samedi 18 octobre 2025

Sur les pentes de l'Atlas

Devant nous, les contreforts de l’Atlas ferment l’horizon comme un immense rempart. Cap au sud, la route s’y engage, sinueuse, déterminée à franchir la montagne pour plonger vers Ouarzazate, avant la grande descente vers le Sahara occidental. 
Peu à peu, la vallée poussiéreuse s’efface derrière nous. L’air se rafraîchit, la lumière devient plus nette. Les reliefs prennent d’étonnantes couleurs minérales – ocres, bruns, verts, gris, bleu – qui se mêlent en dégradés subtils. Les couches de roches, plissées par les âges, dessinent les formes gourmandes d'un feuilleté chocolat-caramel, agrémenté d’élégantes futaies de mélèzes comme les sapins d’une bûche de Noël.
Les villages se font plus rares aussi. De petites maisons de terre s’accrochent aux versants, défiant parfois les lois de l’équilibre. Quelques silhouettes s’affairent dans les champs en terrasses, d’autres observent la route depuis un muret. Des enfants reviennent de l’école, cartables au dos, marchant en joyeux petits groupes sur le bas-côté. Ici, la vie suit son cours singulier, simple et obstiné, à l’image de ces montagnes qu’on ne traverse jamais sans humilité.

La route grimpe sans discontinuer. Le bitume se dégrade, les lacets s’enchaînent, chaque virage semble suspendu au-dessus de vides parfois vertigineux. 
À plus de deux mille mètres, le vaillant moteur du pick-up ne faiblit pas, et les perspectives se déploient à perte de vue. 
Presque 2 400 mètres, la pente s’inverse enfin. Commence alors la descente, lente et prudente. Au détour d’un virage, surgit un fourgon Mercedes hors d’âge, couvert de poussière et bondé de passagers jusque sur le toit. Moteur hurlant à plein régime, l’échappement crache un panache de fumée noire, éphémère souillure dissipée par l’air sec d’altitude. Je n’ose imaginer les conséquences d’un accident...

A l’horizon quelques nuages s’accrochent aux sommets, projetant de brèves ombres mouvantes sur la vallée. Soudain la lumière revient, dorée, généreuse. 
Le paysage change encore : les versants s’adoucissent, des palmiers apparaissent au détour d’un virage dans le creux d’un oued éphémère. La végétation reprend ses droits. 
Puis la plaine. La vie qui réapparaît avec le bruit et la poussière : ruelles animées, étals fumants, gestes simples du quotidien. Les hommes discutent devant les échoppes, les voitures circulent dans un désordre bien compris, les ânes patientent à l’ombre, les enfants jouent, les femmes passent discrètement.
Nous avançons à faible allure pour ne pas troubler ce petit théâtre paisible. 
Les odeurs de charbon et de coriandre nous parviennent par bouffées. À la sortie d’un village, une petite gargote en surplomb d’un ruisseau coulant entre les peupliers. Un jeune garçon nous salue d’un geste amical et nous invite à rentrer. L’après-midi s’étire déjà et il est temps de faire une pause autour d’un tajine brûlant. Rien de mieux que de prendre le temps d’y refaire le monde en profitant du moment.



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