Pour le voyageur occidental, le nom de « Jaipur »
résonne telle une promesse. De ces villes du bout du monde, Ispahan,
Samarcande ou Ouroumtsi, noms magiques inscrits dans l’imaginaire comme des
cités au pouvoir d’attraction extraordinaire.
En ce milieu d’après-midi l’activité y
est frénétique. Rues encombrées de véhicules en tout genre et où chacun vaque à
ses occupations. On entre dans la vieille ville par de larges portes ouvrant le
mur d’enceinte vers les artères principales bordées de constructions assez
régulières sur 3 niveaux, toutes peintes en rose orangé. Le rez de chaussé,
niveau des boutiques, se termine par un trottoir couvert donnant sur la rue.
Au-dessus, les habitations ornées de moucharabiés protégeant les pièces de vie du
soleil et les habitant(es) de la vue des passants. Puis les larges terrasses
où il fait bon s’assoir l’été quand l'astre du jour descend sur l’horizon.
Comme souvent les quartiers sont
organisés par spécialités : vêtements, tissus, cachemire, chaussures, tapis,
quincaillerie, électronique, alimentation... Curieux de constater une fois
encore l’instinct grégaire de notre espèce, sans doute aussi guidée par des
contraintes matérielles des plus pratiques quand il s’agit d’optimiser les flux
d’approvisionnement ou encore de mutualiser quelques moyens de production. A la
fin je n’ai toujours pas compris comme chacun pouvait s’y retrouver dans une microéconomie
aussi fragmentée...
Mais le plus intéressant est l’incroyable diversité des gens qui y habitent. Diversité ethnique, religieuse, et de castes
encore omniprésentes. Croiser les regards est ici une expérience d’une rare
intensité : les yeux noirs de cette femme en sari rouge, jaune et doré,
ceux de cet homme aux cheveux décolorés à la longue barbe blanche, de ce
vendeur d’épice en tablier, de cet enfant tout tordu mendiant sur le trottoir,
de cette vieille femme enturbannée, de ce vendeur de thé massala dans ses
vapeurs de coriandre...
Boudhistes, Indous, Musulmans, Sikh, Chrétiens
vivent apparemment en harmonie. Les lieux cultes que l’on découvre se croisent
dans la cité sans réelle logique apparente. Le chant du muézin résonne dans les
effluves d’encens d’un temple bouddhiste où du mausolée d’une divinité Indou. Quand au coin de la rue les indigents mendient quelques roupies ou de la nourriture
aux passants apparemment indifférents dans leurs tenues chamarrées, mais que
personne ne meurt de faim car, même si les castes n’existent plus
officiellement, elles segmentent la société dans des extrêmes difficiles à
comprendre où chacun reste à sa place et vit, survit pour certain, selon des principes
immuables apparemment acceptés par la majorité.
Capitale du Rajasthan, Jaipur est aussi
une cité de palais de Maharajah, ceux-là-même qui ont dominé les provinces de
ce pays immense jusqu’à son émancipation démocratique après la colonisation
britannique.
Leur architecture est celle que l’on
imagine des palais des milles et une nuit : portes immenses en ogives doubles
ou triples richement ouvragées et colorées, surmontées d’élégantes coupoles - sur
plusieurs niveaux fenêtre ornées de moucharabié - cours et jardins intérieurs
agrémentés de fontaines - scintillantes verreries polychromes - cuivres et bronze
rutilants - étroites coursives menant aux étages. Quel enchantement pour les
visiteurs qui, au premier abord, ne perçoivent pas la dimension carcérale
dorée de ces lieux pour les femmes et les enfants de ces rois tout-puissants.
Ils y rendaient ici publiquement la justice lors de séances de palabres
savamment orchestrées permettant d’assoir encore davantage leur pouvoir
seigneurial.
Probablement ni pire ni mieux que les souverains de nos châteaux,
mais dans un incomparable clinquant.
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