dimanche 24 juillet 2022

Jaipur

Pour le voyageur occidental, le nom de « Jaipur » résonne telle une promesse. De ces villes du bout du monde, Ispahan, Samarcande ou Ouroumtsi, noms magiques inscrits dans l’imaginaire comme des cités au pouvoir d’attraction extraordinaire.
En ce milieu d’après-midi l’activité y est frénétique. Rues encombrées de véhicules en tout genre et où chacun vaque à ses occupations. On entre dans la vieille ville par de larges portes ouvrant le mur d’enceinte vers les artères principales bordées de constructions assez régulières sur 3 niveaux, toutes peintes en rose orangé. Le rez de chaussé, niveau des boutiques, se termine par un trottoir couvert donnant sur la rue. Au-dessus, les habitations ornées de moucharabiés protégeant les pièces de vie du soleil et les habitant(es) de la vue des passants. Puis les larges terrasses où il fait bon s’assoir l’été quand l'astre du jour descend sur l’horizon.
 
Comme souvent les quartiers sont organisés par spécialités : vêtements, tissus, cachemire, chaussures, tapis, quincaillerie, électronique, alimentation... Curieux de constater une fois encore l’instinct grégaire de notre espèce, sans doute aussi guidée par des contraintes matérielles des plus pratiques quand il s’agit d’optimiser les flux d’approvisionnement ou encore de mutualiser quelques moyens de production. A la fin je n’ai toujours pas compris comme chacun pouvait s’y retrouver dans une microéconomie aussi fragmentée...
 
Mais le plus intéressant est l’incroyable diversité des gens qui y habitent. Diversité ethnique, religieuse, et de castes encore omniprésentes. Croiser les regards est ici une expérience d’une rare intensité : les yeux noirs de cette femme en sari rouge, jaune et doré, ceux de cet homme aux cheveux décolorés à la longue barbe blanche, de ce vendeur d’épice en tablier, de cet enfant tout tordu mendiant sur le trottoir, de cette vieille femme enturbannée, de ce vendeur de thé massala dans ses vapeurs de coriandre...
Boudhistes, Indous, Musulmans, Sikh, Chrétiens vivent apparemment en harmonie. Les lieux cultes que l’on découvre se croisent dans la cité sans réelle logique apparente. Le chant du muézin résonne dans les effluves d’encens d’un temple bouddhiste où du mausolée d’une divinité Indou. Quand au coin de la rue les indigents mendient quelques roupies ou de la nourriture aux passants apparemment indifférents dans leurs tenues chamarrées, mais que personne ne meurt de faim car, même si les castes n’existent plus officiellement, elles segmentent la société dans des extrêmes difficiles à comprendre où chacun reste à sa place et vit, survit pour certain, selon des principes immuables apparemment acceptés par la majorité.
 
Capitale du Rajasthan, Jaipur est aussi une cité de palais de Maharajah, ceux-là-même qui ont dominé les provinces de ce pays immense jusqu’à son émancipation démocratique après la colonisation britannique.
Leur architecture est celle que l’on imagine des palais des milles et une nuit : portes immenses en ogives doubles ou triples richement ouvragées et colorées, surmontées d’élégantes coupoles - sur plusieurs niveaux fenêtre ornées de moucharabié - cours et jardins intérieurs agrémentés de fontaines - scintillantes verreries polychromes - cuivres et bronze rutilants - étroites coursives menant aux étages. Quel enchantement pour les visiteurs qui, au premier abord, ne perçoivent pas la dimension carcérale dorée de ces lieux pour les femmes et les enfants de ces rois tout-puissants. Ils y rendaient ici publiquement la justice lors de séances de palabres savamment orchestrées permettant d’assoir encore davantage leur pouvoir seigneurial. 
Probablement ni pire ni mieux que les souverains de nos châteaux, mais dans un incomparable clinquant.

 
 
 

 

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