jeudi 16 octobre 2025

Warm-up

Sur l’autoroute, un petit grincement régulier s’invite dans l’habitacle du pick-up. À peine audible au début, comme un murmure métallique, il revient toutes les trente secondes. Assez pour éveiller le doute, trop pour l’ignorer. Pas le genre de musique que l’on aime entendre quand on s’apprête à avaler douze mille kilomètres jusqu’au fleuve Sénégal. Les grandes traversées commencent souvent par une attention particulière à de petits signes : un bruit, une odeur, une vibration. Des messages codés que le voyageur habitué aux longues routes sait écouter sans les négliger.
On s’arrête alors sur une aire de service quelque part avant la frontière espagnole. Capot ouvert le moteur délivre ses rassurantes effluves d’hydrocarbures. Celles d’une mécanique bien vivante. On observe, on écoute, on cherche. Très vite, le diagnostic tombe : la courroie du compresseur de clim, légèrement détendue, patine très légèrement sur sa poulie. Rien de dramatique, mais assez pour agacer à la perspective des milliers de kilomètres de routes et pistes brûlantes à venir.
Problème : l’accès est impossible sans démonter le blindage de protection moteur. Excellent en cas de choc sur une piste caillouteuse, beaucoup moins pratique sur un parking d’autoroute... On se regarde en souriant : “C’est bien notre veine.” L’esprit d’aventure commence souvent là, au premier contretemps, au premier petit ennui qui vient tester la cohésion de l’équipage.
On sort la trousse à outils, celle qu’on avait préparée avec soin. Les gants, la lampe frontale, le cliquet, les douilles : tout y est pour se glisser sous le véhicule sur la carpette de bivouac de Bruno, à même le bitume tiède. Quelques gros mots, un peu de sueur, et beaucoup d’acharnement sur 2 écrous récalcitrants plus tard, la courroie retrouve sa tension idéale. Une heure de mécanique de fortune et l’affaire est heureusement réglée. Le moteur libéré de son grincement ronronne de nouveau comme un gros chat.
On remballe les outils, et nous essuyions les mains noircies en souriant : “Première alerte réglée !” Ce genre d’incident, quand on voyage loin, finit toujours par devenir un souvenir amusant.

La lumière décline doucement à mesure que l’on grimpe sur le plateau ibérique. Le soleil couchant allume les collines d’un feu orange, puis glisse vers le pourpre avant de se dissoudre dans un bleu profond. Le ciel est d’une pureté cristalline, sans un nuage, comme lavé par le vent sec venue de l’est. Les ombres s’allongent, les montagnes se découpent en silhouettes dorées. Le pick-up file droit vers un horizon plein de promesses. Ce soir, quelque part entre la France et l’Espagne, l’aventure peut enfin commencer.



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