mercredi 4 août 2010

Lenin Café...

Il est de ces improbables lieux que sur les bons conseils de l’ami d’un ami qui y serait passé il ne faudrait manquer sous aucun prétexte… « Le Lenin café» en fait parti.

Dimanche matin nous prenons donc nos motos et partons en quête du lieu qui serait parait-il sur une île de la Loire du côté de Chalonnes-sur-Loire au cœur de l’Anjou.
Approche agréable par les routins du bocage puis du vignoble où nous zigzaguons doucement avec délice profitant de « la douceur Angevine » de cette matinée d’été : fraîcheur humide au creux des Coteaux du Layon quand les rayons du soleil sont encore à mi-pente, puis tiédeur entre les carrés de vigne de Savennières exposés plein Sud, avant de descendre sur la ligne de ponts enjambant les bras de la Loire jusqu’à Chalonnes.

Ce serait donc dans le coin, mais où ?
Nous stoppons devant la boulangerie du village où je demande à la patronne, une p’tite dame au parfait physique de l’emploi, joviale, petite ronde légèrement serrée dans un impeccable tablier blanc à dentelles, si le Lenin Café lui dit quelque chose. Coup d’œil entendu à son homme juste derrière aux fournils qui rapplique aussitôt.
- Ben oui dit-il. Ca fait bien parti d’Chalonnes. Z’avez qu’a r’tourner sur vos pas et prendre direction « Basse Ile » à gauche juste après l’premier pont. Y’a bien 5 km !
- Merci M’sieur Dame et bon Dimanche.
Le lieu semble donc bien connu…

Nous voilà donc repartis : le premier pont, la petite route à gauche vers « Basse Ile ». Petite en effet, la route. 3 km, 4 km puis quelques maisons avant de tomber sur un spectaculaire portrait de Lenin un verre à la main, noir sur fond rouge auréolé d’une enseigne « Lenin Café » sous-titrée : musée, bistrot, débat, concert. Tout un programme !

Nous garons les motos au raz de la tonnelle naturelle protégeant la terrasse du soleil, posons les casques et « entrons » sous le regard d’une femme d’âge mure au visage joliment marqué de rides d’expressions, pommettes saillantes, cheveux blancs coupés courts et yeux clairs protégés derrières une élégante paire de lunettes fumées à monture noire. Habillée à mode la Russe traditionnelle, robe colorée assez ample et étole de tissu rose en écharpe, dans sa tenue théâtrale la dame est élégante et souriante, du sourire de ceux qui ont fait une bonne farce.
Accueillante elle nous souhaite la bienvenue en nous invitant à découvrir les lieux où nous entrons doucement. Etrange décors, atmosphère de datcha Russe où, au-delà du bar qui passe presque inaperçu, en parcourant l’enfilade de 4 pièces de cette maison de plein pied nous découvrons mille et un objets à l’effigie de Lenin retraçant une certaine histoire de la Russie du 20ème siècle ; sorte de sanctuaire à la gloire du communisme triomphant. Pour le moins étrange et à vrai dire presque intimidant ici et maintenant.

Nous retrouvons la tenancière sur la terrasse et engageons la conversation avec la dame qui n’attend que ça. En un quart d’heure, dans un rare « one women show », Martine nous raconte son histoire : fille d'un militant de gauche travaillant en hôpital psychiatrique, elle devient perceptrice des impôts avant, au début des années 70, de partir découvrir la grande Russie au volant d’une 2CV pour finir « expert économique européen » pour les pays de l’Est et finalement fonder le café communautaire « Lenin », lieu de convivialité et d’échange « qui fait polémique » ajoute t-elle avec une fierté non dissimulée. Et de nous compter les nombreuses oppositions et autres manifestations hostiles à sa petite entreprise au cœur de cet Anjou d’habitude si paisible mais parfois tellement conservateur où le diable peut faire encore peur à quelques esprits chagrins « bien pensants ».
Elle a visiblement des comptes à régler « La Martine », écorchée vive de la société capitaliste à la recherche de confrontation intellectuelle. Rien de méchant, juste le plaisir du débat avec une gouaille de tribun parfaite dans les meetings politiques à une époque ou les deux blocs s’affrontaient par idéologies interposées.
Finalement le temps passe assez agréablement, sirotant une vodka tout en écoutant la patronne. Et j’en viens à me demander jusqu’où va sa sincérité quand Flo revient avec un livre acheté au coin du bar titré « J’aurai voulu être Lénin », signée Martine T.
Elle serait donc sincère… sauf que les temps changent Martine. Il y a déjà plus de 20 ans que le mur de Berlin est tombé signant l’effondrement du système communiste « traditionnel », tandis que depuis le système capitaliste ultra-libéral semble avoir aussi touché ses limites dans la crise boursière que nous traversons.
Mais à cet instant ça n’a finalement aucune espèce d’importance.
Nous avons passé un super moment dans un lieu en effet unique. Alors merci Martine.

Aucun commentaire: