vendredi 25 août 2017

30.000 Km chrono !



Retour dans la vie professionnelle pour une semaine de voyage au programme millimétré : Nantes, Paris, Shanghai, Saigon, Bangkok, Pékin, Paris, Nantes, puis retour à la maison. Plus question de musarder le nez au vent lorsque chaque seconde compte et qu’il s’agit de gérer son énergie comme un sportif de haut niveau, pour rester au top, et encore faire bonne figure le week-end suivant.
Saigon comme Toulouse, ou Bangkok comme Clermont-Ferrand, et se dire que l’on a bien de la chance de pouvoir parcourir le monde comme on traversait la France, tout en restant connecté, enchainant les rendez-vous, entre un Phô pour déjeuner et un Tom Yam Kung au diner. « Certains paieraient pour ça ! » Tu parles, on paie aussi…
Mais tout de même, quelle époque nous vivons : l’instantanéité de l’information et l’extraordinaire développement des lignes aériennes mettent à moins d’une journée n’importe quelle ville du globe. Inimaginable à ce point il y a 20 ans. Cela se passe maintenant, nous en sommes, et je me demande bien ce qu’en diront les historiens du XXIIème siècle. Celle d’un âge d’or ou d’une époque de transition un peu folle ? Avant que vrais voyages et vrais rendez-vous ne soient remplacés par rencontres où déplacements virtuels, dans un monde où le numérique aurait tout « solutionné » ?
Ben oui, moins de pollution, moins de risque d’épidémie, moins d’insécurité, moins de fatigue, sans parler des questions d’immigration limitée par des murs infranchissables… Un monde aseptisé, où le virtuel aurait pris le dessus sur la dimension réelle, où des sociétés hyper protectrices limiteraient les champs d’actions des citoyens au nom d’un bienveillant principe de précaution.
Vous pensez que j’exagère ?
Pourquoi alors un tel succès des logiciels « de jeux » de simulation, si ce n’est pour donner l’illusion de la maîtrise sans en assumer les potentiels défauts ?
Je vois déjà mes enfants répondre avec ironie : c’était mieux avant ! Et tenter de me faire passer pour un « has been ». Mais peut-être pas complètement. Continuons un peu.
Tous ces capteurs que l’on installe dans des bracelets magiques – là ce sont mes frères qui vont ironiser – et qui dessinent des graphes sur ordinateurs pour vous dire combien de pas fait dans la journée, votre temps de sommeil, le nombre de calories consommées, j’en passe, et que bientôt les sociétés d’assurance nous proposerons pour nos bons soins.
Les voitures autonomes que nous ne serons peut-être plus autorisés à conduire pour des raisons de sécurité, les œufs des poules, plus autorisés non plus de les consommer tels quels, au cas où ils transporteraient des germes pathogènes, ou encore les fromages non pasteurisés.
Déjà, avec les lunettes de réalité augmentée, plus besoin de se déplacer pour découvrir les sites naturels remarquables ou visiter le Louvre. En quelques minutes, vous y êtes depuis chez vous. Alors pourquoi tenter la vraie expérience, quand justement l’expérience devient l’immersion virtuelle et cette incroyable sensation d’y être, sans y être vraiment.

Brr, je préfère ne pas trop y penser et continuer à parcourir le monde réel, même si cela est parfois un peu épuisant. Au moins cela permet de raconter de vraies histoires.


vendredi 18 août 2017

Le nez au vent : chapitre 6 - Epilogue



Et maintenant on fait quoi ? Pourquoi pas le viaduc de Millau. Nous l’avions aperçu peu après son entrée en service mais jamais emprunté. Alors pourquoi ne pas y aller voir ?

Les petites routes traversant les Cévennes sont un délice pour motard. On surfe sur la Corniche surplombant les gorges du Gard et profitons du panorama en cinémascope 3D, comme si le paysage avait été dessiné juste pour le plaisir des yeux : profondeur des perspectives où les lignes d’horizon de superposent comme les décors d’un théâtre classique, nuances des couleurs de la terre et du ciel, tout le corps au contact de l’air vivifiant de la moyenne montagne.
Au détour d’une jolie courbe à droite, une indication « Pont du Gard ».
-       Tu l’as vu toi aussi ?
-       Ben oui. Et si on y allait ?
-       Pourquoi pas. Y’a plus qu’à suivre les indications…
Une demi-heure plus tard nous arrivons sur le site. Parking parfaitement organisé avec péage automatique, puis fléchage jusqu’aux caisses. Surprise, nous qui pensions arriver sur un site naturel, alors que l’abord ressemble plus à parc d’attraction. Il y a 2000 ans les constructeurs Romains n’auraient certainement pas imaginés cela.
L’approche se fait ensuite pas de larges allées ombragées descendant doucement sur l’ouvrage, et quel ouvrage ! Presque 300 m de long, 50 m de haut sur 3 étages enjambant la vallée encaissées. L’impression est saisissante d’élégance et de puissance mélangées. Remis dans le contexte de l’époque, l’émotion devait être plus forte encore devant une telle réalisation technique permettant d’amener, en débit constant, plus de 40 000 litres d’eau par jour jusqu’à Nîmes.
Mais sous sommes bien en 2017. Et notre objectif était d’aller voir un autre ouvrage d’art exceptionnel, enjambant aussi une large vallée, non pas pour acheminer l’eau, mais pour assurer la fluidité du trafic autoroutier. Autre époque, autre contrainte que le génie de l’Homme a permis de surmonter : cette belle notion de progrès qui fait que, n’en déplaise à certains, notre condition s’améliore et que nous devons rester confiants dans notre faculté de relever les défis permanents auxquels nous sommes confrontés.
Comblés par cette visite improvisée, et aussi un peu contraint par le temps, nous faisons finalement l’impasse, pour cette fois, sur le pont de Millau. « L’éternité » attendra, et poursuivons notre route à la recherche d’un lieu insolite pour passer la nuit. 

Notre pérégrination nous emmène jusqu’au Camping du Vieux Château, à Rozan, dans les vignobles de Saint Emilion. Un bon endroit à bien des égards, et notamment pour dormir en altitude dans une cabane au toit transparent, au milieu de ce petit camping familial loin de l’agitation, simplement fait pour se reposer. Tout ce pourquoi sont faites les vacances.
Nous étions partis le nez au vent vers le Mont Gerbier des Joncs.
Nous voilà de retour à la maison, tels des oiseaux migrateurs qui jamais ne se perdent,
toujours prêts à s’envoler pour de nouveaux voyages. Et ce dernier, sans autre ambition que de profiter d’une brève parenthèse espace-temps ne fut pas le moins agréable.



mercredi 16 août 2017

Le nez au vent : chapitre 5



Vue d’une carte routière, la Camargue n’a à priori rien de très attirant, petite zone marécageuse bordée d’autoroutes où le delta du Rhône se dilue dans la Méditerranée. Mais il y a aussi un bout du monde, Les Saintes Marie de la Mer, ville mythique des gitans qui s’y retrouvent annuellement pour fêter Sara, leur Sainte patronne. Alors, toujours le nez au vent, et un peu gitans dans l’âme, nous nous sommes dit qu’en restant dans le thème un petit crochet s’imposait. Et nous n’avons pas été déçus.

Passée la désagréable zone portuaire industrielle du port autonome de Marseille baignée dans les vapeurs d’hydrocarbures, on emprunte le bac de port Saint Louis du Rhône pour totalement changer de monde.
Prendre un bac ou un Ferry est toujours un appel au voyage, la promesse de découvertes souvent inattendues, à tel point que les hommes en ont protégé l’accès par l’absence de pont synonyme de passage de masse. Et le nom même « Port Saint Louis » ajoute encore à l’endroit une irrésistible touche d’exotisme, peut-être un lien subliminal avec Saint du Louis du Sénégal, autre ville portuaire où tant de voyageurs au long cours se sont posés où ont accostés.
La traversée ne dure que quelques minutes, juste le temps de quelques brasses, cheveux aux vents sur le pont du bateau. Puis l’on aborde la Camargue sans plus de transition. Le contraste est tel avec l’autre rive, que le dépaysement est total et instantané. Les petits routins nous emmènent d’un étang à l’autre, tous plus étincelants sous le ciel immaculé du grand Sud. Les berges de sel cristallisé semblent comme saupoudrés d’une fine couche de neige, pareille à celle de certaines zones désertiques du Sahara. Plus loin, d’élégants flamants roses semblent comme posés là pour le décor. Il n’a y plus qu’à s’arrêter pour contempler cette nature sauvage encore vierge.

Sous le charme nous repartons flâner le long de petites routes bordées de roseaux. Des enclos aux petits chevaux gris succèdent à ceux de taureaux aux cornes impressionnantes, tous identiques, bêtes sélectionnées depuis des générations pour les courses Camarguaises et la corrida. Et l’on apprécie mieux, en les observant de plus près, le courage des hommes qui leur feront face.
En approchant des Saintes Marie, des gardians tels des cow-boys sur leurs chevaux vaquent à leurs activités agricoles traditionnelles, communion de l’homme avec cette nature unique où l’animal reste le meilleur moyen de déplacement.
On s’arrête déjeuner, servis pour une femme altière et sympathique aux allures de gitane, visage émacié à la peau brune éclairé par des « yeux révolver » noirs sous une longue chevelure attachée dans un faux désordre.
Puis nous rejoignons les Saintes Marie. Immanquable visite de l’Eglise où se sont développées nombre de légendes religieuses soigneusement entretenues depuis des siècles, pour motiver la ferveur des fidèles et impressionner le voyageur de passage qui saura les colporter.

La journée s’étire et nous devons poursuivre notre route toujours le nez au vent.
Quelques kilomètres plus loin, un autre bac permet de franchir le bras du petit Rhône et refermer cette parenthèse inattendue.