De Bangkok
j'atterris en transit à Canton, impatient de reposer les pieds sur le
territoire Chinois après plus de trois ans et demi d'absence. Par précaution, j'ai
fait en Thaïlande un test PCR 48 heures auparavant.
L'avion
n'est pas plein et je ne vois pas d'autres d'occidentaux.
Assis à l'avant
de l'appareil, je sors dans les premiers et me dirige vers l'immigration.
Premier arrêt pour une prise de température, photo, et déclaration sanitaire à
faire sur smartphone par un lien Wechat, afin d’obtenir un laisser passer électronique
sous forme de QR code. Aïe, je sens que ça va se compliquer : appli
correctement téléchargée, je tente de compléter le formulaire, mais au moment
de remplir les adresses précises de destination le système me renvoie un
message d’erreur. Sur papier il était possible de faire des fautes ou laisser
des blancs. Mais là ça bug. Impossible d’obtenir la validation finale.
Tous les
passagers sont passés. Un agent charitable vient à mon secours dans un anglais
correct. Il fait pour moi les corrections qui vont bien et j'obtiens le
précieux sésame du big data Chinois qui, scanné, m'ouvre la porte automatique
vers l'immigration. Ça c'est fait !
A
l'immigration le système de reconnaissance faciale fait son petit effet. Immédiatement
identifié, je peux de nouveau entrer en République Populaire de Chine :
Welcome back in China !
Mon vol en
correspondance vers Xian est décalé. J'ai donc tout mon temps pour aller vers
le « domestic terminal » où je suis de nouveau accueilli par le
système de reconnaissance faciale qui m'ouvre automatiquement la porte. Surréaliste.
Arrivée très
tardive à Xian, porte de la Mongolie, ville des soldats de pierre et d’origine
de Xi Jinping,
Je retrouve Shuchen,
mon vieil ami et collègue dirigeants de nos entreprises Chinoises. Nous nous
tombons dans la bras, émus par ces retrouvailles après la guerre du covid à
laquelle, faisant preuve d'une résilience à toute épreuve, nos entreprises ont
survécu.
Il est trop tard
pour nous rendre par la route à Dali, lieu de nos installations sur cette
province, et choisissons de dormir à l'hôtel de l'aéroport. (Détail qui a son
importance pour la suite de l'histoire...)
Retrouver sur
site nos équipes est un pur bonheur d'entrepreneur. Maintenant entourés
d'hectares de panneaux solaires piquetés de grandes éoliennes, l’installation
est parfaitement tenue. Les équipiers ont le sourire. Les perspectives des
prochains mois sont bonnes. Nous devrions sortir par le haut de cette crise inédite.
En soirée,
l'enregistrement au grand hôtel « international » de la ville est une
formalité avec le fameux QR code.
Nous
repartons le lendemain pour visiter un important client dans une province
voisine : 7 heures de TGV vers Nanchang. Mais au moment de quitter l'établissement
débarquent 2 officiers de police :
- Comment se fait-il que votre
arrivée ait été décalée d'un jour ?
Nous
expliquons l'arrivée tardive de l'avion, le changement de plan et la nuit
passée à l’hôtel de l’aéroport.
- Mais vous auriez dû prévenir !
Tien donc. Avec
la reconnaissance faciale et la traçabilité du QR code qui sert aussi à payer,
big brother suit maintenant tous les faits et gestes de ses petits frères et sœurs ;
et même des visiteurs au long cours.
Agréable
voyage de 1500 km en TGV. Le réseau ferré très récent est d'une qualité
parfaite, tout comme les infrastructures avec des gares grandes comme des
aéroports. Sans parler du confort des wagons tenus impeccablement.
On sillonne
le pays à 300 à l'heure, confortablement installés à regarder défiler les
paysages à travers de grandes fenêtres. Comme dans un film documentaire,
succession de mégalopoles et de villages ruraux entrecoupées de paysages à
couper de souffles. Zones pastorales s'étalant sur de vaste plaines
entrecoupées de reliefs plus montagneux où le moindre espace est aménagé en
terrasses. Puis les impressionnantes zones industrielles aux périphéries de villes
plantées de forets d'immeubles d'habitation, effrayante vision de ce qu'on put
être les conditions de vie de tous ces gens pendant les confinements successifs.
Et à
l'arrivée on scanne de nouveau le QR code pour sortir de la gare tout comme
nous l'avions fait à l'entrée. Le système nous suit à la trace...
Aller sur le
terrain avec les clients est un réel plaisir. Fierté d'apprécier nos produits
qui ne nous appartiennent plus.
Puis ces
banquets où sont exhibés tels des trophées, les personnalités officielles, dans
un pays où les lois du marché répondent à des règles comme nulle part ailleurs,
intégrant toute la puissance publique du Parti Communiste Chinois.
Nous reprenons
l'avion vers Chengdu, 2h30 de vol depuis Nanchang.
Au moment de
passer la sécurité, le système de reconnaissance faciale ne fonctionne pas et
l'agent, une jeune femme, semble hésiter sur mon passeport. L’extension de mon
prénom sur la carte d’embarquement n’étant pas complète, faute d’un nombre de
cases suffisantes. Et me voilà baladé de guichet en guichet, personne de
voulant prendre la responsabilité de court-circuiter le système par peur, sans
doute, de se faire sanctionner par big brother.
Ici s’agacer
ne sert à rien. Je reste stoïque, essayant d’expliquer tout en gardant le
sourire l’absurdité de la situation...
Mais ils sont
paralysés par une autorité d’une incroyable puissance où chacun se sait surveillé
par un régime dont la période Covid a permis de développer le paroxysme de l’autocratie
version 3.0
Finalement
une toute jeune femme semble vouloir prendre les choses en mains. Son regard
vif semble m’exprimer une certaine exaspération. Elle me suggère de retenter ma
chance à un autre guichet. Mêmes causes, mêmes effets ! Surveillant la
scène à distance, elle s’approche de l’agent visiblement désemparé, prend mon
passeport, en fait ostensiblement une photo sur ses yeux et ceux de la caméra
de surveillance, assorti d’un commentaire acerbe. Apparemment désarçonné, mais
soulagé de ne plus porter la responsabilité de la « rébellion », l’agent
me laisse passer.
Ici tout est
sous contrôle.
2 commentaires:
Ah liberté chérie !
Un peu angoissant ce système
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