Nous quittons peu à peu le Sahara profond. D’abord discrètement. Comme une lente métamorphose, le paysage s’assouplit. Dans l’air flotte quelque chose de différent, une douceur presque imperceptible. Les dunes s’effacent, les paysages bruts s’adoucissent, puis un oiseau, comme un signe de renaissance après des jours d’immensité minérale.
Les herbes réapparaissent, maigres, tenaces, d’un vert timide mais bien réel. Puis viennent les premiers pâturages, quelques arbustes, des acacias plus denses. Et les villages enfin. Quelques cases, encore des tentes, un puits, des silhouettes. Boubou au vent, les hommes, vêtus de bleu, marchent avec cette allure tranquille de ceux qui savent composer avec le temps. Les femmes, drapées de tissus chamarrés, redonnent des couleurs aux scènes de vie comme des instantanées sur papier glacé. Et les volées d’enfants qui surgissent en nuées joyeuses, bras levés et visages souriants à notre passage.
Plus loin quelques troupeaux de vaches paissent lentement au bord de la route, contraste saisissant avec les chèvres faméliques de l’Adrar. Des oiseaux bâtissent leurs nids dans des buissons plus verts, comme si le printemps venait s’installer ici. Et puis soudain une odeur. D’abord imperceptible, puis comme évidence. L’eau ! L’abondance qui revient.
Maintenant, à chaque entrée et sortie de village, les postes de police se succèdent. Des barrières peintes à la main, des cabanes de tôle, des hommes au regard tour à tour curieux ou simplement lassés. Nous avons appris la chorégraphie : sourire, descendre la vitre, tendre les copies de passeport avant même qu’on les demande. Souvent, cela suffit. Jusqu’à Aleg et le carrefour poussiéreux vers Boghé. Un policier négligé demande notre assurance. Après inspection elle est prétendument expirée. Une arnaque évidemment. Je joue le rôle du « bad cop » qui monte le ton, Bruno celui du gentil qui calme le jeu. Après trente minutes de palabres, Bruno me demande de sortir de la guérite. Tout sourire il nous rejoints quelques minutes plus tard à la voiture :
- - T’as payé combien ?
- - Rien du tout.
- - Alors quoi ?
- - J’ai prétexté l’énervement du frère gravement malade que je conduis pour un dernier grand voyage avec son épouse…
- - Et alors ?
Alors arrive vers Flo un des policiers pour se confondre en excuses. Après une accolade avec Bruno, et une chaude poignée de main à mon attention, il nous rend les documents et nous souhaite bonne chance. Grosse rigolade à suivre.
Le soir descend. Le vent se fait plus humide, la lumière plus dense. A quelques dizaines de kilomètres s’écoule le fleuve Sénégal. Ligne de vie, frontière, promesse d’un autre monde.
Le Sahara s’efface derrière nous comme un rêve.


 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire