jeudi 18 mars 2010

Machine à rêves


Dimanche 14 Mars :

Comme si les quelques 30.000 km passés en avion ces 2 dernières semaines ne suffisaient pas, réveillé de bonne heure ce matin me voilà pris d’une irrépressible envie de voler de mes propres ailes, histoire de toucher de nouveau la troisième dimension, sensation unique de liberté, perspective spatiale d’où le monde paraît si beau, si bien ordonné, la « Terre de Hommes » magnifiée par Saint Ex le grand.

Ce matin le ciel est bas et le paysage diffus baigne dans une lumière trouble et laiteuse où l’horizon se confond rapidement avec la couche nuageuse dans un fondu enchainé cotonneux. L’air humide et calme porte bien l’appareil qui glisse avec fluidité, tracté par l’hélice tripale dont le disque de rotation grise légèrement la perspective derrière le pare brise du confortable cockpit. Pieds détendus sur les palonniers, manche main droite, manette de gaz main gauche, je fais corps avec le petit appareil que la faible inertie rend très joueur, et me laisse aller à dessiner de grands 8 paresseux dans ce ciel trouble, enchaînant virages à gauche puis à droite sous forte incidence. L’horizon danse d’un côté puis le l’autre, une aile dressée vers le ciel tandis que l’autre défile rapidement sur le paysage 1500 pieds plus bas. Le corps s’alourdi, plaqué sur le siège par la force centrifuge, sensation agréable d’accélération directement proportionnelle à l’action sur les commandes. La tentation est alors grande de pousser un peu jusqu’au tonneau barriqué. Mais un peu de retenue s’impose au commande d’un appareil non spécifié voltige.
Retour au vol horizontal : de là haut les distances semblent se contracter. Le long de la vallée de la loire les villages apparaissent en perspective comme beaucoup plus proches, reliés par de fins rubans bleus ; lecture du paysage semblable à celle d’une carte routière posée sur les genoux quand nous conduisions encore sans GPS.
Bien agencées, les surfaces agricoles aux teintes encore tristes et nuancées de l’hiver attentent le printemps pour exprimer le potentiel de cette terre nourricière, fruit du travail séculaire des hommes qui l’ont façonné telle que nous la connaissons. Ici et là des étangs et massifs boisés agrémentent encore ce paysage ponctué depuis quelques années de grandes et élégantes d’éoliennes, telles des ballerines dansant sur la campagne.
D’ici tout semble parfaitement paisible et ordonné.
Et porté par les molécules d’air, magie du vol, instant de liberté absolu où le temps semble comme suspendu, mon esprit s’évade en se libérant de toute pression.

Un ami pilote disait un jour :
- Ceux qui ne volent pas ne peuvent pas savoir !
Plaisir futile et égoïste ?
Et alors...

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