dimanche 5 mai 2024

Cap Juby

Au départ d’El Outia, plein sud vers Cap Juby.
La brume de mer s’évapore doucement en filtrant les premiers rayons du soleil jusqu’au ruban d’asphalte longeant la côte, ligne de séparation de deux océans : à l’ouest l’Atlantique, à l’est le Sahara, Ying et Yang d’immensités liquide et minérale dont les reflets orangé et bleuté sur le ciel encore humide diffuse une lumière surnaturelle.
Au bord de la falaise, des pêcheurs lancent déjà leurs lignes vers les eaux poissonneuses.
Puis la route s’éloigne du trait de côte pour longer un vaste chott, lac asséché recouvert de sel. Impression saisissante de cette immensité blanche au-dessus de laquelle se développent quelques mirages, effets d’optiques transformant les rares touffes végétales en massifs forestiers, ou quelques cailloux en reliefs montagneux.
Au loin se profilent les premières dunes aux ondulations parfaites, telles l'instantané des
vagues d’un océan blond. Quelques congères viennent lécher la route que notre passage transforme en éclaboussures dorées.

Nous atteignons Cap Juby pour un déjeuner tardif. Quelques vestiges rappellent le lieu mythique de l’Aéropostale où Saint Exupéry se révéla en tant que meneur d’hommes et pilote, avant de devenir l’écrivain que l’on sait, notamment inspiré par la nature et le contexte extraordinaire de ce lieu devenu mythique. Uniquement de passage, en aurions-nous perçu la magie, avant de retomber dans l’indolence du grand Sud teinté d’un peu de nostalgie…

Poursuivant notre chemin, comme sorti d’un autre espace-temps venant du désert, un Land-Rover hors d’âge chargé de bois sec – d’où peut-il bien venir – rejoint la route avec à son bord deux hommes coiffés de chèches. Plus loin, un bateau échoué sur la grève semble vouloir poursuivre sa route vers le désert.

Puis le ciel s’obscurcit tandis qu’un vent de sable soutenu se lève, donnant au voyage une nouvelle dimension.

Bien campés sur nos machines inclinées à droite pour contrer les rafales, nous ne roulons plus, nous volons sur un tapis mouvant de sable balayé par le souffle puissant de la nature. Les yeux plissés pour se protégés des grains en suspension, nous restons concentrés, particulièrement au croisement des camions chargés remontant vers le Nord. Et je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec le récit de Joseph Kessel racontant Mermoz
sur cette ligne de l’aéropostale. Lui subissant en vol les affres des éléments naturels. Il fallait tenir bon l’avion pour ne pas aller à la catastrophe. Nous sommes sur le plancher des chameaux, ça n’a évidemment rien à voir. Pour autant la grâce du moment nous touche aussi. Peut-être, à cet instant, la dimension mystique de se sentir vivre plus fort.

Les éléments se calment un peu. Sans dégât nous échouons pour la nuit à Boudjour au cœur du Sahara Occidental.



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