Y flâner est un peu comme se promener
dans un musée à ciel ouvert où vivent les gens, et dont l’Histoire se lit sur
les façades baroques longeant des rues aux noms romantiques.
Il n’y qu’à regarder ou écouter les
touristes pour se rendre compte : les asiatiques sous le charme d’une
architecture pour eux tellement exotique, les américains impressionnés par cet
héritage de siècles d’histoire aux allures de super production Hollywoodienne.
…
Au terme d’une journée de travail, nous
sommes invités pour un concert privé, sur semaine, au domicile de celui que nous
nommerons Herbert Von Braun. A lui seul le nom en dit long sur la
« noblesse » de ce personnage attachant, et haut en couleur, qui a
fait fortune dans les biotech. Depuis il continue de travailler avec le même
enthousiasme tout en profitant de son confort matériel.
Perchée sur les hauteurs de la ville,
la maison de notre hôte en impose, grande bâtisse blanche et carrée, sur 3
niveaux, ornée de fenêtres symétriques encadrées de pierres taillées, dans le
pure style empire sobre et imposant du début 19ème.
On y entre par une solide porte en bois
donnant sur vestibule où, tout sourire, nous accueille notre hôte accompagné de
son épouse ; puis sommes invités à rejoindre la bibliothèque, pièce carré
de 50 m2 où s’entassent sur 2 murs complets des milliers de livres disposées sur
étagères jusqu’au plafond perché à plus de 3,5 m. Une échelle de bois permet
d’y accéder. Sous la fenêtre un bureau contemporain orné de quelques photos de
familles encadrées. Une porte fenêtre grande ouverte donne sur un vaste salon
organisé autour d’un superbe piano à queue. En enfilade la salle de séjour au
milieu de laquelle est disposée une longue table de bois cirée. Au sol quelques
beaux tapis finissent un ensemble agréable et chaleureux où se mêlent avec bon
goût, style et culture. Pour l’occasion quelques dizaines de chaises dépareillées
encombrent l’espace.
Tandis que les invités arrivent, nous
dégustons d’excellents petits fours autour d’un verre de champagne tout en
commentant la belle initiative d’Herbert.
Un tintement de verre appelle au
silence. Notre hôte accueille ses invités avec un petit mot pour chacun, puis
présente les deux jeunes musiciens qui vont jouer ce soir. Au programme
quelques pièces de Bach et Mozart pour piano et violon. Chacun s’installe, le
silence se fait, place à musique.
Si je reconnais volontiers ne pas être
un grand mélomane, j’apprécie la musique classique, particulièrement baroque.
Et c’est justement sur une pièce de ce style que démarrent nos instrumentistes.
Je n’avais jamais eu l’occasion d’entendre
un concert en se trouvant si proche des musiciens : expérience à forte
charge émotionnelle, un peu comme celle d’assister à un match de tennis où l’on
ressent physiquement l’effort des sportifs. Ici les respirations prennent tout
leur sens lorsqu’on perçoit celle des artistes entre deux mouvements, que directement
liée à leurs gestes d’une virtuosité exceptionnelle, la musique envahit tout
l’espace dans une seule et même vibration subjuguant le public.
Je regarde les visages des autres
invités figés dans d’étonnantes expressions, comme suspendus à je ne sais quel haletant
suspens, mélange d’émotions et de concentration.
Entre les mouvements chacun se retient
d’applaudir pour ne pas perturber les artistes jusqu’à la fin de la pièce qui
se conclue sous un tonnerre d’applaudissement, étrange contraste de ce bruit
presque brutal éclaboussant l’espace encore submergé des notes subtiles de Bach.
Le concert se termine comme il a
commencé, par un petit discours de notre hôte et remerciement chaleureux aux
jeunes artistes « très prometteurs ». Sans doute le sont-ils.
Encore sous le charme je me retourne
vers un collègue Américain tout sourire :
- Simple
question de culture Fred. Sûr que ça change de nos barbecues partis !
- T’as
raison, mais cela ne répond-t-il pas quand même aux mêmes objectifs ? Donner
du plaisir et rapprocher les gens ?
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