mardi 10 août 2010

Sur la terre comme au ciel

Très petite nuit. L’arrivée rapide à 3600 m d’altitude n’est pas propice au repos sans un temps d’acclimatation préalable de quelques jours. Déjà hier soir Flo fut prise de nausées et maux de têtes violents, et nous devons bien avouer que personne n’est vraiment dans son assiette au réveil. Petit dej frugale et départ à 8h30 vers le Monastère de Deprung situé sur les hauteurs non loin de Lhasa, sans vraiment savoir à quoi nous attendre en ce premier jour de la fête du yaourt.

Après quelques kilomètres nous rejoignons un flot humain marchant dans la même direction et devons rapidement laisser le minibus pour nous joindre à la foule. Mais où peuvent-ils bien aller ?
Bhudi nous montre alors un monastère à flan de montagne précisant qu’il s’agit de l’objectif de tous ces gens, et donc à l’évidence le nôtre également. Nos regards se croisent avec Flo. Il y a du dénivelé, sans acclimatation ça ne va pas être une simple promenade de santé…

Portés par la procession des pèlerins qui grossit à vu d’œil, nous attaquons donc doucement la pente, bousculés de toutes parts, dans une ambiance assez étrange pour nos repères d’occidentaux.
Le souffle court, nous sommes régulièrement enfumés par des brulots d’encens et autres herbes aromatiques.
De part et d’autre du chemin, des mendiants comptent sur la générosité des pèlerins venus honorer le Bouddha en ce jour exceptionnel, tandis que des moines submergés par des billets de 1 yuan (12 centimes d’Euros) égrainent musicalement des prières pour le compte de généreux donateurs en marche vers le monastère purifier leur âme, estimant sans doute que le résultat dépendra aussi des litanies de prières proférées, même si c’est par délégation contre menue monnaie.
Au long du parcours la présence de l’armée est ostentatoire. Nécessité indéniable de canaliser la foule maintenant immense tout en rappelant à chacun où est l’autorité suprême... Mais objectivement cela ne semble gêner personne, les valeurs du jour étant autrement plus spirituelles.
De part et d’autre, sur les pentes, telles d’immenses toiles d’araignées, sont tendues de très longues ficelles sur lesquelles flottes des milliers de fanions de prières multicolores selon qu’ils fassent référence à la terre, au ciel, au feu, aux nuages… J’en oublie probablement.

Au fur et à mesure que nous approchons du but, le chemin, je devrais plutôt maintenant dire les chemins tant il y a de ramifications, se font plus étroits, et je dois bien avouer ne pas être toujours totalement tranquille quand la foule s’agglutine à quelques goulots d’étranglement. Nous sommes alors poussés, tirés, presque portés parfois, tandis qu’alors certains déjà en transe se mettent à ronronner des chants religieux de plus en plus fort. Mais tout le monde finit par passer sans accident et la procession continue d’avancer… Surréaliste.

Nous dépassons maintenant le niveau du monastère (que nous croyions être notre objectif) pour découvrir un peu plus haut sur la pente, une immense tenture brodée du Bouddha, « Tanka » de 40 mètres sur 40, le fameux « display » dont Budhi nous parlait depuis le matin mais dont le sens exact nous avait échappé. Im-prés-sion-nant !
Chacun essaie alors de s’en approcher au plus près pour y lancer une écharpe de tissu blanc en faisant un vœux, mais c’est impossible tant la foule est immense. Combien peut-il y avoir de gens sur la pente ? Ils étaient parait-il plus de 100 000 l’an dernier pour assister à cet évènement unique. En effet, le « Tanka » n’est déployé qu’un jour dans l’année, et c’est aujourd’hui.
Autour du Tanka de nombreux moines s’affairent, essayant de canaliser la ferveur des pèlerins, tandis que d’autres chantent en cœur des mélopées, démarrant lentement dans les tonalités les plus graves pour terminer vers les plus aigües à un rythme un peu plus élevé. D’autres enfin soufflent dans d’énormes cornes métalliques émettant des vibrations graves tout à fait uniques.
Sans pouvoir s’approcher d’avantage, comme beaucoup d’autres nous faisons donc nos vœux en accrochant nos écharpes de tissu blanc aux branches des bosquets environnant, leur donnant un aspect fantasmagorique. A cet instant précis je jette un coup d’œil sur mon altimètre de poignet : 4000 mètres ! Nous ne sommes effectivement plus tout à fait sur terre…

... La descente des cieux est plus paisible.
Plus tranquilles les pèlerins semblent rassérénés, profitant de cette occasion exceptionnelle pour visiter le monastère ouvert au grand public pour la circonstance, puis, plus bas sur la pente, s’arrêtent pique-niquer à l’ombre des arbustes.

Fatigués nous profitons de l’instant, remerciant les autorités chinoises de ne nous avoir pas permis de rejoindre Lhasa par la train, mais par avion. Sans quoi nous aurions manqué cette journée exceptionnelle.
Qui sait, peut-être un signe amical du Bouddha ?

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