samedi 27 mai 2023

Yanti

 
A la queue leu leu, une noria de bus converge vers le mont Yangtou, province du Shanxi en Chine. Autour de la ville de Gaoping, toutes les routes sont bloquées pour laisser passer ce flux ininterrompu de dizaines de milliers de visiteurs, je devrais dire pèlerins, vers le temple érigé en hommage au légendaire empereur Yandi.

Yandi aurait régné antérieurement aux dynasties Chinoises, il a plus de 4000 ans, avant même le début de l’écriture. C’est dire combien la tradition orale relayée d’écrits à postériori ont dû magnifier sa légende d’inventeur de l’agriculture, de la monnaie, de la soie, et de tant d’autres progrès dont a bénéficié la civilisation de l’empire du milieu et bien au-delà sans doute...
 
Impeccablement organisé, sur le site l’accueil se fait dans un ordre parfait. Déchargement des visiteurs par groupes numérotés derrière un guide arborant une pancarte numérotée.
Et nous voilà parti procession, chacun paré d’un foulard jaune, à pied derrière une jeune fille au port altier tenant à bout de bras la petite pancarte telle un précieux étendard. Malgré la foule immense, impossible donc de la perdre.
 
Sur invitation d’un nouveau client avec qui nous allons officiellement signer, à cette occasion, un important contrat de fourniture de génétique porcine, notre groupe est constitué de ses nombreux partenaires, fournisseurs, clients, collaborateurs, autorités locales, amis. L’opportunité unique de renforcer des liens à la fois personnels et bien entendu spirituels...
 
De part et d’autre de l’allée nous conduisant vers le temple, des figurants vêtus de costumes traditionnels rouges et jaunes brandissent fièrement des oriflammes dorées, tandis que d’autres tapent en rythme sur de gros tambours traditionnels. Ici et là, la combustion lente de bâtons d’encens distille les volutes bleutées du parfum élevant les âmes.
 
L’allée nous conduit jusqu’à un escalier monumental montant tout droit jusqu’au temple. De part et d’autres des colonnes de pierre sculptées d’idéogrammes rendant grâce à Yanti.
Nous franchissons plusieurs portes imposantes dans la plus pure architecture traditionnelle chinoise : toitures de tuiles en céramiques ornées de pointes et dragons, sous lesquelles de magnifiques bas-reliefs sculptés et colorés s’étalent sur les imposantes charpentes. Iconographie d’histoires légendaires peuplées de personnages extraordinaires.
Au seuil des portes, un petit muret qui s’agit de franchir sans marcher dessus, au risque de s’attirer la foudre des esprits. J’avoue avoir fait la gaffe. Apparemment sans conséquence....
 
Enfin nous rejoignons l’esplanade bordant le temple.
 
Tel un bouda monumental, à l’intérieur on aperçoit la statue dorée au visage noir et grands yeux blancs de Yanti qui vous écrase de son regard impénétrable, comme pour vous ramener à votre modeste condition de mortel.
 
Notre guide nous amène jusqu’à un coin clairement délimité d’où nous allons pourvoir assister aux commémorations. La ferveur est évidemment palpable. Reprise d’une frise chronologique de la grande Chine millénaire à l’origine de tant de progrès. Succession de courtes allocutions, mais surtout d’hommages à Yanti, père de la civilisation Chinoise, avec remises de fleurs, danses traditionnelles puis lâché de ballons. Il est ici question de la Chine, pas du pouvoir de la Chine. Participent aussi de nombreux Taïwanais, tout autant Chinois, venus spécialement pour un éphémère retour aux sources de leur civilisation.
En tant que très rare étranger, à vrai dire je n’en ai pas vu d’autre, quelques visiteurs me demandant un selfie devant le grand temple, image qui circulera certainement comme une curiosité sur leurs réseaux sociaux.
Et lorsque je demande à mes hôtes la raison du visage noir de l’empereur, étonnés ils me disent ne s’être pas posé la question, consultent Baïdou (Google Chinois), pour me répondre qu’il se serait involontairement empoisonné en testant des plantes médicinales, après en avoir heureusement tant découvert aux vertus positives. 
Où comment meurent les légendes...
 
 

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