dans notre bulle mon copilote Marco et moi ne parlons plus.

Quelques images me reviennent, quand, dans les années 70, mon oncle Jacques courait ici à bord d’une R8 Gordini ou autre BMW 2002. J’étais tout minot, et nous venions le voir monter avec mon père. Ambiance de fête, bruit des bolides, odeurs de gomme et d’essence, crissement des pneus, commentaires endiablés du speaker dans les hauts parleurs disposés sur les zones spectateurs... Tout cela avait quelque chose d’extraordinaire.

A cette époque, l’Alpine Berlinette venait de gagner le championnat du monde des rallyes. C’était aussi la grande époque des 24 Heures du Mans, quand la ligne droite alors ininterrompue des Hunaudières propulsait les bolides à plus de 350 km/h. Quelque soit la course automobile, il y avait une dimension héroïque à nulle autre pareille. Dans leur habit de lumière je voyais les pilotes comme des supermen, gladiateurs modernes capables d’emmener de sublimes machines à leurs limites, et me jurai qu’un jour j’en serais.

Le starter nous fait signe d’avancer jusqu’à la ligne de départ.

J’enclenche la première. La voiture précédente vient de tourner à l’épingle au bout de la courte ligne droite. Encore quelques secondes et le starter abaisse son drapeau. Go !

Marco déclenche le chrono bien que cette montée historique ne soit pas officiellement chronométrée. On est là pour le plaisir, mais on se pique au jeu.

La vénérable Alpine de 1978 s’élance, 2ème vitesse jusqu’à la zone rouge du compte tours, puis gros freinage pour négocier l’épingle à droite et s’élancer dans la côte proprement dite. Passage de la 3ème en pleine accélération dans la légère courbe à gauche, puis à fond dans le virage à droite léger avant d’engager à gauche et à l’aveugle le S de la passerelle. Au raz des rails de sécurité l’enchainement est délicat. Faire corps avec la voiture pour en percevoir la moindre réaction : gauche, droite, gauche en jouant sur le transfert des masses pour trouver l’appui le plus juste tout en gardant le bon régime. Regard aimanté sur la trajectoire, je crois percevoir de part et d’autre de la piste les spectateurs faisant des signes dans les reflets du soleil derrière les commissaires dans leurs combinaisons oranges. Mais cela n’a pas d’importance. Seule compte la ligne imaginaire dessinée par la voiture. Nous franchissons la passerelle surplombant la piste. Gros freinage à droite, puis à fond, gros freinage à gauche, puis à fond en appui jusqu’à la ligne d’arrivée.

-       C’est tout bon Fred, me dit me Marco avec sa gentillesse habituelle.

-       Quoi, déjà fini ?

-       Oui, déjà fini.

-       Quel pied !

Je venais de vivre une minute d’une rare intensité. Hors du temps, plus rien n’avait d’importance que de piloter l’auto : rouler vite, finement, peaufiner les trajectoires, trouver les bons appuis, freiner tard, et tout cela sans dépasser les limites. Moment de plaisir total, comme si une voiture pouvait provoquer un orgasme...

Ne cherchez pas. Ca n’a absolument rien de rationnel. Seuls ceux qui ont tenté l’expérience peuvent comprendre.

 

 

mercredi 12 août 2020

Fin de road trip

 

 

 

 

 

 

 

L’ambiance de la salle de petit déjeuner du « Carré d’Aix » à quelque chose d’Audiard. On y retrouve les veuves des Tontons Flingueurs dans des dialogues truculents. Du coup on ne parle pas, on écoute.

Extraits :

- La p’tite de la piscine des thermes n’est quand même pas très délicate. Elle nous asperge sans ménagement avec sa lance à pompier. 

- C’est vrai, et l’eau est froide ...

- Oui, mais il parait qu’ils ne peuvent pas monter au-dessus de 37°.

- Ah bon. C’est nouveau ? Ce s'rait pas à cause du Covid ? 

- Heureusement, la p’tite Polonaise qui nous fait la gym, elle, elle s’y connait.

- C'est sûr qu’elle a les bons diplômes, malgré son accent...

...

- Moi j’suis là avec mes filles. La grosse de 65 ans et la petite de 62 ans...

 

- Oh, c’est qu'vous en avez d’la chance !

 

- J’les adore. Elles sont si mignonnes mes p’tites chéries.

... 

- On sait plus qui croire avec le Covid.

 

C’est bien vrai. Mais quand même, faut faire attention. 

 

- Vous avez raison. Heureusement, c’est plus les hommes... 


  - Le mien est parti il y a 15 ans. Il était si gentil...

***

D’Aix les Bains, pour revenir vers l’Ouest, les départementales nous font passer par les Dombes. Cette zone marécageuse autrefois insalubre, asséchée après la révolution, est aujourd’hui parsemée d’étangs entre des villages aux écoles fermées depuis bien longtemps. Sur les places, des monuments aux héros de la Grande Guerre, stigmates soigneusement entretenus d’un passé glorieux où la ruralité était encore le cœur du pays.

On s’arrête à la supérette du coin acheter de quoi piqueniquer. Accueil cordial du jeune homme, tenant sans doute à bout de bras, l’établissement au service des quelques centaines d’âmes vivant encore ici. Et toujours les masques obligatoires, alors que nous ne sommes que trois au milieu de « nulle part » ...

Sur la route, une pancarte indique un observatoire astronomique. Allez savoir pourquoi nous décidons de les suivre jusqu’à un plateau isolé idéalement placé. On s’arrête au début du chemin conduisant, à pied, jusqu’au lieu d’observation : promenade agréable dans les sous-bois débouchant sur une lande bien dégagée. Une jeune fille nous « accueille » en indiquant que l’observatoire n’est pas ouvert. Je réponds que c’est juste pour marcher entre les coupoles. 

 

-       Pas possible Monsieur, l’observatoire n’ouvre qu’à 15h !

 Je la fusille du regard, elle n’a rien compris. 

-       Tout juste s’il elle nous avait demandé de mettre notre masque !

 

-       Tu exagères tout de même. Elle ne fait que son travail.

 

-       Son travail ? Tu parles. Il s’agit surement d’une association. Nous ne faisions que passer, sans entrer dans les installations, juste pour sentir les ondes. Je déteste ce type de comportement autoritaire sans appréciation réelle de la situation. 

 

-       Tu n’es vraiment qu’un grand indiscipliné.

 

-       C’est bon. Passons notre chemin !

***

40° indique le thermomètre de la voiture. Dehors il fait une chaleur étouffante.

 

-        Tu sais quoi ?

 

-       Non, mais tu vas me le dire...

 

-       Je viens de regarder le GPS. Nous pourrions être à la maison vers 20h30 ce soir. T’en penses quoi ? A conditions de passer par l’autoroute évidemment.

 

-       Tu es sûr ?

 

-       Si je te propose...

 

-       Alors allons-y.

Nous retrouvons l’autoroute, son flot de voitures chargées pour les vacances, et ses convois de poids lourds sillonnant l’Europe. Fin de la parenthèse enchantée où le temps ne comptait plus.

 

-       C’était bien tes vacances ?

 

-       Géniales ! On ne s’est pas pris la tête. Et toi ?

 

-       Pareil. J’étais bien accompagné.

 

 

 

lundi 10 août 2020

La Riviera des Alpes...


Aix-Les-Bains sur les bords du Lac du Bourget, la Riviera des Alpes disent les slogans publicitaires. Rien que ça !

A eux seuls, ces deux noms ont déjà quelque chose de vintage. La grande époque des stations thermales où l’aristocratie y prenait ses quartiers d’été pour profiter des eaux aux vertus magiques. Quand l’aérodrome du Bourget qui n’a rien à voir - si ce n’est la concordance de nom et d'époque - était le hub des premiers vols commerciaux, et où Charles Lindbergh, du haut de ses 25 ans, touché par la grâce divine réussit la première traversée de l’Atlantique Nord à bord du monomoteur Spirit Of Saint Louis, et s'y posa saint et sauf le 20 mai 1927.

Nous descendons au « Carré d’Aix », hôtel hors d’âge tenu par une Italienne qui ne l’est pas moins. La dame comme le lieu sont charmants. Et l’établissement, idéalement situé à deux pas du Casino.

Marcher au hasard dans les rues d’Aix est une immersion dans une époque que les moins de 100 ans ne peuvent pas connaître... Une « éternité » qui nous replonge dans l’extravagante insouciance des années folles et son architecture un rien prétentieuse. On croyait alors au progrès. Les inventions, comme l’on disait, promettaient un avenir radieux au plus grand nombre. Jusqu’à ce que l’inconsistance des politiques d’alors conduise au désastre de la seconde guerre mondiale, seulement 20 ans après la précédente.

Mais ce qui frappe ici, est le nombre de personnes âgés, petits enfants des contemporains de La Belle Epoque, comme un balbutiement de l’histoire, presque la fin d’un cycle.

Dans la rue, tous sont masqués, comme apeurés par le contexte inédit du moment. Surtout des vieilles dames, preuve s’il en est encore besoin, qu’elles résistent mieux à l’usure du temps.

-        - Et si nous allions au Casino ?

-       - Nous n’avons pas la tenue...

-       - Car il faut une tenue maintenant ?

-       - Regardons les gens qui y rentrent... 

     - T’as raison, rien de très spécial.

Nous échouons à la première tentative. Tenue correcte acceptée, mais faute d’une pièce d’identité. Heureusement l’hôtel est à 2 pas...

Nous entrons masqués comme tous les clients. Mais s’agit-il de clients ou de pigeons ? Car l’endroit, aussi clinquant soit-il, ressemble à un attrape-nigauds. Les strass semblent agir sur le public comme des appâts de pêche. Bienvenue dans le monde merveilleux des rêves de fortune instantanée où l’on sa fait plumer !

 -       -  Sais-tu comment on joue ?

-       - Par vraiment... On n’a qu’à faire comme dans James Bond : commander un Martini on the rocks au shacker et s’installer à une table de jeu.

-      -  Sauf qu’on ne connait pas les règles...

-       - On pourrait peut-être se les faire expliquer ?

-       - Tu parles. Rabattons-nous sur quelque chose de plus simple. Les batteries de machines à sous nous attendent.

-       - T’as raison. As-tu des sous ? Regarde, la machine prend directement les billets.

-       - A moins qu’elle ne les dévore. C’est d’ailleurs le but de ce business.

-       - Que tu es rabat-joie...

-       - Bon d’accord, commençons pas 20 Euros.

Un billet avalé, puis on appuie sur les boutons d’une machine programmée pour gagner. Même si au tout début elle donne l’illusion de vouloir nous laisser empocher un peu d’argent. Alors on se prend au jeu en remettant les « gains ». Puis on finit par tout perdre.

 -    -  On essaie un autre coup ?

-       - Il ne me reste que 10 Euros en cash.

-      -  Allez...

Même scénario, même résultat !

C’est donc allégés de 30 Euros que nous déambulons dans le temple du jeu pour observer les gens. Et il y en a des « pauvres gens », totalement hypnotisés par le scintillement des écrans et le tintement des pièces de monnaie tombant dans les gobelets. Surtout des femmes âgées que l’on vole, profitant de la solitude du crépuscule de leur vie. Quelques curieux aussi, comme nous, qui s’y essayent sachant pertinemment qu’en entrant ils ont déjà perdus. A moins que ce ne soit le simple prix à payer pour profiter du spectacle de déchéance offert en ces lieux.

-       - Et si on allait diner ?

-       - T’as encore un peu de sous ?

-       - T’inquiète...

 

 

 

samedi 8 août 2020

De la Provence indolente au grand théâtre des Alpes

 

Du plateau des Cévennes, le hasard de nos pérégrinations nous mène en Provence où la chaleur étouffante nous plonge dans l’indolence de ses paysages arides écrasés par le soleil du midi.

Ici tout semble marcher au ralenti, sauf peut-être le crissement entêtant des cigales, comme celui, en soirée, des grenouilles au bord des marigots. Allez savoir pourquoi l’on tolère, dans leur contexte, des bruits autrement plus forts que bien des nuisances de voisinages… 

 
Les villages aux volets fermés ponctuent les départementales tortueuses. Nous contournons par le Nord le Mont-Ventoux et son allure de glace à la vanille s’abandonnant sous la canicule.
Puis nous rejoignons la route des Baronnies de Provence surplombée par quelques imposants châteaux construits sur des promontoires naturels. Quand le pouvoir s’affichait à l’aune de la position dominante sur le paysage.
Au gré des sinuosités de l’approximative bande d’asphalte, des fragrances de lavande titillent nos narines. La récolte tire à sa fin, et les champs perdent leur belle couleur bleutée pour la tenue d’hivers, longues bandes parallèles comme des balais brosses.
 
Les contreforts montagneux annoncent le grand théâtre des Alpes où l’on s’engage avec délectation. Les ondulations laissent place à des reliefs plus marqués. Les vallées se resserrent et l’horizon disparait derrière des massifs rocheux tels des murs infranchissables. La route commence à serpenter vers des cols mythiques. Nous n’avons que l’embarras du choix. La Madeleine, puis la Croix De Fer que l’on attaque avec gourmandise, laissant s’exprimer la puissance du bolide. Sortie d’épingles en 2ème, puis franche accélération en 3ème puis 4ème pour apprécier la poussée virile et le feulement du 6 cylindres turbo, avant de sauter sur les freins en rétrogradant rageusement, histoire de profiter des râlements rauques de la machine. Et recommencer jusqu’au prochain virage…

La forêt laisse place aux alpages avant d’atteindre le sommet sous un soleil radieux. En perspective, le majestueux Mont-Blanc, les aiguilles acérées des écrins, et le cône sommital du mythique Cervin. Nous en avons la tête qui tourne tant la vue est à couper le souffle.

Nous partons randonner sur les sentiers d’altitude respirer l’air pur de cette grande nature. Nul besoin de parler, juste jouir du spectacle comme des privilégiés, éphémères rois du monde fixant les images inoubliables de cette promenade pour les jours de mauvais de temps.

On s’arrête au hasard dans un petit hôtel de montagne donnant sur une vallée profonde, et l’on s’installe à la terrasse siroter un café en dégustant un bon livre…

         -       On va où demain ? 

-       Regarde donc la carte…

-       Par-là ?

-       Et pourquoi pas plutôt par-là ?

-       N’es-tu pas un peu contrariant ?

-       Pas du tout puisque nous n’avons pas de plan.

-       C’est vrai, j’avais oublié.

-       Alors d’accord. Allons donc à Aix-les-Bains par le lac d’Annecy.