mardi 14 mai 2024

Arnaque à Tidjikja

Au fin fond du désert Mauritanien, Tidjikja est loin de tout. Pour faire simple, 400 km de la première ville au nord, Atar, et au sud Aleg où nous sommes ce soir.
400 kilomètres c’est beaucoup pour un réservoir de moto. On y arrive presque à sec et il faut faire le plein pour en repartir. Donc ce matin on va à la première station-service pour prendre de l’essence et, pas de chance, il n’y a que du gas-oil. Pas grave, on se dirige vers la seconde. Idem.
J’interpelle un gars du coin en lui demandant s’il y a une autre station dans le village ?
-    Et bié non m’sié. Va au marché, et ti demande Mohamed Ahmoud.
Pas sûr d’avoir bien compris le nom…
-    Et il est où le marché ?
-    J’te fi voir. Suis-moi.
Ni une ni deux, il saute dans sa Mercedes pourrie dont nous suivons le panache de fumée dans les ruelles ensablée pour finir sur la place non moins ensablée. Pour rappel des non-initiés, rouler dans le sable mou, sans vitesse, est un exercice des plus périlleux avec nos grosses motos, sauf si équipées de petites roulettes sur les côtés. Un quad en fait... Remarquez que je n’ai contre les quads, ni pour non plus…
Nous voilà donc sur la place du marché. Un grand gars nous aborde en mâchouillant une tige de réglisse. Ca fait genre un peu kaïd.
-    Bonjour, nous avons besoin de 40 litres d’essence, 20 litres par moto, tu en as ?
-    Oui, et de la bonne, au marché noir d’origine Algérienne. Elle a fait un long chemin pour arriver jusqu’ici…
-    On imagine, mais elle ne coûte pas chère du tout au cul du camion de contrebande. Nous connaissons les prix là-bas. De l’ordre de 35 centimes d’Euros. Combien pour les 40 litres ?
Il réfléchit, prend un air très sérieux, et lâche sans rire, 4000 ouguiyas (la monnaie locale), soit plus du double du prix officiel.
Nous nous esclaffons et tentons de le ramener à la réalité, Didier et moi allant chacun de nos arguments rationnels. Mais rien ni fait.
-    Si tu veux l’essence c’est ce prix. Sinon c’est pas grave.
Et il s’en va.
-    Pas grave, pas grave, on va bien en trouver un autre ?
-    Peut-être mais où ? Et tu nous vois circuler dans les ruelles ensablées avec nos machines ?
Il nous tient, le sait, et revient à la discussion. Nous offrons 3000, lui 3500, pour finir à 3200. Soit tout de même 50% de plus que le prix officiel.
-    Mettez-vous là-bas je reviens.
Le là-bas est un coin tranquille à l’abri des regards indiscrets.
Un quart d’heure plus tard il revient avec 2 bidons de 20 litres chargés sur une petite moto… montrant ostensiblement combien il maîtrise la conduite sur sable. Mais passons ce détail avouons-le un peu humiliant pour en revenir à notre histoire.
Entourés comme toujours d’une ribambelle d’enfants, nous faisons les pleins raz-bord. Au moment de payer, compte tenu de l’inflation galopante, nous n’avons pas le montant disponible. On propose de payer en Euros. Il refuse et nous indique une boutique officielle de change sur le marché. J’y vais. Un gars avenant me dit qu’il ne peut pas changer aujourd’hui.
-    Mais pourquoi pas aujourd’hui ?
-    C’est comme ça M’sié. Va à la boutique là-bas ?
-    Là-bas où ?
-    Ci pas loin…
Un enfant m’accompagne. Il y a une sorte de comptoir en bois crasseux, mais je n’arrive pas savoir ce que fait vraiment cette boutique. Peu importe, je demande à changer 200 €.
-    Pas de problème M’sié.
-    Combien ?
-    6500 Ouguiya.
Je crois m’étouffer. Le cours officiel donne à peu près 8000 Ougiya.
-    C’est vrai M’sié, mais nous sommes loin de tout, alors c’est comme ça. Si t’en veux, c’est le prix… Sinon c’est pas grave…
On parlemente pour finir à 7500. Il me donne l’argent que je recompte deux fois pour éviter l’entourloupe. Le compte n’est pas bon mais il est juste. Il me demande alors une commission. Je le tue du regard, il ne baisse pas les yeux. Vexé je pars rejoindre mon coéquipier toujours caché dans son petit coin.
-    Alors, combien ?
-    Cassons-nous, je te dirai plus tard !

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