Nous touchons au but du troisième objectif de cette aventure avec une délectation tranquille. L’odeur de l’eau, si particulière, précède toujours sa présence. Elle flotte dans l’air avant même qu’on ne voie scintiller ses reflets. Après 7 600 kilomètres de routes, de pistes, de poussières et de mirages, nous arrivons sur les rives du grand fleuve Sénégal. Un frisson parcourt notre équipe : celui du but atteint, partagé entre fierté et gratitude.
Ici, tout change. L’Afrique est plus douce, plus charnelle, plus généreuse, presque exubérante. Après les étendues minérales et muettes de l’Adrar, c’est comme un choc sensoriel. Les marchés regorgent de fruits, de légumes, de tissus éclatants. Les visages sont plus ronds, les rires sonores, les pas plus assurés. Les silhouettes féminines s’enroulent dans des pagnes chamarrés, dansent avec la lumière, certaines portant sur leur tête avec élégance sans équivalent, et les enfants, partout, surgissent en éclats de joie. Cette Afrique semble vouloir compenser, par sa générosité, la rigueur du désert que nous venons de quitter. Le yin après le yang, la chair après l’os.
Nous prenons le temps de regarder vivre cet environnement fluide et animé.
À Boghé, la place du marché s’étire sous un soleil presque doux. Odeurs de poissons, de fruits mûrs et de charbon tiède. Des voix s’interpellent et se répondent. Tout semble à la fois désordonné et parfaitement en place. Les femmes lavent leur linge dans le canal, agenouillées dans la lumière. Leurs gestes sont précis, rythmés, presque cérémoniels. Les enfants s’ébattent tout près, éclaboussant les reflets dorés. Plus loin, des cultivateurs s’activent dans les rizières, pieds dans la boue, visages attentifs, comme si la terre ici parlait à leurs mains.
L’eau généreuse et nourricière rafraîchit les corps et apaise les âmes. On comprend pourquoi les civilisations naissent au bord des fleuves.
Nous espérions croiser les hippopotames, peut-être un crocodile glissant entre deux rives. Ce sera pour une autre fois. Le temps, une fois encore, nous rattrape. Mais l’essentiel est là. Le fleuve nous a offert ce que nous étions venus chercher, sans que nous sachions vraiment le formuler. Peut-être tout simplement un but de voyage. Nous nous y laissons bercer, heureux d’avoir franchi bien plus qu’une étape géographique.



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