lundi 20 octobre 2025

Entre mer et désert

Au bout du Maroc, là où la route semble s’effacer dans la poussière du vent, Tarfaya sommeille face à l’Atlantique. Cap Juby, son ancien nom, résonne encore comme une balise mythique pour ceux qui savent lire les cartes de l’imaginaire. 
Ici, tout respire l’entre-deux : entre mer et désert, entre histoire et oubli, entre caresse du vent et morsure du sable.

Le vieux bâtiment de l’Aéropostale se dresse encore comme un phare immobile résistant aux affres du temps. Sur sa façade décrépie, on distingue encore quelques lettres effacées, souvenirs des pionniers qui, dans les années 1920, faisaient escale ici avant de plonger vers Dakar ou de remonter vers Toulouse. C’est à Cap Juby que Saint-Exupéry passa plusieurs années, chef d’escale dans ce bout du monde où les avions se posaient sur la tôle ondulée d’un aérodrome battu par les vents.
On retrouve encore la piste en terre balayée par le sable, au bord de laquelle se dresse toujours les ruines du bâtiment où il vécut. Nous y entrons comme dans un mausolée oublié. Ne reste que les murs et les étages, le toit s’étant par endroit effondré. Et l’on retrouve les pièces de vie, salon, cuisine, chambres, sanitaires, dont les faïences ont résisté aux outrages temps. En grattant le sol, sous le sable et les gravats réapparaissent les carrelages colorés d’époque. Comment n’aurais-je pas pu en ramasser un morceau ? Et l’on perçoit à la fois la dureté et la douceur de la vie quotidienne dans ce lieu chargé d’histoire.
Ici Saint Ex écrivit, rêva, contempla. On l’imagine, silhouette mince au col de cuir relevé, marchant au milieu des hangars, guettant l’arrivée des avions longeant la côte.

Dans Tarfaya règne une nonchalance presque poétique. Les ruelles sablonneuses, bordées de maisons basses peintes à la chaux, sont traversées par un vent toujours présent charriant l’odeur de sel et de gasoil des cités portuaires. La vie ici s’écoule lentement, comme si l’on avait volontairement ralenti le temps pour ne pas troubler la quiétude des lieux.

Au-delà de la plage blanche, l’océan oscille entre gris métallique et bleu profond lorsque le soleil perce les brumes froides venues du large. Le climat de Cap Juby défie les saisons : il y fait toujours un peu froid. Le vent du nord, chargé d’humidité, rencontrant la chaleur du Sahara, crée une atmosphère étrange, presque irréelle, où le sable et la brume se mêlent. La lumière ouatée, donne alors aux nuages des reflets métalliques changeants, cuivrés et argentés.

On quitte la ville comme on sort d’un rêve, avec nostalgie. Celle des épopées passées, des aviateurs disparus, des horizons sans fin.
Au sud, la route s’étire, droite et hypnotique, filant maintenant vers Laâyoune, Dakhla puis Nouadhibou, là où commence une autre Afrique. Route de vents et de mirages, où les rares véhicules se croisent avec un salut de phares.



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