mercredi 11 août 2010

Pouvoir contre pouvoir

Souvent associé au Dalaï Lahma actuel, 14ème du nom, comme chacun sait en exil, le Potala Palace reste l’un des symboles emblématiques du peuple Tibétain, lieu où jusqu’au milieu du siècle dernier s’exerçait pouvoirs politique et religieux étroitement mêlés.
Ses photos en sont universellement connues. En les regardant on n’imagine pas qu’en réalité le Potala se situe dans la ville même de Lhassa sur un promontoire surplombant la vallée où la cité s’est développée. (Très loin de l’apriori que je m’en étais fait, naïvement, l’imaginant implanté dans un lieu propice à la méditation quelque part dans les montagnes Himalayennes…)
En arrivant sur le palais par une grande avenue, l’impression dégagée par l’énorme bâtiment est saisissante. Blanc et ocre, il est constitué de presque 1000 pièces sur 13 étages, blanches réservées aux affaires politiques et administratives, ocres aux activités religieuses. Au sommet, impossible de ne pas remarquer le drapeau Chinois flottant au vent.
Juste en face, de l’autre côté de l’avenue, une grande esplanade au milieu de laquelle est érigée un symbole à la gloire du peuple Chinois « libérateur » du Tibet.
Le tableau résumé des relations complexes entre la Chine et le Tibet est planté !

Parcourir le Potala est propice à la réflexion même si le tour est minuté, une heure et pas plus, afin de satisfaire la demande des nombreux visiteurs, essentiellement asiatiques, et pour éviter les embouteillages dans le dédale de pièces et couloirs.
L’ascension des quelques centaines de marches permettant d’accéder au palais nous rappelle que nous ne sommes pas d’ici. Même si petit à petit l’acclimatation se fait, que les brumes cérébrales se dissipent, au moindre effort le souffle reste encore court et le cœur s’emballe.

Nous démarrons par les pièces réservées aux activités politiques : curieusement vides et peu ou pas d’explication de la part de notre guide.
Me reviennent alors à l’esprit les propos d'amis Chinois, ouverts sur le monde, sur la question Tibétaine. En bref ils disent ceci : depuis le Moyen-âge le Tibet s’est mis à plusieurs reprises sous protections Chinoise pour répondre aux agressions de peuples voisins comme les Népalais ou encore les Mongols puis, à la fin du 19ème siècle, la colonisation Anglaise ; insistant ensuite sur la situation dans laquelle se trouvait encore le Tibet au début du 20ème, sous le joug d’un pouvoir théocratique et féodal exercé par des religieux et des propriétaires terriens asservissant un peuple crédule et ignorant, pour finalement être libéré par Chine… Et de rappeler les progrès dont bénéficie le Tibet : infrastructures, éducation, santé, sous statut particulier de provinces autonomes. La dernière affirmation étant un des grands classiques du discours officiel de tout pays colonisateur…

Puis nous entrons dans la partie réservés aux activités religieuses du bâtiment.
Très humblement je dois reconnaître n’avoir pas tout suivi tant les subtilités de la religion Bouddhiste sont complexes : entre le bouddha ancien, l’actuel et le futur bouddha ; toutes les déclinaisons du Bouddha, la succession des Dalaï Lama, les influences des autres grands Lamas. Mais une question particulière m’a particulièrement intéressée. Puisque dans la tradition Tibétaine le Dalaï Lama incarne à la fois le pouvoir religieux et politique, alors comment sont donc désignés les Dalaï Lama, et quel est leur champ de pouvoir ?
Voici ce que j’en ai compris :
Le Dalaï Lama est désigné après la mort du précédent par des moines et des maîtres spirituels, qui, à partir de différents textes et oracles vont rechercher sa réincarnation. Des enfants candidats vont alors être identifiés dans les villages, puis évalués selon les souvenirs qu’ils auraient de leur précédente incarnation. L’enfant finalement choisi sera ensuite formé dans un monastère…
J’avoue très franchement être resté un peu perplexe quant la véritable légitimité d’un tel mode de désignation, qui plus est, fait dès le plus jeune âge d’un enfant qui sera ensuite « formé » par ceux-là même qui l’on choisi… Quel ouverture et liberté d’esprit aura-t-il alors ? Bien sûr, si l’on en reste au niveau des croyances ou la foi, cela concerne l’intimité de chacun et il n’y a pas vraiment à débattre. Mais lorsqu’il s’agit de gouverner avec clairvoyance à la destiné d’un peuple, c’est à mon humble avis une toute autre affaire.

Sur ces considérations politico-religieuses, ressortant de palais nous retrouvons la puissante lumière du jour. Lunettes de soleil et chapeau obligatoires à ces altitudes.
La vue est impressionnante depuis la terrasse où nous embrassons d’un seul coup d’œil toute la vallée. D’ici l’esplanade édifiée par le pouvoir Chinois face au Potala semble bien modeste, illustration parfaite de l’évidente nécessité de séparation des deux pouvoirs.
Le spirituel transcende les contingences de la vie quotidienne s’adressant, dans une autre dimension, à l’âme.
La politique a pour mission de régler la vie de la cité, mais ne peut s’affranchir du droit fondamental de liberté du citoyen.
Confondre les deux mène aux excès que l’on connait.
Oublier le droit fondamental de liberté n’a pas de non plus de futur.

Retrouvant la rue nous redescendons une nouvelle fois sur terre et longeons une allée au long de laquelle sont alignés des dizaines de moulins à prières que des passant font machinalement tourner. Tout semble tranquille.

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